Le 22 mai 2024, six camions arrivent à Guern, suivis le lendemain matin par deux semi-remorques, tous chargés d’une partie du matériel nécessaire au démontage des trois éoliennes de Niziau conformément à l’arrêté de la préfecture du Morbihan le 07 janvier 2022. En préfecture, les discussions vont bon train. Mais les riverains de l’association qui s’est battue pendant près de 20 ans pour la renaissance du site en sont écartés.
Chez les loutres qui ont fui la Sarre en raison du bruit des pales, les préparatifs sont en cours pour un retour prochain. La nature va tenter de reprendre ses droits dans « la plus belle partie de la commune » comme le jure un pêcheur bien connu : Jean-Jacques Péchard, président de l’association contre le projet éolien de Guern (ACPEG).
Mais, l’improvisation semble totale. Face au chantier à entreprendre dans la vallée de la Sarre, les démolisseurs livrés à eux-mêmes restent pantois : le terrain est humide et difficile d’accès. En l’absence d’aires de grutage suffisantes pour stationner et positionner les engins, les véhicules rebroussent chemin avec leur matériel et s’en vont stationner Dieu sait où.
Le montage en 2008
On se souvient du 14 novembre 2008 quand sont arrivés les camions et que le montage de l’éolienne E1 a commencé. Les travaux d’implantation de la machine à moins de 100 m de la route étaient ahurissants car incroyablement dangereux et non signalés. On se demandait bien quelle mouche avait piqué le préfet du Morbihan le 8 avril 2005 quand il avait autorisé la société Zjn Grundstucks-Verwaltungs Gmbh à vandaliser la vallée de la Sarre pour y implanter quatre éoliennes – l’éolienne E3 sera supprimée par arrêté modificatif - en terrain vallonné et en fond de vallée. Piétons et automobilistes n’allaient-il pas se trouver à la merci d’un bris de pale d’E1 ? De plus, les travaux ne méritaient-ils pas une signalisation et une circulation réglementée ? L’adjoint au maire alerté finit par arriver sur le site (voir photo S&M ci-dessous). Et, contre toute raison, le chantier se poursuivit.
Il y eut bien des randonneurs parmi les meilleurs naturalistes de la région à parcourir les lieux et observer les zones humides menacées, mais sans sourciller. Par quel procédé magique ces machines-là arrêtent-elles chez l’être humain toute activité cérébrale rationnelle ? C’est un phénomène qui opère encore et touche jusqu’aux plus hautes sphères du pouvoir. Nos enfants candidats aux épreuves de philosophie du baccalauréat ont sans doute la réponse. Ne serait-il pas temps de les interroger sur les raisons de cette adhésion absurde et inconditionnelle ?
Le démontage en juin 2024
16 ans plus tard, la situation est encore plus anarchique. Ce chantier est une affaire sans queue ni tête qui improvise dangereusement. Est-il interdit au public ? – Aucun affichage ne le précise. Le 10 juin dernier encore, un convoi exceptionnel s’est avancé sur le chemin vicinal de Niziau sans voiture pilote. On aimerait consulter sur le terrain, l’affichage de l’arrêté préfectoral prescrivant le démontage - Il n’y est pas. Une autorisation de travaux délivrée par la commune peut-être ? – Pas plus.
Au lieu-dit Les Bruyères : un saccage écologique
Le site d’implantation d’E4 est d’une grande richesse écologique. Toute la vallée est en ZNIEFF II (zone naturelle d’intérêt faunistique et floristique) et la vallée de la Sarre classée NATURA 2000 au titre de la directive Habitats.
À cette heure, les travaux pour le démantèlement d’E4 qui consistent à réaliser des aires de grutage et de stationnement de grande superficie, dans une prairie très humide, semblent infructueux.
Des géotextiles ont été posés sous certains empierrements ainsi que des canalisations de drainage. Mais l’eau affleure toujours.
On ne peut que se révolter face au désastre écologique de ce démantèlement éolien mal géré.
Mais la colère remonte très loin, plus précisément à 2005 : « comment a-t-on pu laisser faire ça ici ? » se dit-on notamment aux Bruyères … Pourquoi le préfet est-il resté sourd aux cris d’alarme des riverains et a-t-il accordé un permis éolien en fermant les yeux sur la richesse de ce site aujourd’hui dévasté ?
Et qu’en sera-t-il de la remise en état du site ? Aires de grutage, de stationnement et voies d’accès sont à décaisser ainsi que les socles de béton et leur ferraillage. Après un apport de terre arable, les lieux doivent être revégétalisés. L’association ACPEG reste vigilante…
Anne Marie Robic, déléguée de Sites & Monuments pour le Morbihan
Voir l’arrêté préfectoral du Morbihan
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