Contre tous les avis, Rachida Dati valide in extremis la "délimitation peau de chagrin" du site patrimonial remarquable de la Butte Rouge voulue par des élus densificateurs

Délimitation du SPR proposée par la municipalité de Chatenay-Malabry pour la Butte Rouge

Le vendredi 5 juillet 2024, l’avant-veille du second tour des élections législatives, tenues le dimanche 7 juillet 2024, Mme Rachida Dati prit l’une de ses dernières décisions en tant que ministre du gouvernement Attal, alors que son avenir comme ministre de la Culture était remis en question. Il s’agit de l’arrêté du 5 juillet 2024 portant classement du site patrimonial remarquable de la cité-jardin de la Butte-Rouge à Châtenay-Malabry, publié au Journal officiel du 11 juillet 2024 (texte 30/131).

Il concerne la délimitation controversée du Site patrimonial remarquable (SPR) destiné à protéger l’emblématique cité-jardin années 30 de La Butte Rouge. En effet, l’ancien maire de Châtenay-Malabry, devenu président du conseil départemental des Hauts-de-Seine, comme le nouveau maire "Les Républicains" de la commune, ne font pas mystère de leur volonté de densifier la cité-jardin historique.

Les élus ont, par conséquent, proposé une délimitation du SPR découpant arbitrairement ce site mondialement connu en fonction des zones de construction et de démolition prévues, contre toute logique historique ou artistique. Le projet de SPR était ainsi incohérent patrimonialement, comme nous le démontrons.

Alors que les deux principaux avis destinés à éclairer la ministre de la Culture ont refusé d’approuver la délimitation proposée par la commune - ce qui est très rare -, Rachida Dati a choisi de ne pas les suivre, ce qui est légal, mais rarissime. Il s’agit de l’avis rendu, le 21 septembre 2023, par la Commission Nationale du Patrimoine et de l’Architecture (CNPA) et de celui émis, le 27 mai 2024, par la commissaire enquêteuse à l’issue de l’enquête publique.

Synthèse provisoire du projet urbain de la municipalité de Chatenay-Malabry pour la Butte Rouge

Ainsi, l’arrêté ministériel du 5 juillet 2024 est pris sur le visa suivant : « Vu l’avis du 21 septembre 2023 émis par la Commission Nationale du Patrimoine et de l’Architecture sur le périmètre proposé ». Si la CNPA s’est prononcée à l’unanimité sur l’intérêt de classer la Butte-Rouge pour la protéger, elle n’a pu donner un avis sur le périmètre de protection proposé, aucune majorité ne se dégageant malgré de probables instructions données aux fonctionnaires composant la commission. La commission n’a donc pas émis d’avis favorable sur le périmètre proposé par la municipalité, qui a ensuite tenté de faire passer cet avis pour favorable, malgré les protestions de la CNPA.

L’arrêté ministériel du 5 juillet 2024 est également pris sur le visa suivant : « Vu le résultat de l’enquête publique et l’avis du 27 mai 2024 émis par la commissaire enquêteuse ». Or, la commissaire a rendu un avis favorable au classement « avec la réserve suivante : Modifier le périmètre du SPR proposé et étendre ce périmètre à toute la partie enclose entre le Boulevard de la Division Leclerc et la forêt de Verrière », en précisant : « Le projet proposé n’est pas le classement de la cité-jardin au titre de SPR mais est un SPR au sein de la cité-jardin. […] Je vois un intérêt à protéger la globalité du site en élargissant le périmètre du SPR. Ainsi, les travaux sur toutes les parcelles y compris les espaces verts nécessiteront un accord de l’Architecte des Bâtiments de France. » La commissaire enquêteuse demande donc de classer la totalité des 7 tranches construites entre 1931 et 1958, ce qui englobe notamment la cité des peintres. Cette réserve n’ayant pas été levée par la commune, son avis est devenu défavorable (article L. 123-16 du code de l’environnement).

1ère tranche (1931 - 1933) Butte Rouge - Vue 21

Ainsi, deux jours avant son probable départ du ministère de la Culture (l’Histoire en a finalement décidé autrement), Rachida Dati a-t-elle voulu suivre la proposition de la commune de Chatenay-Malabry contre les principaux avis destinés à éclairer son choix. Cette délimitation permettra au projet destructeur de la municipalité d’être réalisé (voir ci-dessous).

2e tranche (1935 - 1939) Butte Rouge - Vue 2

C’est pourquoi l’arrêté, du 5 juillet 2024, portant classement du site patrimonial remarquable de la cité-jardin de la Butte-Rouge à Châtenay-Malabry a été déféré le 8 août 2024 par les associations Sites & Monuments, Fédération Patrimoine Environnement, Châtenay Patrimoine Environnement, Sauvons la Butte Rouge et DoCoMoMo France, à la censure du juge administratif.

Julien Lacaze, président de Sites & Monuments

Lire le communiqué de Sauvons la Butte-Rouge, Châtenay Patrimoine Environnement (ACPE) et Collectif Citoyen Châtenaisien (CCC)

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