Le Domaine d’Assignies, propriété de la famille éponyme pendant plusieurs siècles, situé sur les communes de Tourmignies et Mérignies dans le Nord, a été acquis par un riche industriel Lillois, Henry Boutry, qui transforma le parc et y construisit un nouveau château et ses dépendances dans la seconde moitié du XIXe siècle.
Cette transformation, œuvre de noms illustres comme Ohnet ou Meurillon pour les bâtis, Loyre pour le parc dont ce serait le seul exemplaire encore visible, et Tatoux pour les rocailles est aujourd’hui reconnu comme un site ayant des composantes historiques, artistiques et pittoresques remarquables méritant d’être classé.
Le pavillon des dépendances dit « Le Petit Rouge », communs du château et seul vestige des constructions, le château ayant été détruit par les allemands pendant la première guerre mondiale, est inscrit au titre des Monuments historiques depuis 2012 pour ses façades et toitures.
Il est aujourd’hui menacé d’être séparé du reste du domaine pour un projet de transformation en appartements dits de standing. Le propriétaire actuel, la communauté de communes de Pévèle-Carembault préférant se tourner vers des considérants commerciaux au lieu de privilégier l’intérêt public !
Déjà en 2020, nous étions intervenus auprès du préfet pour demander l’annulation d’un permis de construire accordé illégalement sans l’avis des architectes des bâtiments de France par le maire de Mérignies de l’époque qui avait curieusement accordé ce permis à quelques jours des élections municipales auxquelles il ne se représentait pas. Nous avions bien entendu obtenu gain de cause.
Aujourd’hui, tandis que le domaine a été classé Espace Naturel Sensible en début d’année, un nouveau permis de construire du constructeur Avenir et Patrimoine, candidat acheteur du domaine, a reçu un avis défavorable des services de l’Etat, avis confirmé en commission régionale des paysages et architectures (CRPA).
Cette société a de nouveau déposé un permis de construire le 14 novembre dernier à nouveau pour la transformation du « Petit Rouge » en logements.
Le 7 octobre dernier, nous adressions au préfet de région une demande afin de faire classer le domaine dans son intégralité au titre des sites (articles L. 341-1 et suivants du code de l’environnement), demande restée à ce jour sans réponse alors que l’étude de ce classement devrait être un préalable à tout projet sur le site. Cette possibilité de classement a pourtant été validée en septembre de cette année par une étude de l’université de Versailles telle que l’avait préconisé le conseil général de l’environnement et du développement durable en 2015.
La restitution a démontré que ce parc, à l’aspect composite, offre la synthèse peu commune d’un parc à fabriques, d’un jardin régulier XVIIIe et d’un parc pittoresque rustique qui constituait un exemple très significatif du savoir-faire paysager du XIXe siècle. Les éléments mis à jour sur son caractère d’unicum au regard de son concepteur Pierre Marie Loyre, paysagiste parisien du milieu du XIXe siècle, proche collaborateur du célèbre paysagiste Barillet-Deschamps, pourrait permettre d’envisager un classement au titre du critère artistique, critère qui s’applique pour l’œuvre d’un artiste. Pourrait également s’ajouter l’œuvre de Victor Tatoux, rocailleur expérimenté et maintes fois récompensé en France comme à l’international (Expositions universelles de Paris 1900, Lille 1902, Saint-Louis Amérique en 1904, Milan 1906, Exposition coloniale Paris 1907, Bruxelles 1910, Saragosse, Médaille de Vermeil obtenu en tant que membre de jury par le ministre de l’Agriculture, rocailleur de leurs majesté l’empereur d’Allemagne et le roi des Belges, officier du mérite agricole).
Le caractère pittoresque du parc pourrait également permettre d’envisager un classement au titre du critère pittoresque à travers les compositions paysagères qui mettent en place une succession d’ambiances et de scènes mémorables où le parcours de l’eau et le relief savant procurent un dépaysement appréciable au sein de ce pays plat.
Enfin le critère historique permettrait d’évoquer différents modes de vie de l’Ancien Régime à aujourd’hui au sein du domaine d’Assignies. Modèle de la seigneurie d’Ancien Régime, il devient ensuite un lieu de villégiature pour une importante famille d’industriels lillois.
C’est cette caractéristique qui fait d’ailleurs l’intérêt du parc : Assignies a été conçu en tant que parc privé voué au repos et au plaisir de ses propriétaires, et non comme un parc public. Le parc connaît ensuite une certaine ouverture avec sa transformation en lieu de tourisme, avec le Family Hôtel puis devient un lieu d’exploitation agricole (vergers), et enfin un camping durant près de 50 ans. Marqué par la première guerre mondiale, avec la destruction de son château, la transformation du « Petit Rouge » en lazaret et la construction de deux blockhaus, le parc pourrait être intégré à un parcours de mémoire.
De manière plus secondaire pourrait être mis en avant le critère scientifique : de par sa diversité écologique, illustrée lors de la découverte d’un triton crêté sur le site, le parc d’Assignies présente un intérêt scientifique. Le département du Nord a par ailleurs pris une délibération permettant d’accorder une zone de préemption aux communes de Tourmignies et Mérignies qui leur permettra de gérer ces espaces naturels sensibles (ENS), une fois ces espaces acquis. Le périmètre de cette zone de préemption a été défini sur la base d’enjeux écologiques forts et notamment d’un ensemble de plans d’eau, de prairies humides et de boisements, milieux de vie et de reproduction du triton crêté. Il intègre à sa marge une zone tampon constituée de cultures et dont la vocation agricole est à maintenir et à préserver d’éventuels projets d’urbanisation.
Toutes les études menées sur ce domaine concluent sur l’importance de la continuité du site et donc de la nécessaire intégration du bâtiment dit « le petit rouge », anciennes dépendances du château, inscrit aux monuments historiques depuis 2012. Dans le cahier des charges de cession élaboré en 2016 sous couvert de la communauté de commune de Pévèle-Carembault, propriétaire du site, ce bâtiment était déjà mis en valeur comme point incontournable de la réunification du domaine et de son organisation.
La vente de ce bâtiment et l’obtention d’un permis de construire ayant déjà fait l’objet d’un avis négatif des ABF confirmé en commission régionale du patrimoine et de l’architecture cette année, nous craignons que de fortes pressions soient exercées afin d’obtenir gain de cause sur une nouvelle demande de permis de construire déposée le 14 novembre dernier. Il y a donc urgence à intervenir avant qu’il ne soit trop tard et nous nous en remettons à l’expérience et à la notoriété de votre association pour juger du bien-fondé de cette demande et de pouvoir nous assister notre démarche de classement sur le domaine d’Assignies, dans le prolongement du rapport rendu en 2015 et de conserver l’intégralité du domaine dans cette démarche en excluant tout morcellement qui nuirait à la cohérence d’ensemble.
Le 14 novembre dernier, nous avons également engagé une demande de protection au titre des monuments historiques pour l’ensemble du domaine y compris le « Petit Rouge », demande aujourd’hui également restée sans écho !
Aussi, sans réponse du préfet de Région, nous avons demandé, le 19 décembre, au Ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires son avis d’opportunité pour le classement au titre du code de l’environnement.
Nous sommes prêts à effectuer la même ultime démarche pour ce qui est de la protection au titre des monuments historiques, auprès de la ministre de la Culture.
Cette demande vise à appuyer notre démarche et montrer tout l’intérêt que vous pourrez y porter afin de trouver le temps et les soutiens nécessaires à un projet digne de cet écrin paysager afin qu’il puisse retrouver, au moins en partie, son lustre d’antan, et devenir d’accès libre au public.
Bruno Desplanques, président de l’association Histoire et Vie de Tourmignies
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