La municipalité de Saint-Marcouf et Sites & Monuments appuient le refus d’un projet éolien par le préfet du Calvados

Sites & Monuments s’oppose souvent à l’État dans l’implantation de projets éoliens. Le cas de Saint-Marcouf est tout autre puisque préfecture, municipalité, commissaire enquêteur et associations s’unissent dans la défense de notre patrimoine commun. Le promoteur obtiendra-t-il de la justice ce que le bon sens lui refuse ? Un dossier à suivre attentivement.
Nous donnons, en attendant, la parole au conseil municipal de cette commune du Calvados.
JL

Vue sur l’église de Saint-Marcouf et la campagne en arrière-plan. Photo Patrick Levard

Un jour de juin 2014, les habitants de Lison, Neuilly-la-forêt, Cartigny l’Épinay, et Saint-Marcouf du Rochy, trouvaient dans leur boite aux lettres un document d’information concernant un projet d’implantation de sept éoliennes industrielles de 130 mètres de haut sur ces quatre communes, porté par la société Parc Éolien d’Elle-et-Rieu, filiale de la Compagnie Nationale du Rhône.

Ces quatre communes du Calvados situées au bord des marais sont typiques du Bessin : un paysage bocager et forestier, riche en biodiversité avec un habitat éparse, au cœur d’une région riche en patrimoine culturel, où nous considérons qu’un tel projet n’a pas sa place.

Certains habitants se sont alors renseignés, et ont très vite compris que ce projet était déjà avancé, et à l’étude depuis plus de cinq ans, alors que la population n’en avait jamais été informée.

Nous décidâmes alors de créer en août 2014 une structure appropriée sur ce territoire en vue de défendre le cadre de nos petites communes rurales : l’association Lison Vigilance Environnement.

Les années 2014 et 2015 furent très mouvementées : pétition, manifestations improvisées pour interpeller le sous-préfet, conseils municipaux et réunions publiques houleuses, menaces de mort anonymes, etc.… jusqu’à ce que les services instructeurs de la préfecture considèrent, en janvier 2016, le projet comme non recevable, en raison d’un avis défavorable de l’Armée de l’Air.

En effet, les sept éoliennes du projet formaient deux blocs respectifs de trois et quatre éoliennes, l’un sur le secteur de Saint-Marcouf/Cartigny l’Épinay, et l’autre à Lison/Neuilly-la-forêt, le tout situé dans la zone d’entraînement à basse altitude, le SETBA Selune.

2016, 2017 et 2018 furent trois années de répit, au cours desquelles nous avions néanmoins conscience d’une menace de voir le projet ressurgir. En effet, nous nous demandions pourquoi le mât de mesure installé par les promoteurs était toujours en place, alors que le projet était censé être abandonné.

C’est en 2019 que nous avons appris que le pétitionnaire du projet avait proposé un nouveau projet de trois éoliennes, uniquement sur les communes de Saint-Marcouf et Cartigny l’Épinay, secteur plus réduit sur lequel l’Armée de l’Air a finalement formulé un avis favorable en raison de la proximité du parc éolien, déjà existant à proximité, de Bricqueville.
Les élections municipales de mars 2020 à Saint-Marcouf du Rochy furent une défaite cuisante pour le maire qui avait soutenu ce projet éolien. En effet, alors qu’il avait exercé cette fonction depuis douze ans, il se présenta pour un nouveau mandat, mais ne fût pas réélu. Peu après, cinq conseillers municipaux qui le soutenaient décidèrent de démissionner, ce qui permit ensuite au conseil municipal de s’exprimer à une large majorité contre le projet éolien.

Une nouvelle association vit le jour à Saint-Marcouf en juin 2020, dont l’objet était la valorisation et la restauration de l’église : l’ARV Saint-Marcouf, présidée par monsieur Patrick Levard, l’un des nouveaux conseillers municipaux.

Église de Saint-Marcouf du Rochy du XIVe siècle. Classée Monument historique. Photo Vincent Fauvel

La mobilisation des habitants fût très forte lors de l’enquête publique, qui s’est déroulée en septembre 2020.
Les votes des communes d’implantation et alentours furent édifiants : sur les dix-neuf communes sollicitées dans un rayon de six kilomètres autour du projet, quatorze ont émis un avis défavorable (dont les deux communes d’implantation), une commune s’est abstenue, et seulement quatre communes se sont montrées favorables au projet.

Le président de la région Normandie, le président du conseil départemental du Calvados, le président de l’intercom Isigny Omaha et le député de la circonscription ont soutenu notre position contre le projet.

Suite aux nombreux arguments avancés notamment par les élus locaux, l’ARV Saint-Marcouf et Lison Vigilance Environnement, ainsi que de nombreux habitants, le commissaire enquêteur s’exprima en défaveur du projet. (Voir le rapport d’enquête)

Peu après, en octobre 2020, des élections partielles furent organisées à Saint-Marcouf afin d’élire de nouveaux conseillers municipaux suite aux cinq démissions d’avril 2020. Les cinq nouveaux élus, dont monsieur Fauvel, président de Lison Vigilance Environnement, étaient tous défavorables au projet éolien, permettant une quasi-unanimité du conseil municipal contre celui-ci.

La CDNPS (Commission Départementale de la Nature des Paysages et des Sites), sollicitée les 17 et 18 février 2021, délibéra également en défaveur du projet.

Le 16 mars 2021, Monsieur le préfet du Calvados rédigea un arrêté de refus du projet, s’appuyant notamment sur les avis défavorables des communes d’implantation, du commissaire enquêteur, et de la CDNPS.

Sans surprise, nous avons appris en septembre 2021 qu’une procédure de recours contentieux était engagée par les pétitionnaires du projet contre Monsieur le préfet, auprès de la Cour administrative d’appel de Nantes. La commune de Saint-Marcouf du Rochy prît alors la décision d’être solidaire de Monsieur le préfet en participant à cette procédure sous forme d’une intervention volontaire à ses côtés. C’est dans le cadre de cette procédure que nous avons sollicité la SPPEF – Sites & Monuments, qui a rédigé un courrier de soutien à notre démarche.

Que défendons-nous ?

Un paysage bocager, présentant de forts enjeux de biodiversité (notamment des cigognes blanches, et une activité importante de chauve-souris), notamment en raison de zones humides, à proximité du Parc Régional Naturel du Cotentin et du Bessin.

Du parvis de l’église de Saint Marcouf classée au titre des Monuments historiques pour la qualité de ses peintures murales, la vue est exceptionnelle et permet d’apercevoir notamment l’abbatiale de Cerisy-la-Forêt.

Église de Saint-Marcouf. Peintures murales du XIVe siècle classées. Photo Vincent Fauvel

Le remarquable mur extérieur de l’église, en « arêtes de poisson » daterait du XIVe siècle comme les peintures murales.

Église de Saint-Marcouf. Mur en "arêtes de poisson" datant probablement du XIVe siècle. Photo Vincent Fauvel

Un if pluri-centenaire, domine le parvis de l’église. Labellisé « Arbre remarquable de France » depuis le 25 septembre 2022, on trouve à ses côtés des sépultures très anciennes comme une pierre tombale du XIIe siècle.

Parvis de l’église de Saint-Marcouf et l’if pluri-centenaire labellisé "Arbre remarquable de France". Photo Vincent Fauvel

À quelques kilomètres de l’église, se trouvent de nombreux monuments classés ou inscrits au titre des monuments historiques, tels l’église de Vouilly, ainsi que les châteaux de Colombières, joyau du Moyen âge, celui de Castilly (XVIIe siècle) et celui de Bernesq (XVIe siècle).

Saint-Marcouf est à la croisée des chemins pour visiter ces sites et c’est donc toute une région touristique qui serait touchée. Cela en contradiction avec la volonté des élus locaux de développer le tourisme vert et d’inciter les estivants à se rendre plus à l’intérieur des terres que sur le bord de mer.

Vue depuis le parvis de l’église de Saint-Marcouf et l’if classé. Photomontage Hugo Miserey

Enfin, rien ne peut compenser le phénomène d’écrasement visuel du bourg de Saint-Marcouf, de l’église et du paysage bocager environnant, par des éoliennes aux dimensions totalement disproportionnées, dont l’insertion paysagère est impossible dans ce contexte.

Vue sur l’église de Saint-Marcouf depuis la RD 29. Photomontage Hugo Miserey

L’instruction du dossier est clôturée et l’audience est prévue le 4 octobre 2022.

Au nom du conseil municipal de Saint-Marcouf, nous souhaitons témoigner à la SPPEF - Sites & Monuments tous nos remerciements et notre reconnaissance.

Vincent Fauvel - Conseiller municipal à Saint-Marcouf
Président de l’association Lison Vigilance Environnement.
Patrick Levard - Conseiller municipal à Saint-Marcouf
Président de l’AVR Saint-Marcouf

Visionner les vidéos photomontages de Monsieur Hugo Miserey :
Vue depuis le parvis de l’église Saint-Marcouf
Vue depuis la RD29