Victoire : le projet éolien de Glomel, dans les Montagnes Noires bretonnes, enterré par le Conseil d’État

La calotte Saint-Joseph © Sites & Monuments

À la grande satisfaction des associations Vent de Folie et Sites & Monuments - SPPEF, le Conseil d’Etat, confirmant l’appréciation de la Cour Administrative d’Appel de Nantes, a rejeté le 28 septembre 2022 le pourvoi de la Société Botsay Energie relatif à l’implantation d’un parc éolien dans les montagnes noires bretonnes.

Le 8 mars 2022, la Cour Administrative d’Appel de Nantes avait en effet annulé l’autorisation d’exploiter accordée le 26 avril 2018 pour quatre éoliennes de 150 mètres en bout de pales, à Botsay, commune de Glomel (Côtes d’Armor), jugeant que :

"le site des Montagnes Noires, qui se trouve à cheval sur les trois départements du Finistère, du Morbihan et des Côtes-d’Armor, présente un intérêt patrimonial national et est qualifié de "paysage emblématique fort" et de "secteur potentiellement très peu favorable ou interdit à l’implantation d’éoliennes" par le schéma départemental de recommandations pour un développement raisonné des éoliennes dans le Morbihan de 2005".

La zone d’implantation du projet éolien se trouvait à 800 mètres de la limite morbihannaise formée par la rivière Ellé et à 3 kilomètres de Plouray. Aussi les associations morbihannaises se sont-elles mobilisées : Vents de Folie basée à Langonnet et l’UMIVEM (Union pour la mise en valeur du Morbihan), en raison de l’impact fort sur un paysage remarquable : l’extrémité orientale des Montagnes Noires. Elles ont été soutenues en justice par la SPPEF - Sites & Monuments.

C’est le directeur de la DDTM (Direction départementale des territoires et de la mer) des Côtes-d’Armor qui a décrit le mieux ce paysage, dans l’avis très réservé qu’il avait émis sur le projet éolien de Botsay le 16 janvier 2017 :

"Ce paysage du plateau de Plouray, très préservé, est constitué d’une campagne à l’agriculture variée, de haies, de prairies et de boisements. Ce plateau constitue désormais un site stratégique pour deux raisons :

  • il révèle les reliefs des Montagnes Noires. En effet, le Minez Du et la Calotte Saint-Joseph constituent les deux derniers monts à l’est de la crête des Montagnes Noires. Ce paysage très peu anthropisé du centre Bretagne permet de lire le relief subtil du massif érodé. Le massif de Mellionnec accentue l’effet d’isolement du plateau en créant une légère cuvette.
  • il constitue un rare paysage des Côtes-d’Armor préservé d’implantation industrielle…".
Carte Geoportail annotée par nos soins.

Le site est inséré au sein d’une ZNIEFF (Zone naturelle d’intérêt écologique faunistique et floristique) de type 2 : "Bassin Versant de l’Ellé" à moins de 10 kilomètres de vingt-quatre autres zones naturelles dont quinze sont à moins de 5 kilomètres, le site est notamment distant de 500 mètres d’une Réserve Naturelle Régionale au Magoar Penvern et de 400 mètres d’une Zone Natura 2000 "la vallée de l’Ellé ».

À noter également que l’église de La Trinité-Langonnet (commune de Langonnet), classée Monument historique le 28 octobre 1980, se serait trouvée à 5 kilomètres environ, en covisibilité avec les machines. La restauration de ce patrimoine remarquable a été achevée le 20 avril 2022. L’église de Plouray, inscrite au titre des Monuments historiques le 29 mars 1935, située à 3 kilomètres du site éolien, aurait également subi une covisibilité.

La première fois que je me suis rendue à Botsay, le 9 juillet 2017, je fus ravie par les petites routes bordées de talus, les fougères, les châtaigniers en fleurs et les champs de blé dans un bocage préservé.

Petite route à Botsay. © Sites & Monuments

Au détour du chemin, la croix de pierre du XVIe siècle de Cleuzioudon m’enchanta.

La croix de pierre de Cleuzioudon du XVIe siècle. © Sites & Monuments

Mais le plaisir de la promenade était gâché par une menace qui planait sur ce paysage : une enquête publique était ouverte depuis le 19 juin 2017 pour implanter quatre éoliennes de 150 mètres en bout de pales entre les hameaux de Botsay, Cleuzioudon et Kerdrein, entre plusieurs espaces boisés.

Extrait de l’étude d’impact.

L’idée des convois géants transportant les fûts d’éoliennes, les pales et les nacelles et manœuvrant au milieu de cette campagne jusqu’à ce jour épargnée me révoltait. Il allait falloir détruire des talus, abattre des arbres, élargir les voies et les croisements et affoler toute la petite faune terrestre et volante : un carnage à venir !

Qu’on imagine ces machines sur les lieux désignés par l’affichage d’enquête publique ci-dessous :

Site de l’éolienne E.3. © Sites & Monuments
Site de l’éolienne E.4. © Sites & Monuments
Site de l’éolienne E.1. © Sites & Monuments

Ce qui crevait les yeux : le site d’implantation n’était pas adapté. Comment les services de l’état avaient-ils pu valider ce dossier ?

Ils ont résisté.

Déjà en 2005, le 27 septembre, la CDNPS des Côtes d’Armor (Commission départementale de la Nature des Paysages et des Sites) avait émis un avis défavorable pour un précédent projet sur le même site. Le permis accordé en 2006 fut annulé pour non démarrage des travaux.

Le 16 janvier 2017, le directeur de la DDTM cité plus haut émettait un avis très réservé sur le nouveau projet, celui de la société Botsay Energie portée par BayWa r.e France et Quénéa Energies Renouvelables basée à Carhaix (29).

De son côté, l’autorité environnementale de la DREAL, dans un avis sur la qualité de l’étude d’impact rendu le 21 décembre 2016, décrit de cette façon le site d’implantation : "Le projet se situe dans un secteur préservé et authentique de centre Bretagne, à dominantes naturelle et agricole très peu marqué par la présence de l’homme".

Mais la commune de Glomel et la CCKB (Communauté de Communes du Kreiz Breizh) ont insisté. On lit dans une délibération de la commune : "Projet qui a failli ne pas pouvoir se poursuivre. En effet, les services de la DREAL se sont opposés sur l’intégration paysagère du projet. Un fort soutien de la mairie et de la CCKB a permis de lever cette opposition" (information relatée par journal Le Télégramme du 12 juin 2017).

Il faut dire que la commune et la CCKB étaient entrées au capital de la SAS Botsay Energie, la première pour 2% et la seconde pour 8%. Et, avant même la fin de l’enquête publique, un financement participatif avait réuni 100 000 euros, avec un taux d’intérêt bonifié de 5 % à 6 % pour les habitants du Pays Centre Ouest Bretagne et de 7 % pour les habitants de la CCKB et des communes de Langonnet, Saint-Tugdual et Ploërdut dans le Morbihan.

L’intérêt financier était la raison du soutien fort apporté à ce projet par les collectivités territoriales. Qui pouvait croire que "les quatre éoliennes couvriront la consommation d’électricité annuelle de la population de la CCKB" comme le déclarait François Gendre, chef de projet chez Quénéa Energies Renouvelables au journal Ouest-France du 23mai 2017 ? Personne, hormis la presse peut-être qui a rapporté des propos sans investigation.

Ainsi, le préfet délivra son autorisation le 26 avril 2018 où des mesures spécifiques liées à la préservation des enjeux environnementaux locaux (biodiversité et paysage) étaient longuement détaillées.

Ainsi pour les chiroptères, l’arrêté précisait : "les éoliennes sont arrêtées du 15 mars au 31 octobre, toute la nuit soit une demi-heure avant le coucher du soleil jusqu’à une demi-heure après le lever du soleil, pour des vitesses de vent inférieures ou égales à 6m/s au moyeu de l’éolienne, des températures supérieures à 10° et en absence de précipitation". Un suivi de mortalité était également imposé sous forme de comptage hebdomadaire des cadavres d’animaux durant la même période.

Mais nous pensons qu’il n’est plus acceptable d’avoir à prendre de telles dispositions. Quand l’étude d’impact précise qu’une "disponibilité en gîtes anthropiques est observée sur le pourtour de l’aire d’étude rapprochée", que "de nombreuses bâtisses sont effectivement favorables à l’installation de colonie de reproduction pour l’ensemble des espèces anthropophiles", que "la disponibilité en gîtes arboricoles est importante", après avoir observé la carte de l’intérêt chiroptérologique de la zone (Étude chiroptères pages 39 et 40 de l’étude d’impact), il convient d’empêcher le massacre.

Etude d’impact - Etude chiroptères page 39.

Pour le paysage, le préfet imposa la mesure suivante : "Afin de préserver et valoriser le point de vue depuis la Calotte Saint-Joseph, Botsay Energie participera à la remise en état de la table d’orientation et placera des panneaux indicateurs permettant d’accéder à la calotte Saint-Joseph. Ces actions de préservation et de valorisation pourront être couplées à la mise en place de panneau d’information sur le parc éolien de Botsay invitant à se rendre à ce point de vue".

Nous l’avons échappé belle ! L’arrêt de la CAA de Nantes, confirmé par le Conseil d’État le 28 septembre 2022, a sauvé d’un foisonnement signalétique la Calotte Saint-Joseph, que l’on aime pour son caractère sauvage. Nous échappons également à un énième site de "tourisme éolien" et au discours auto-justificateur qui devait naturellement l’accompagner.

Bravo à nos avocats, maîtres Sébastien Collet et Mathilde le Guen. Et merci à Bernard Berrou qui a si bien évoqué notre modeste sommet morbihannais dans son livre Belvédères (éditions Locus Solus) :

"Le sommet se gagne sans effort. On n’y découvre rien de spectaculaire, juste un grand espace où circulent le vent et le silence. Malgré la faible altitude, on se sent très haut posé. Pas de croix plantée, aucun sanctuaire comme au mont Saint-Michel de Brasparts ou au Menez-Bré. Le lieu est moins religieux que solaire, plus favorable, semble-t-il, à des cérémonies druidiques qu’à des prières, car on a le sentiment d’être à l’écoute du temps de la nature, comme si on était parvenu au centre d’une horloge astronomique. Ce n’est pas tant une quête de sacré ou de symboles, plutôt un climat poétique propre à une région que l’on perçoit au sommet de la calotte Saint Joseph. Une table d’orientation a été laissée à l’état d’ébauche par ses concepteurs, probablement en panne d’inspiration. N’y figure aucune inscription, aucune indication fléchée, rien qu’un patchwork de carreaux ocre et brun rappelant les tableaux de Paul Klee".

Anne Marie Robic, déléguée de Sites & Monuments pour le Morbihan

Consulter l’arrêt du Conseil d’Etat du 28 septembre 2022

Lire l’article de Ouest France
Lire l’article du Télégramme

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