Le tracé de l’A69 menace le domaine de Scopont

Le passage de l’autoroute A69 au pied du domaine de Scopont dans le Tarn est prévu par le tracé actuel. Une réflexion sur une modification du tracé nous apparaît nécessaire pour préserver ce site des fortes nuisances autoroutières.

Le domaine de Scopont est constitué d’un parc à l’anglaise de 12,5 hectares au sein duquel se trouvent un château des XVe-XIXe siècles et une orangerie du XVllle siècle, tous deux inscrits à l’Inventaire supplémentaire des Monuments historiques, ainsi qu’un pavillon néogothique du début du XIXe siècle classé au titre des monuments historiques.

Le premier château fut édifié dans le contexte houleux de la guerre de Cent Ans, participant à ce maillage de surveillance territoriale qui émaille l’ancienne frontière aquitaine. Conservant son plan d’origine, il fut remanié en résidence de plaisance au XVIIIe et XIXe siècles.

Le pavillon néogothique, niché au cœur de la parcelle boisée du parc, a été construit sous l’Empire par le marquis de Castellane, militaire érudit, conseiller municipal à Toulouse sous Louis XVIII, et fondateur de la Société archéologique du Midi de la France. La ville de Toulouse a récupéré dans les années 1960 les vestiges médiévaux abrités dans et sur le pavillon. Des colonnettes et des chapiteaux ont servi pour la reconstruction du cloître des Jacobins de Toulouse. Les autres vestiges, statues et décors romans et gothiques, (en particulier des reliefs probablement issus des bâtiments conventuels de Saint-Sernin dépecés à la Révolution) sont conservés au musée des Augustins. Le propriétaire et l’association Renaissance du Château de Scopont ont lancé des démarches pour obtenir des moulages de ces œuvres, qui avaient été incluses dans la maçonnerie du pavillon (notamment les colonnettes), une belle initiative soutenue par Jean-Luc Moudenc, maire de Toulouse.

Le choix du tracé actuel de l’A69 méconnait malheureusement l’importance de ce patrimoine à haute valeur historique, qu’il convient de protéger davantage en éloignant le tracé autoroutier vers le Nord à hauteur de Maurens-Scopont.

Distances séparant le tracé prévu du château et du pavillon néogothique. Les lignes roses matérialisent la zone de DUP (déclaration d’utilité publique). Elles passent au ras du pavillon classé MH.

L’avis émis par l’Architecte des Bâtiments de France, comme les deux avis émis ensuite par l’UDAP du Tarn, rappellent la nécessité d’un éloignement du tracé autoroutier actuellement choisi, compte tenu des forts impacts paysagers, visuels et sonores de cette proximité immédiate. L’ABF souligne la qualité architecturale des lieux, l’importance historique du château et tout particulièrement du pavillon néogothique, témoin des premières heures de la Société Archéologique du Midi de la France, dont l’importance fut considérable au XIXe siècle pour la sauvegarde du patrimoine de la région.

L’avis mentionne également l’activité touristique du site, ouvert à la visite, et le plan de restauration ambitieux engagé par le propriétaire, avec le soutien de la Fondation du Patrimoine.

Par ailleurs, le projet menace fortement l’espace de biodiversité que constitue le parc du domaine, aux milieux variés : prairies, zones humides et parties boisées, accueillant de nombreuses espèces végétales et animales. La restauration du parc, dont l’objectif est la préservation des espaces naturels sensibles comme les mares, le sous-bois ou les prairies humides bordant le cours d’eau, vise également la mise en valeur de la variété des essences d’arbres plantés au XIXe siècle et la remise en état des allées du XIXe siècle pour permettre la déambulation des visiteurs. Ces deux objectifs ne sont pas compatibles avec la présence d’une autoroute qui passera à quelques mètres des espaces boisés et à moins de 200 mètres du pavillon classé Monument historique.

Les jacinthes de Rome, une espèce protégée poussant au pied du pavillon

Ces atteintes au patrimoine naturel et bâti sont d’autant plus inacceptables qu’un autre tracé plus respectueux est possible, comme les services de l’UDAP du Tarn ont pu l’étudier. Nous espérons que les services de la préfecture du Tarn porteront une attention toute particulière aux recommandations de l’ABF concernant le château de Scopont et prendront les mesures qui permettent une préservation de ce patrimoine remarquable. À cette fin, Sites & Monuments s’est adjointe au recours porté par Renaissance du Château de Scopont.

Marguerite Décard
pour Sites & Monuments