Après la Grande Roue, le combat continue contre les baraquements illégaux de la place de la Concorde

Chalet de vente de souvenirs établi, depuis plusieurs années, sans autorisation sur la place classée au titre des monuments historiques de la Concorde. Photo Sites & Monuments

Les visiteurs de Paris sont souvent surpris de croiser, en sortant du jardin des Tuileries, à toute proximité de l’obélisque et du mobilier classé de Hittorff de la place de la Concorde, deux "chalets" vendant des marchandises peu compatibles avec ce site patrimonial majeur. Se posait aussi la question du lien de la Grande Roue et des trois chalets l’accompagnant avec ces deux autres chalets maintenus sur la place toute l’année... La Direction régionale des affaires culturelles (DRAC) refuse en effet de les prendre en compte dans le calcul de l’emprise de la roue et de ses annexes, limitée chaque année à 651 m2 (voir ici).

Demandant des éclaircissements, La Tribune de l’Art recevait, le 21 juillet 2017, cette réponse de la préfecture de Région (DRAC) :
« La ville de Paris nous confirme que les baraques ne sont pas liées aux installations de la grande roue (la ville avait fait passer un huissier après le démontage de la roue pour s’assurer que toutes les installations étaient bien parties). 
Par ailleurs, Marcel Campion nous a aussi assuré que ces baraques n’étaient pas à lui.
Compte tenu de la superficie des baraques concernées (inférieures à 20 m2), ces installations ne requièrent pas d’autorisation de la DRAC même si elles sont installées sur un site classé. L’autorisation de ces installations relève donc strictement de la ville de Paris.
 »

En effet, seules les installations d’une « surface supérieure à vingt mètre carrés et d’une durée supérieure à un mois sur un terrain classé  » entrent, aux termes des articles L. 621-9 et R. 621-11 7° du code du patrimoine, dans la catégorie des travaux soumis à autorisation de la DRAC.

Les deux affirmations de la préfecture, selon lesquelles les 2 chalets seraient indépendants de la Grande Roue et non soumis à l’autorisation de la DRAC, étaient inexactes.

A gauche, chalet théoriquement indépendant de la Grande Roue, maintenu toute l’année ; à droite, chalet dépendant de la Grande Roue, démonté avec elle. Photo Sites & Monuments

En effet, l’un des chalets appartient à la propre fille de M. Marcel Campion, tandis que l’autre appartient à M. Ange Bornais, dont la société est domiciliée à la même adresse que celles de Monsieur Campion (Le Point du 20 juillet 2017 nous apprend par ailleurs qu’un monsieur "Daniel Bornais est son ami de toujours »). Les deux baraquements sont donc tout à fait liés à la Grande Roue (lire ici), qu’ils encadrent en formant une véritable nasse au sortir de la grille des Tuileries.

Les chalets et leurs annexes ont en outre, respectivement, une superficie de plus de 30 m2 (auxquels il faut ajouter 10 m2 de portants) et de plus de 55 m2, comme en atteste le constat d’huissier effectué à la demande de notre association le 17 janvier 2017 (voir ici), constat immédiatement communiqué à la DRAC et au ministère de la Culture.

Le 28 juillet 2017, nous demandions par lettre recommandée à la mairie de Paris de consulter l’autorisation d’occupation du domaine public des 2 chalets. Le même jour, nous demandions également à la DRAC d’intervenir, l’emprise de chaque baraquement étant largement supérieure à 20 m2.

Lettre du 28 juillet 2017 adressée à la mairie de Paris
Lettre du 28 juillet 2017 adressée à la DRAC

Le 12 septembre 2017, le Conservateur Régional des Monuments historiques déclarait à La Tribune de l’Art que ces dossiers étaient « en cours de régularisation » (lire ici), contredisant ainsi l’affirmation de sa propre direction selon laquelle les baraquements ne nécessitaient aucune autorisation ! Régularisation bien tardive pour des installations présentes depuis des années sur la place...

La mairie de Paris ayant refusé tacitement de communiquer l’autorisation d’occupation du domaine public demandée, nous saisissions la CADA le 25 septembre 2017. Celle-ci, conformément à la procédure, se rapprochait de la mairie de Paris pour connaitre ses arguments et provoquait, le 11 décembre 2017, la communication des documents demandés ! Un avis de non lieu à statuer était par conséquent rendu par la CADA le 29 décembre 2017.

Autorisation vente alimentaire
Autorisation vente souvenirs

Les deux autorisations communiquées nous apprennent que les deux chalets enlaidissant la place de la Concorde ont, pour l’un, une superficie de 21 m2 et, pour l’autre, de 31 m2 (21 m2 de chalet et 10m2 de portants) et appartenaient donc aux structures qui doivent être autorisées par la DRAC, contrairement à ce que cette administration affirmait !

Les conventions d’occupation, valables six mois, montrent également que la redevance est fixée à 6,24 euros par m2 et par jour, soit 131 euros pour 21 m2. Cette somme correspond, certes, à la redevance maximale fixée par l’arrête municipal du 29 avril 2014, mais est probablement dérisoire compte tenu du flux touristique continu en ce lieu et de l’absence totale de concurrence...

Dans sa lettre d’envoi du 11 décembre, la mairie précise que ces baraquements « sont autorisés depuis plusieurs années  » et qu’« il revient aux commerçants d’obtenir les autorisations administratives imposées par la loi auprès des différentes autorités administratives compétentes », cette « réglementation applicable ayant été rappelée aux actuels titulaires des l’autorisation d’occupation ». Pourquoi ne pas l’avoir fait lors des précédentes autorisations ?

La DRAC, que notre action contraignait à se saisir du dossier, ne semble pas pressée de se prononcer. Ainsi, le 26 décembre 2017, un mail de cette administration nous indiquait : « A ce jour, nous avons reçu un formulaire de demande d’installation temporaire pour l’un des deux chalets. Nous n’avons pas reçu de dossier pour le second chalet. Aucune décision n’a formellement été rendue du fait de l’incomplétude du dossier ».

Baraquements Concorde échange mails avec DRAC

Pourtant, les deux chalets étant exploités par deux entités distinctes, rien n’imposait évidemment d’attendre que la seconde de ces sociétés veuille bien soumettre un dossier d’autorisation à la DRAC ! L’administration refuse en réalité d’exercer une compétence liée, c’est-à-dire que la loi définit comme devant être exercée (voir l’article L. 621-9 du code du patrimoine) !

En outre, la réalisation sans autorisation de travaux sur un monument historique est une infraction pénale et le retard dans le fait de transmettre au ministère public un procès-verbal constatant cette infraction constitue une faute de nature à engager la responsabilité de la puissance publique (CE, 21 octobre 1983, M. et Mme Guedeu, n°31728).

Chalets de vente de souvenirs et de produits alimentaires établis, depuis plusieurs années, sans autorisation sur la place classée au titre des monuments historiques de la Concorde. Photo Sites & Monuments

Bref, après la décision de mettre fin à la présence de la Grande Roue - à laquelle la DRAC Île-de-France n’a paradoxalement nullement contribué - le combat pour la préservation de la place de Concorde continue, contre nos administrations !