Nous avons reçu un droit de réponse du promoteur Histoire et Patrimoine qui conteste trois points soulevés dans l’article. Dans le texte, les remarques du promoteur ont été insérées.
L’ancienne abbaye Saint-Laumer de Blois, connue également sous le nom d’Hôtel-Dieu en raison de l’hôpital qu’elle a abrité de 1802 à 1980, est un ensemble monumental de première importance. Face à la Loire et située dans le quartier historique de Saint-Nicolas "Quartier des Arts", elle représente un exemple remarquable et homogène de l’architecture monastique des XVIIe et XVIIIe siècles réalisée par la congrégation de Saint-Maur. Elle fut complétée au XIXe siècle par quelques adjonctions dans le même style pour sa transformation en hôpital.
LE PROJET
Mais de graves menaces pèsent sur ce monument et ses alentours. En effet, la municipalité actuelle veut vendre ce patrimoine communal à un promoteur immobilier, spécialiste de l’achat de sites historiques pour y aménager des logements. À Blois, le projet prévoit une centaine d’habitations ; la plus grande partie du site va donc être profondément modifiée et même dénaturée.
Imaginez les cuisines et les sanitaires à l’emplacement des anciennes cellules des moines !
Au rez-de-chaussée la grande salle qui a servi de chapelle pour l’hôpital sera tronçonnée en deux ou trois parties et certainement divisée dans sa hauteur par un plancher.
Droit de réponse du promoteur
L’article évoque la division de la grande salle en deux ou trois parties par un plancher, ce qui est inexact. Les deux salles du rez-de-chaussée seront préservées et destinées à abriter deux musées distincts, sans aucune division par un plancher ou des murs.
Réponse de l’association des Amis de l’Hôtel-Dieu
Cette remarque est certainement une erreur d’Histoire et Patrimoine qui confond l’ancienne salle de conférences de la DDT, auparavant chapelle de l’Hôtel-Dieu comme indiqué dans l’article avec une des salles destinées aux musées. Lors des réunions d’administrateurs de l’association avec Histoire et Patrimoine, il nous a été affirmé que cette salle serait transformée en logements et divisée en plusieurs pièces.
Elle est d’ailleurs située dans l’aile parallèle à la Loire alors que les musées sont prévus au rez-de-chaussée de l’aile orientée à l’est, perpendiculaire à la précédente et à la Loire (à droite sur le plan général ci-dessus).
Plus grave encore : au niveau des toits, l’étage des charpentes sera transformé en duplex dont l’éclairage sera assurée par de nouvelles ouvertures, des lucarnes qui modifieront significativement la toiture.
Droit de réponse du promoteur
L’article indique l’ajout de nouvelles lucarnes et fait figurer une image fausse de la façade projetée, qui ne correspond pas à notre projet tel qu’approuvé dans le permis de construire.
Nous ne connaissons pas la provenance de cette image et sommes étonnés que ce document ait été intégré à l’article sans mention d’auteur et sans vérification préalable du permis de construire.
Réponse de l’association des Amis de l’Hôtel-Dieu
Lors d’une récente rencontre avec l’opérateur, l’architecte chargé du projet a affirmé qu’il n’y aura pas de nouveau percement des toits mais un aménagement des ouvertures existantes. Nous avons effectivement commis une erreur en présentant le montage photo comme étant une réalisation projetée, alors qu’il fallait préciser que ce n’était qu’une hypothèse de restitution faite par nos soins (cette photo d’illustration litigieuse a été supprimée). Toutefois, un nouvel examen du permis de construire semble bien conclure à la création de 13 nouvelles lucarnes, probablement à l’emplacement de tabatières ou de velux existants, ce qui devrait modifier l’aspect actuel de la toiture, particulièrement sur l’aile orientée à l’Ouest, perpendiculaire à la Loire, et longeant la basse-cour de 1662 (à gauche sur le plan général ci-dessous).
Ce projet entraînera une dégradation irrémédiable des espaces encore préservés. Les abords, autrefois anciens jardins de l’abbaye, ne seront pas épargnés. Ils seront en majeure partie transformés en parkings pour les résidents.
L’espace situé à droite sur la photo aérienne était autrefois celui des jardins de l’abbaye.
Les sols en partie arborés, sans protection au titre des monuments historiques, seront vendus en totalité au promoteur pour les lotir en parkings attribués aux acquéreurs de la centaine de logements projetés ; ils seraient de ce fait, irrévocablement privatisés et artificialisés. Au regard de l’écologie urbaine, un tel choix constituerait un contresens désastreux et irréversible. Les Blésois ne doivent pas être dépossédés de ce site paysager en bord de Loire, soit 12 400 m² en englobant le square de l’Abbé Grégoire. Il mérite de retrouver sa destination naturelle de jardin par sa réhabilitation en parc public pérenne. Un tel lieu, pratiquement inexistant au cœur du centre ville qui en a grand besoin, en deviendrait ainsi le poumon vert, d’autant plus attractif par sa position entre fleuve et château.
Droit de réponse du promoteur
L’article mentionne la transformation des anciens jardins en parkings pour les résidents.
Ces jardins ont été amputés dans les années 1930, démolis et remplacés par un parking bitumé dans les années 1960. Le projet vise l’amélioration de cette situation. Tous les détails sont également disponibles dans le dossier de permis de construire.
Réponse de l’association des Amis de l’Hôtel-Dieu
La remarque d’Histoire et Patrimoine est exacte. Cependant bien que la zone soit un parking depuis 1930, cela ne justifie pas le choix de pérenniser ces places de stationnement. Nous demandons que cette partie soit restaurée en jardin.
HISTORIQUE (924 – 1791)
Sans revenir en détail sur l’histoire du monastère qui s’étend sur près de neuf siècles, rappelons les épisodes essentiels de sa construction qui expliquent sa configuration actuelle :
– 924 : à la suite des invasions normandes, les moines de Corbion dans le Perche s’enfuient de leur couvent et trouvent refuge dans le castrum de Blois puis dans l’actuel faubourg du Foix, en dehors des murs qui protègent la cité.
– 1356 : après le désastre de Poitiers, les troupes anglaises du Prince Noir remontent jusqu’à Romorantin. Vont-elles continuer jusqu’à Blois ? Devant cette menace, la municipalité décide d’enclore l’abbaye et son église à l’intérieur des murailles qui protègent la ville. Le portail de l’abbatiale est muré, la fortification est prolongée jusqu’à la Loire et continuée le long du fleuve qui atteint à cette époque le niveau du milieu de la cour actuelle devant l’Hôtel-Dieu. Toutefois, l’ordonnancement des bâtiments de l’abbaye n’est probablement pas modifié.
Il est difficile de retrouver la configuration de l’abbaye au Moyen-Âge et jusqu’à la fin du XVIe siècle, les gravures de la ville de Blois étant trop imprécises et faute de vestiges conservés. Il ne reste en effet que les celliers (en bleu et rouge sur le plan ci-dessous) et les arrachements de la voûte de la galerie nord du cloître médiéval, accolée au flanc de l’église Saint-Nicolas. Toutefois la longueur de cette galerie, identique à celle du cloître actuel, permet de supposer qu’il occupait pratiquement le même emplacement que ce dernier.
– 1568 : lors de l’invasion de la ville de Blois par les protestants, l’abbaye est détruite presque en totalité à l’exception des celliers du sous-sol de la partie ouest et de l’aile nord du cloître médiéval contigu à l’église.
– 1627 : affiliation de Saint-Laumer à la congrégation de Saint-Maur qui consacrera une centaine d’années à la reconstruction des bâtiments abbatiaux.
– 1663-1672 : constructions des frères Habert, actuelles ailes sud et ouest bordant le cloître (vert foncé sur le plan).
– 1703-1723 : fin de la reconstruction du cloître et édification de l’aile est par Guillaume de la Tremblaye, architecte et moine de la congrégation, auteur entre autres de l’abbaye aux Hommes de Caen (orange sur le plan).
– 1845 : aménagements par les architectes Pinault et de La Morandière pour adapter l’ancienne abbaye à sa nouvelle fonction d’Hôtel-Dieu par un prolongement à l’ouest vers la Loire en symétrie avec l’aile est allant de l’église à la Loire (violet sur le plan).
LES BÂTIMENTS ACTUELS
Avec l’ancienne église abbatiale Saint-Laumer/Saint-Nicolas, ils forment un ensemble architectural exceptionnel, qui a conservé en grande partie son aspect extérieur et sa structure intérieure d’origine, représentatifs des constructions de la congrégation de Saint-Maur aux XVIIe et XVIIIe siècles.
Il est donc un témoin capital de l’effort que cette congrégation a réalisé pendant près de deux siècles pour la reconstruction d’abbayes ruinées pendant les Guerres de Religion.
Les transformations du XIXe siècle pour l’établissement de l’Hôtel-Dieu n’en ont que partiellement modifié l’aspect à l’exception de la partie bâtie à l’ouest de la cour. Plus encore, les aménagements réalisés par la D.D.T. au moment de son installation en 1980 ont permis la réhabilitation des bâtiments tout en respectant leur disposition interne.
Le plan-schéma ci-dessus rappelle les principales époques des bâtiments et leur répartition :
– Moyen-Âge (XIIe et XIIIe siècles) : celliers des XIIe et XIIIe siècles et vestiges du cloître médiéval jouxtant la nef de l’église.
– XVIIe – XVIIIe et XIXe siècles (voir les photos ci-après).
– 1845 : aménagements des architectes Pinault et Jules de La Morandière pour adapter le monument à sa transformation en hôpital, fonction qu’il assure entre la Révolution et 1980.
– 1980 : le service départemental de l’Architecture puis les services de l’Équipement viennent occuper l’Hôtel-Dieu. En même temps, la rénovation, la réhabilitation et les aménagements des bâtiments, sont réalisés.
L’ASSOCIATION DES AMIS DE L’HÔTEL-DIEU
Les Blésois, soucieux de préserver ce bien commun et de le valoriser, se sont groupés et ont créé une association "Les Amis de l’Hôtel-Dieu". Créée en octobre 2019, cette association a pour but :
– de défendre le patrimoine extérieur et intérieur du site de l’Hôtel-Dieu, ancienne abbaye Saint-Laumer ;
– d’assurer la vigilance citoyenne concernant le devenir de ce site ;
– d’initier les actions nécessaires à la protection de cet espace ;
– de valoriser l’histoire et la vocation culturelle de ce lieu de première importance dans l’histoire et le patrimoine de la ville de Blois ;
– d’assurer l’accès public des lieux ou d’une partie de ceux-ci aux Blésois et aux touristes ;
– d’intégrer l’Hôtel-Dieu dans le "Quartier des Arts" pour accroître le dynamisme du quartier Saint-Nicolas qui deviendrait ainsi encore plus attractif pour les visiteurs du château.
Dès la fin de 2019, contact a été pris avec M. Gricourt, maire de Blois, pour proposer notre collaboration dans l’élaboration d’un projet sur l’Hôtel-Dieu. Malgré la promesse d’associer les Amis de l’Hôtel-Dieu à ce travail, aucune réponse de la municipalité n’a été faite à notre demande. C’est pourquoi des recours gracieux puis contentieux ont été formés pour empêcher la vente de ce site à un promoteur et le conserver dans notre patrimoine commun.
ACTIONS ENGAGÉES
1. Lettres pour des recours gracieux contre les délibérations municipales :
– délibération du 22 novembre 2021 : déclassement des parcelles du site de l’Hôtel-Dieu et incorporation de ces parcelles dans le domaine privé de la commune.
– délibération du même jour : désaffectation et déclassement des emprises publiques communales situées à l’arrière du chevet de l’église Saint-Nicolas.
– délibération du 13 décembre 2021 : autorisation pour la vente des parcelles déclassées au marchand de biens Mérimée.
Comme les fois précédentes, aucune réponse de la mairie, qu’il faut interpréter comme un refus de nos demandes d’annulation à l’amiable des décisions prises lors de ces délibérations. Cette habituelle fin de non-recevoir nous a conduit à former auprès du tribunal administratif d’Orléans plusieurs recours contentieux.
2. Recours contentieux :
– le recours principal a été fait contre le permis de construire accordé par le préfet, procédure qui permettra de travailler à des solutions alternatives, comme par exemple le transfert des écoles des Beaux-Arts et de la Musique, un musée/centre d’interprétation sur Blois, la Renaissance et les châteaux de la Loire, relais pour une information touristique de qualité, ou encore un centre destiné à présenter les métiers d’art que de nombreux professionnels pratiquent dans notre département.
– en raison de l’absence de réponse aux recours gracieux mentionnés, les recours contentieux ont été engagés il y a un mois environ contre les trois délibérations indiquées ci-dessus.
3. Des projets alternatifs :
En complément de la défense d’un élément exceptionnel du patrimoine blésois, les Amis de l’Hôtel-Dieu ont élaboré des projets pour conserver ce lieu dans le domaine public et collectif, permettant d’en ouvrir l’accès au plus grand nombre et de le valoriser en lui donnant une destination culturelle et touristique. Un dossier spécifique décrit ces propositions.
Association des Amis de l’Hôtel-Dieu