La multiplication désordonnée d’implantations d’éoliennes sur le territoire se heurte à la crainte légitime de voir les paysages et le patrimoine dénaturés, affectant également la qualité et le cadre de vie des habitants.
Dans le nord-est du département de la Charente, près de la ville d’Ambernac, la filiale Energie-Ambernac du groupe allemand WPD a déposé en 2021 un projet visant à construire et exploiter trois éoliennes de 200 m de hauteur d’une puissance inédite localement (5,7 MW), entre la vallée de la Charente et le vallon du Braillou, dont l’intérêt paysager est reconnu.
L’inquiétude suscitée par ce projet a généré une forte mobilisation. Lors de l’enquête publique, 964 avis défavorables ont ainsi été déposés par des habitants et associations. Le commissaire-enquêteur les a suivis en rendant également un avis défavorable. Et en janvier 2024, la commission départementale de la nature des sites et des paysages (CDNSP) a émis, à son tour, un avis négatif. La Préfecture de Charente a pourtant validé le projet dans un arrêté du 28 juin 2024. Quel est l’intérêt d’une consultation si les très nombreux avis, en l’occurrence majoritairement défavorables, ne sont pas pris en compte ? C’est la question que l’on peut légitimement se poser d’autant que cette situation n’est pas un cas isolé.
Mais pourquoi ce projet précis a-t-il suscité une telle opposition ? Ces trois éoliennes seront à environ un kilomètre au sud-est de la commune rurale d’Ambernac. Le site choisi se trouve être sur un territoire riche d’un patrimoine rural, de paysages boisés, de bocages particulièrement bien conservés et d’une biodiversité foisonnante. Installés sur un plateau agricole culminant à 190 m d’altitude en zone de boisements entre les vallées de la Charente et de la Vienne, les mats seront particulièrement visibles depuis de nombreux hameaux qui bordent la Charente et sont aussi les points de départ de randonnées pédestres.
Enfin, l’étude d’impact notait que « 72 monuments historiques sont répertoriés dans l’aire d’étude globale » ; « 45 d’entre eux sont situés dans l’aire d’étude éloignée, 26 dans l’aire d’étude rapprochée et 1 dans l’aire d’étude immédiate », ce dernier étant le château de Praisnaud à Ambernac.
Construit en 1546, le château, ainsi que les dépendances, sont classés au titre des Monuments historiques depuis 2004. Tout comme pour l’église d’Ambernac, il sera impacté visuellement.
En effet, compte tenu de la position dominante du site et de la hauteur des éoliennes, ces dernières seront visibles de tous les étages du château en hiver et en pleine visibilité en toutes saisons depuis la terrasse.

Si les énergies renouvelables sont promues afin de permettre aux générations futures de vivre sur une planète plus respirable, on ne peut pas accepter que la nature concrète, paysages et biodiversité unis, comme le patrimoine, soient sacrifiés.
Hugues de Boissieu et Michel Faure