Il faut sauver le phare de Walde !

Le phare de Walde et son banc de sable : territoire des phoques. Photo EPAC

Fruit d’une innovation architecturale venue d’outre-Manche à la fin des années 1850, le phare de Walde est à ce jour, en France, le seul phare à structure métallique sur pieux encore en place, sur la plage de Marck, à quelques kilomètres de Calais. Son unicité ne l’empêche pas d’être victime du temps qui passe. Il menace aujourd’hui de s’effondrer. Plusieurs associations se battent depuis plusieurs années pour sa sauvegarde.

Le phare de Walde en 2016 - vue de la plateforme
Image : Wikimedia CH’TI du 59153

Maître du platin* entre Calais et Dunkerque depuis plus de 150 ans, le phare a été définitivement éteint en juillet 2001. Il a depuis été laissé à l’abandon. Sa destruction avait été déjà envisagée en 1998 mais le service des Phares et Balises (ministère de la Mer) avait annoncé accepter un démontage pour le sauvegarder si un mécène finançait le surcoût de l’opération.
La proposition de démontage a reçu également l’appui de la Fédération Régionale pour la Culture et le Patrimoine Maritimes (FRCPM). À l’occasion des Journées nationales des phares de 2013, celle-ci a réaffirmé son soutien à la défense du bâtiment, aux côtés de Marc Pointud, président de la Société Nationale pour le Patrimoine des Phares et Balises (SNPB). Soucieuses de son devenir, ces deux entités plaident, elles aussi, en faveur d’une protection au titre des Monuments historiques.

Ces deux organismes de protection et de valorisation du patrimoine maritime ne sont pas les seuls à demander la sauvegarde du phare. En 2018, l’association de Modélisme Naval du Calaisis remet une maquette de la structure au député Pierre-Henri Dumont, favorable lui aussi à une restauration de l’édifice. En 2020, le photographe Alain Beauvois met le phare en vedette dans son recueil de photographies intitulé « Calaisis côté mer du Nord ». A l’occasion d’un entretien accordé au journal La Voix du Nord, celui-ci plaide la cause de l’édifice : "C’est le dernier phare métallique vissé en France. Une méthode anglaise. Placé là pour prévenir des bancs de sable. Inauguré en 1859, il a tout connu : les incendies, la foudre, et maintenant l’érosion. Il a fonctionné au fioul, à l’énergie solaire. C’est le seigneur des lieux, le seul truc vertical, la limite officielle entre la Manche et la mer du Nord. Il a éclairé des gens, il a sauvé des vies. Il est comme une personne âgée qu’on laisserait tomber. Ça va coûter cher de le rénover. Peut-être même qu’il est déjà trop tard ".

En mai 2021, Lynda Krawczyk, élue du groupe « Respirer Calais », réclame "l’attention des pouvoirs publics en tant que monument patrimonial unique en France " au cours d’une délibération municipale.
En septembre 2021, à l’occasion des Journées Européennes du Patrimoine, l’association Environnement et Patrimoines du Calaisis (EPAC) a organisé une promenade afin de faire découvrir aux promeneurs et curieux ce patrimoine marin et l’histoire du phare. Initiative réussie, car la Direction régionale des affaires culturelles (DRAC) des Hauts-de-France a annoncé qu’elle prévoit de venir visiter le site.

L’EPAC et son partenaire la Fédération régionale du patrimoine maritime en la personne de son président Marcel Charpentier, a déposé le 2 juin 2021 une demande de protection du phare au titre des Monuments historiques. Ils ont été appuyés par Sites & Monuments qui, de son coté, n‘a pas manqué de sensibiliser directement ses interlocuteurs de la DRAC des Hauts de France.
Cette demande de protection doit être examinée lors d’une prochaine réunion de la Commission Régionale du Patrimoine et de l’Architecture (CRPA) courant 2022.
Sites & Monuments reste en concertation permanente avec l’EPAC et une promenade commune doit être organisée prochainement.

(*) partie d’une plage qui paraît à marée basse


L’histoire du phare de Walde
Phare de Walde. A l’arrière-plan le Vicklov navire marchand australien échoué (1894)
D’après une photographie de M.Ruffin

En 1833, l’ingénieur irlandais Alexander Mitchell met au point un procédé révolutionnaire permettant la construction de phares sur des bancs de boue et de sables mouvants : le pieu vissé. Cette nouvelle méthode de construction permet de profondes fondations et se caractérise par sa rapidité de fabrication, ainsi que son coût d’installation réduit.

Croquis de A. Mitchell du phare de Walde
Image : Phares et Balises
Maquette du phare
Musée national de la Marine

Importée en France en 1857, cette innovation permet l’édification du phare de Walde. Mis en service deux ans plus tard, il peut dès lors apporter son aide à la navigation. Son signal est automatisé en 1897, ce qui entraîne la suppression de la fonction de gardien.

Ancienne optique du phare
Image Phares et balises

En 1986, le phare voit sa lanterne, jusqu’alors alimentée au propane, remplacée par un petit signal alimenté par des panneaux solaires. Cette irruption de modernité vaut au phare un déclassement en « feu ne nécessitant plus de surveillance. En juillet 2001, son signal est définitivement éteint.

Dressé à 18 mètres du sol, l’édifice est constitué d’une structure métallique (fer forgé, tôle et fonte) dont l’axe principal et les 6 pieds sont vissés dans le sable à 5 mètres de profondeur. Les pieds sont reliés entre eux par des entretoises et des croix de Saint-André. Cette structure, singulière et solide, est conçue pour permettre au phare de dominer la mer de 11 mètres, niveau où les flots sont au plus haut. La maison des gardiens, surmontée d’un balcon circulaire, est disposée sur une plateforme hexagonale de 7 mètres de diamètre.

Sobre, mais habilement agencée, cette habitation de tôle noire doublée de bois de chêne, offre un minimum de confort pour trois gardiens : lits, armoires pour les vivres, poêle, caisse à eau, coffre à charbon, etc. Un petit escalier en fonte mène de cette chambre à celle dite de la lanterne, entourée, elle aussi, d’un petit balcon circulaire.

Unique par sa structure, le phare de Walde l’est aussi du fait de son emplacement : situé sur la plage de la Huchette à Marck, commune limitrophe de Calais, il fait office de repère géographique car il symbolise la démarcation entre la mer du Nord et la Manche. Zone touristique au sol sablonneux marqué par les mouvements des marées, le littoral de Marck est en outre réputé pour sa faune et sa flore exceptionnelles. Cette originale construction métallique reste le seul témoin en France d’innovations techniques du XIXe siècle et présente un intérêt patrimonial indiscutable. Elle mérite d’être sauvée.

Anne de Cherisey, déléguée Sites & Monuments des Hauts-de-France.

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