Assemblée générale pour l’année 2024. Rapport moral de Julien Lacaze

A l’occasion de notre assemblée générale pour l’année 2024, tenue le 4 juin 2025, notre Président, Julien Lacaze, a donné lecture du rapport moral ci-dessous. Nous vous proposons de le découvrir.

Chers adhérents, chers amis,

L’année 2024 permit à Sites & Monuments de s’exprimer sur des sujets fondamentaux pour le patrimoine.
La concertation sur la Stratégie pour l’énergie et le climat, préfiguration de la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE3) pour 2035, fut l’occasion d’élaborer un « cahier d’acteur » associatif. Sites & Monuments a défendu, dans ce cadre, des énergies concentrées dans l’espace (18 sites nucléaires produisent déjà 80% de notre électricité), mais aussi – c’est une nouveauté – des énergies renouvelables diffuses et discrètes (pour ne prendre qu’un exemple, une pompe à chaleur peut être bien intégrée à son environnement). Le Débat public sur l’éolien en mer fut également l’occasion de plaider, dans le droit fil de nos contentieux, pour un éloignement de ces centrales au-delà des 25 milles nautiques. Ces recommandations trouveront un écho favorable en Vendée où le second parc devant encadrer l’île d’Yeu sera repoussé plus au large.
La mission d’information du Sénat sur les Architectes des bâtiments de France nous a permis de défendre les missions de ce fonctionnaire indispensable à la préservation du patrimoine français. Nous avons, à nouveau, demandé que leurs effectifs scandaleusement faibles soient augmentés et que les exceptions paralysant leur pouvoir d’autorisation, introduites en 2018 concernant les bâtiments en péril et les antennes relais, prennent fin.
2024 a également été l’occasion de contribuer à la révision de documents de planification comme le Plan local d’urbanisme de Paris. Après voir affirmé le caractère horizontal et homogène de notre capitale, nous avons plaidé pour un principe d’intégration poussé des constructions nouvelles, avec une grille de critères, tout en admettant la rupture architecturale concernant certains bâtiments à signaler pour leur intérêt public. Il s’agissait là de tirer les leçons du douloureux dossier de la nouvelle Samaritaine. Nous demandions également la fin des nombreuses exceptions aux plafonds de hauteur (pour adossement, pour rénovation thermique, pour serre de production agricole, etc) qui rendent vains les efforts d’unification de la ville. A l’échelle régionale, nous participions à la révision du Schéma directeur d’Ile-de-France (SDRIF) - auquel les PLU doivent être compatibles - notamment en pointant le caractère dangereux de certaines zones de densification pour nos domaines nationaux.
Outre ces actions au long cours, l’année 2024 a été marquée par différents dossiers emblématiques qui, nous l’espérons, serviront largement la cause du patrimoine.
Au premier rang de ces dossiers se trouve celui du remplacement de six des vitraux conçus à la demande d’Eugène Viollet-le-Duc pour les chapelles de la nef de Notre-Dame de Paris. Ceux-ci, classés au titre des monuments historiques, forment, comme l’ambitionnait l’architecte, un « ensemble complet et harmonieux ». Loin d’être des pastiches, ils montrent l’ambition et la liberté du XIXe siècle dans sa réinvention du Moyen-Âge. Leur retrait, alors que d’autres emplacements sont disponibles pour une création dans la cathédrale, témoigne d’un abus de pouvoir caractérisé de politiques et d’artistes en quête d’autocélébration, comme d’une incapacité à créer sans soustraire. Ce mépris du XIXe siècle contribue à la démolition de nombreuses églises « néo » pour lesquelles Notre-Dame permet aussi de plaider.
La tour Eiffel, autre symbole patrimonial, a occupé l’actualité en raison de sa corrosion et du possible maintien des anneaux olympiques dont elle était affublée. Notre association a été abondamment sollicitée sur ces sujets, ce qui permit d’expliquer la proximité des effets de l’inscription et du classement au titre des monuments historiques et de plaider pour une restauration de la tour dans son état Belle Époque. Occasion, aussi, d’expliquer que les anneaux olympiques constituent juridiquement une publicité, interdite sur les monuments historiques depuis une loi de 1910 votée à l’instigation de notre association.
Notre contestation de la délimitation des domaines nationaux permit de remporter, en juin 2024, une retentissante victoire devant le Conseil d’État. La juridiction administrative suprême somma le gouvernement d’intégrer au sein des domaines nationaux de Meudon et de Saint-Cloud trois parcelles volontairement omises : les installations commerciales d’un entrepreneur bien en cour autour du bassin de Chalais, le pavillon de Breteuil, occupé à Saint-Cloud par une institution internationale et les étangs de Corot, éléments de son réseau historique menacé par un chantier de sécurisation inutile. Autant de précédents pour de futures délimitations et de marques d’attachement de la société civile à la sauvegarde de nos domaines nationaux.
Au chapitre du patrimoine mobilier, nous avons été entendus comme témoin par la Cour des comptes dans l’affaire de la braderie du mobilier de Grignon, révélée par notre association. Cette procédure a conduit à la condamnation, en décembre 2024, de quatre fonctionnaires de l’AgroParisTech et des Domaines. Les notifications au Mobilier National, préalable à toute aliénation, sont désormais réalisées par les administrations venderesses par peur du scandale. De façon plus positive, notre action pour le patrimoine mobilier a pris la forme, en avril 2024, d’un partenariat pour le remeublement du château martyr de La Roche-Guyon avec l’établissement public qui en assume la gestion. Nos adhérents jouissent désormais d’un tarif réduit en l’échange d’un soutien de notre association en matière de veille sur le marché de l’art, d’identification en archives et de recherche de mécénat.
La fragilité et l’importance des congrégations, notamment pour le maintien de la nature en ville, ont été mises en évidence à l’occasion de la demande de placement sous instance de classement du monastère de la Visitation à Paris, comportant une rare ferme urbaine du XIXe siècle décrite par Emile Zola et du couvent des Chartreux d’Aix-en-Provence, comportant de superbes vestiges d’un cloître et de cellules monacales du XVIIe siècle. Dans ces deux cas, la ministre de la Culture porte la lourde responsabilité d’avoir laissé opérer les démolisseurs en juin et novembre 2024.
Sur le front de l’éolien, trois contentieux importants ont été engagés en 2024. Celui s’opposant, notamment aux côtés de la fondation Saint-Louis, à une centrale visible depuis le château d’Amboise et la pagode de Chanteloup, dans l’aire d’influence du classement au titre du Patrimoine Mondial du Val de Loire définie par son plan de gestion. Il s’agit du premier parc éolien s’approchant de cette zone essentielle pour notre tourisme. Un autre contentieux fut engagé pour défendre les paysages associés au château de Saint-Point (Saône-et-Loire), précieux pour avoir été transmis avec le mobilier du poète Alfonse de Lamartine. Première pour notre association, une plainte fût également déposée devant le procureur de la République de Montpellier pour la mort d’un aigle royal protégé du massif de l’Escandorgue.
La charmante commune de Craponne-sur-Arzon (Haute-Loire), dont le patrimoine vernaculaire a été allègrement détruit au gré de prétendues insalubrités et envies municipales, montre une nouvelle fois les ambiguïtés de l’État qui a permis, sinon encouragé, ce massacre via le dispositif « Petites ville de demain ». Les recours en justice intentés en 2024 sont d’un bien faible poids face à cette politique signant le retour d’un urbanisme digne des années 60.
Ces actions, déjà redevables pour tout ou partie au travail de nos délégués, ne reflètent évidemment pas toute l’activité de notre association, qui sera présentée lors du rapport dédié.
Le futur de notre association, qui ne vit que par les hommes et les femmes qui l’animent, s’annonce sous les meilleurs auspices. Outre le recrutement de Mélodie Brouez comme chargée de gestion administrative et de développement, dont nous apprécions déjà le dynamisme et l’intelligence, nos fidèles bénévoles du siège, Brigitte, Marie-Hélène, Isabelle, Yaelle, Chantal, François et Jérôme, ainsi que Nicole Huet depuis son domicile, ont été rejoints par de précieuses compétences. Chacun a pu apprécier la qualité des vidéos d’Olivier Burel, propres à faire naître l’intérêt autour de dossiers que nous ne parvenions pas à médiatiser correctement. Nous découvrons également la vision entrepreneuriale de Patrick Deschard – homme de chiffres et de passions - qui s’est dévoué à la question épineuse de la lente, mais préoccupante, érosion naturelle de notre base d’adhérents. Il nous faut susciter l’intérêt de nouveaux retraités et, pourquoi pas, de jeunes militants du patrimoine ! Enfin, nous venons d’être rejoints par Philippe Anfray, détaché pour deux ans dans notre association par une grande entreprise grâce à un mécénat de compétence, formule inédite chez nous. Il aura la charge du développement, au sens large, de Sites & Monuments. Ces forces vives qui nous rejoignent permettront de faire plus et mieux pour réaliser notre objet social fixé, il y a 124 ans, par nos prédécesseurs : défendre le patrimoine national.
Je vous remercie.

Julien Lacaze, Président de Sites & Monuments

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