La maison Vergnette est une belle demeure bourgeoise de style éclectique construite à l’angle de la rue de Montferré et de l’impasse du même nom à Saint-Étienne. Elle a fière allure avec sa petite tour et son pavillon carré. Une frise de céramique court sous le toit du pavillon en question.
L’intérieur vaut l’extérieur. Un très bel escalier d’honneur (dont la rampe métallique a malheureusement été détruite), agrémenté d’une colonne, nous accueille : elle dessert tout le premier étage dont les plafonds sont moulurés. Un jardin d’hiver et une grotte de fraîcheur en rocaille ornementent l’ensemble.
La maison est située dans un magnifique parc arboré au milieu duquel se trouve une stèle rappelant que c’est ici même que mourut Joseph Robert Paul Vergnaud lors du bombardement du 26 mai 1944.
Cette maison, située au n° 19 de la rue de Montferré dans le quartier de Tardy, au pied de la colline de La Cotonne à Saint-Étienne, risque d’être vouée à une démolition prochaine et ce serait fort dommage car, outre sa qualité architecturale indéniable, elle a appartenu à une famille qui a imprimé sa marque dans l’histoire stéphanoise de la fin du XIXe et du début du XXe siècles : les Vergnette.
Ces maçons de la Creuse, originaire de La Celle-Barmontoise (aujourd’hui commune de Villetelle), émigrèrent dans les années 1850 à Saint-Étienne où Jean-Marie Vergnette devint entrepreneur en bâtiment à la fin du XIXe siècle. De son mariage avec Marie-Louise Recreux en 1879, il eut cinq enfants : Marius, Jean, Victor, Joseph et Rose.
Joseph devait se distinguer par la suite lors de la Première Guerre Mondiale. Engagé volontaire dès 1911, il fut tué dès le début du conflit, le 18 décembre 1914 à Cagny-sur-Matz dans l’Oise. Son comportement héroïque au combat lui valut le titre de Chevalier de la Légion d’Honneur.
Le témoignage de l’un de ses supérieurs militaires en témoigne : « J’éprouve un chagrin réel de la perte de ce jeune officier que j’estimais et que j’aimais beaucoup : il réalisait le type parfait de l’officier français, héroïquement brave, sans le vouloir ni le savoir, tout naturellement, séduisant au possible, toujours prêt à aller de l’avant, avec la plus complète insouciance du danger, le sourire aux lèvres, de la gaieté plein les yeux ! ».
Joseph Vergnette fait partie des 146 anciens élèves de l’École Sainte-Marie à Saint-Chamond, morts pour la France. [1] Il existe d’ailleurs à Saint-Étienne depuis 1927, à proximité de la maison familiale, une rue portant le nom du sous-lieutenant Joseph Vergnette, tracée sur des terrains ayant appartenu à ses parents.
Le sort s’acharna sur la famille car le fils de Rose, Joseph Robert Paul Vergnaud, né en 1923, devait périr lors du bombardement du 26 mai 1944 dans le jardin de la maison familiale : brillant élève, il venait tout juste de réussir aux différents concours des grandes écoles.
L’agence immobilière, Référence Building, propriétaire des lieux, envisage malheureusement la démolition de l’ensemble pour faire place à une opération immobilière et seul le jardin avec sa stèle commémorative seraient préservés : le mérule, ce redoutable champignon qui ronge le bois, se serait attaqué à la charpente du bâtiment.
Mais il existe des solutions à ce problème : la célèbre maison Mantin à Moulins, abandonnée pendant une longue période fut, elle aussi, victime de la mérule, mais une restauration exemplaire nous montre que cette situation n’a rien d’irrémédiable !
Il existe des aides financières pour la restauration du patrimoine privé non protégé et nous sommes à proximité d’un Site Patrimonial Remarquable (Saint-Étienne Centre Sud).
Ces opportunités devraient être saisies car la Maison Vergnette en vaut bien la peine !
Serge Marcuzzi, responsable du département patrimoine d’Histoire et Patrimoine de Saint-Etienne, association membre de Sites & Monuments