Projet de prolongement de la ligne 1 du métro au détriment du bois de Vincennes

Le projet d’extension de la ligne 1 du métro parisien consiste à réaliser trois nouvelles stations vers l’Est, en partant du terminus actuel "Château de Vincennes" pour rejoindre la station "Val de Fontenay". Ce projet, dont le coût est estimé à 1,7 milliard d’euros, est porté par Ile de France Mobilité.

Extrait du Rapport de l’Autorité Environnementale.

Ligne épaisse jaune : prolongement proposé. Ligne fine jaune : voie de maintenance qui existe sous le sol du bois de Vincennes et relie déjà la ville de Fontenay. Ligne rouge : RER A.

Si l’objectif de désenclaver certaines zones de la ville de Fontenay pourrait être intéressant, le projet, tel qu’il a été imaginé par Ile de France Mobilité, fait porter une lourde menace sur l’environnement et notamment sur le Bois de Vincennes.

En effet, le prolongement de la ligne 1 implique, sous sa forme actuelle, de creuser le puits de sortie du tunnelier et une partie conséquente des deux tunnels à ciel ouvert, dans Bois de Vincennes, non-loin du château de Vincennes, l’un de nos plus anciens domaines nationaux.

Les méthode constructives retenues entraineraient des dommages considérables et, pour certains, irrémédiables au Bois de Vincennes : déboisement massif sur près de deux hectares ; destruction de plus de 110 chênes remarquables âgés de plus de 100 ans (ainsi que de multiples autres arbres ; artificialisation et imperméabilisation des sols via le déversement de milliers de tonnes de béton en sous-sol, pollution des sols par des injections réalisées pour les stabiliser ; dommages à la faune et notamment à de très nombreuses espèces protégées. Le projet menace ainsi l’un des écosystèmes les plus riches en matière de biodiversité du territoire de la commune de Paris.

Document réalisé par le Collectif Touche pas à mon Bois : repérage des arbres sains les plus anciens superposés sur les constructions prévues (2 tunnels à 1 voie) dans le Bois de Vincennes.

Afin de réaliser ce projet, il est prévu de « déclasser » six hectares du Bois de Vincennes. Ceci ouvre la voie à un défrichement sur toute cette surface et possiblement, à terme, à une urbanisation qui détruirait donc une partie du bois.

Photo de la zone d’entonnement (ouvrages OA1 et OA2).

Est-il besoin de rappeler que le Bois de Vincennes est un site classé à la valeur écologique, patrimoniale, et historique irremplaçable ?
Ancien domaine de chasse attenant au château de Vincennes, partiellement aménagé au XIXe siècle selon les plans d’Alphonse Alphand, classé par André Malraux en 1960, le bois est aujourd‘hui, tout à la fois, l’un des deux poumons verts de la capitale et l’un des lieux de loisirs favoris des franciliens, avec onze millions de visiteurs par an.

Au-delà des seuls dommages au Bois de Vincennes, le bilan écologique de l’ensemble du projet pose question. Ile de France Mobilité a calculé le bilan carbone de la nouvelle infrastructure en mode exploitation - c’est-à-dire sans intégrer la dette écologique de la phase travaux -, et celui-ci ressort lourdement négatif sur les trente premières années suivant la mise en service (le report modal depuis la voiture se limite à 7% du trafic estimé). C’est le signe d’une infrastructure largement surdimensionnée par rapport au bassin de population desservi.

Pour ces raisons et d’autres, l’Association des Défenseurs du Bois de Vincennes et le Collectif Touche Pas à Mon Bois se sont mobilisés afin de sensibiliser les franciliens à la protection du Bois de Vincennes, avec une pétition ayant recueilli plus de 67 000 signatures en quelques semaines.

Malgré des avis défavorables émis par l’Autorité Environnementale et le Secrétariat Général à l’Investissement, une enquête publique a été menée au mois de février 2022. Celle-ci a constitué un exemple de démocratie participative : en l’espace d’un mois, plus de 8 200 observations ont été déposées et près de 900 personnes ont assisté aux réunions publiques, ce qui témoigne de la valeur toute particulière que revêt le Bois de Vincennes aux yeux de très nombreux franciliens.

À l’issue de l’enquête publique, la Commission a rendu un avis défavorable à l’unanimité de ses membres, en se fondant tout à la fois sur les atteintes disproportionnées à l’environnement et la faiblesse du bilan socio-économique du projet.

Un tel avis défavorable sur un projet de cette ampleur est extrêmement rare, sinon inédit. Les neuf motifs défavorables de la commission d’enquête sont détaillés dans ce rapport.

Pour autant, au lieu de remettre le projet sur l’ouvrage afin d’identifier des solutions alternatives plus respectueuses du Bois de Vincennes, Ile de France Mobilité a annoncé par voie de presse son intention de poursuivre le projet en l’état et de demander rapidement à la préfecture du Val de Marne de déclarer l’utilité publique du projet.

L’Association des Défenseurs du Bois de Vincennes et le Collectif Touche Pas à Mon Bois, soutenus et épaulés par plusieurs associations, dont Site & Monuments, continuent donc à militer activement pour une révision profonde du projet afin d’épargner le bois de Vincennes, qui est le jardin de ceux qui n’en ont pas.

Danièle Steer, pour l’Association des défenseurs du Bois de Vincennes

Lettre adressée le 7 juin 2022 à Mme la préfète du Val-de-Marne