Baie du Mont Saint-Michel : le tribunal reconnaît les dégradations des pratiques mytilicoles productivistes

La baie du Mont Saint-Michel souillée par des déchets issus de la surproduction de moules. © Marie Feuvrier 11/2021

La recherche du profit rapide et toujours plus grand au mépris des sites et de l’environnement n’a pas échappé à certains mytiliculteurs de la partie bretonne de la baie du Mont Saint-Michel où leurs concessions sont installées dans un site Natura 2000 sous les yeux de l’Archange dominant le Mont et sa baie, classés au patrimoine mondial de l’UNESCO.

La culture des moules sur bouchots s‘y est installée dans les années 1950. Pendant près de 50 ans, les mytiliculteurs ont pratiqué la culture de leurs moules en ne produisant pratiquement pas de déchets. La quasi-totalité du naissain introduit en baie conduisait à la production de moules vendues et la production totale était pratiquement égale à la production commercialisée.

Récolte des moules dans les années 1950.

À partir de la fin des années 2000, les pratiques culturales ont changé. De plus en plus de mytiliculteurs ont supprimé les opérations manuelles et mécanisé la cueillette des moules sur les bouchots au moyen d’une pêcheuse, qui ôte en une seule fois tous les coquillages, sans distinction de leur taille comme le faisait l’ouvrier à la main. Ces changements de pratique ont conduit à la production de quantités de plus en plus importantes de petites moules sous-calibrées et de ce fait non vendables.
Jusqu’à la fin des années 2000, seulement quelques dizaines ou centaines de kilos de petites moules vivantes étaient rejetées en mer. Depuis la mécanisation de la cueillette, ce sont des milliers de tonnes de moules sous-taille, non commercialisables, privées de leur byssus en atelier qui, mortes ou moribondes, sont jetées en pâture aux goélands, broyées sans ménagement par les allers et retours des engins amphibie sur les chemins conchylicoles, livrant là un spectacle déplorable et des odeurs de putréfaction aux randonneurs en baie et sur le sentier littoral.

Nuées de goélands autour d’un engin d’épandage . © Marie Feuvrier 11/2021
Moules sous calibrées et déchets plastiques entreposés en attente d’épandage dans la baie du Mont Saint-Michel.© Marie Feuvrier 11/2021

De plus, cette situation a favorisé la prolifération des populations de goélands avec leurs cortèges de nuisances, contribuant à la dégradation de la qualité des eaux marines et des paysages…

Déchets épandus constitués de moules sous taille réglementaire et de plastiques. © Marie Feuvrier 11/2021
Épandage des rebus avec du matériel agricole. © Marie Feuvrier 11/2021

Depuis près de 10 ans, les associations APEME, Sites & Monuments et d’autres associations environnementales ont à plusieurs reprises proposé une concertation, saisi les autorités administratives et les élus locaux, alerté par voie de presse afin que les mytiliculteurs de la partie bretonne de la baie du Mont Saint-Michel réduisent leur impact environnemental, sanitaire et paysager sur cette partie intégrante du bien classé... En vain !

L’administration préfectorale a finalement décidé, par un arrêté préfectoral du 21 juillet 2021, de légaliser ces rejets sur l’estran, pratique illicite au regard du code de l’environnement et de la directive Natura 2000. L’APEME et Sites & Monuments ont donc déposé un recours en annulation et un référé suspension « environnement » contre cet arrêté.
Le 17 décembre 2021, le juge des référés du Tribunal administratif de Rennes a suspendu l’exécution de l’arrêté au motif que ces petites moules rejetées sur l’estran « constituent ainsi des sous-produits animaux,… que le projet en cause relevait de l’évaluation environnementale après un examen au cas par cas… ».

L’APEME et Sites & Monuments sont satisfaites de cette décision. La baie du Mont Saint-Michel est heureusement encadrée par plusieurs réglementations qui protègent ces espaces naturels et patrimoniaux. Ces règlementations doivent être respectées et mises en œuvre car l’estran, la mer et la biodiversité marine, qui sont notre patrimoine naturel et culturel, sont des biens communs fragiles et essentiels.

La Baie du Mont Saint-Michel. Img. Emmanuel Berthier. Latitude Manche

Nos associations ont besoin de votre soutien pour continuer à préserver non seulement la baie du Mont Saint-Michel mais aussi les autres sites littoraux de France où ces mêmes pratiques de surexploitation de la mer littorale, contraires au principe de développement durable et à la préservation des sites, habitats et paysages, sont à l’œuvre.

Merci de soutenir l’action de l’APEME et Sites & Monuments en faisant un don ICI

Marie Feuvrier
Présidente de d’APEME et déléguée Sites & Monuments de l’Ille-et-Vilaine

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