Château de Foix : massacre pour un ascenseur

Château de Foix panorama

En ces temps de morosité généralisée, une bonne nouvelle nous vient de l’Ariège.

Le Conseil Départemental a décidé d’équiper la butte du Château de Foix de 2 ascenseurs, afin de faciliter l’accès des handicapés et des poussettes.

Le problème ne date pas d’hier. Déjà, Roger, Comte de Foix se plaignait des difficultés de son cheval (peut-être trop richement équipé) pour gravir le raidillon. Plus récemment, on avait remarqué qu’un pourcentage important des courageux qui avaient entrepris l’ascension s’arrêtait à mi-chemin devant l’entrée, se contentant d’admirer le panorama de la vallée de l’Ariège sans payer le modeste droit d’entrée de 6,50 €, ils préféraient aller déguster une glace sur les allées de Villote.

Simulation d’architecte du projet : la rampe est dissimulée derrière une grille, tandis que le mur réalisé en béton est presque invisible. Architectes Cros & Leclercq et ACMH Dufour

On ne connaît pas le sentiment qui l’emportait chez eux : la gourmandise ? La paresse ? Ou la sagesse, sachant qu’il n’y avait rien de plus à voir là haut ? Dorénavant, ils paieront en bas et monteront en quatrième vitesse. L’opération est donc la bienvenue, d’autant que le Tour de France va passer par Foix le 17 juillet prochain.

Non, les coureurs n’arriveront pas au château, car l’arrivée est prévue au Prat d’Albis, la montagne en face, et il ne sera pas aisé de les voir de l’une des tours. Il y a malgré tout urgence à ce que les travaux soient terminés à cette date, afin que le monde entier connaisse le dynamisme fuxéen.

Légende de La Dépêche : "Henri Nayroux, le président du conseil départemental, avec Pascal Alard, la cheville ouvrière du projet. Il désigne l’endroit où arrivera l’ascenseur extérieur. Un autre ira au château" Photo DDM B. D. Nous soulignons en rouge l’emprise du projet

L’urgence est telle d’ailleurs, que le Conseil Départemental a préféré ne pas attendre les autorisations nécessaires pour démarrer les travaux. Elles devaient arriver le 25 Mars 2019, mais les travaux étaient en cours depuis longtemps (Dépêche du Midi du 9 avril où l’on voit des responsables se réjouir, voir ici). Il n’aurait pas fallu en effet que quelque fonctionnaire pointilleux s’aperçoive que le rocher du château était strictement inconstructible selon le Plan de prévention des risques.

Chacun sait qu’il est truffé de failles et de cavités. Certes, il sera nécessaire d’en abattre une partie de façon irrémédiable mais on prendra toutes les précautions pour le conforter. Ainsi, si l’on trouve une cavité trop importante, on la remplira de béton en protégeant les peintures magdaléniennes de la grotte du cheval, et puis ça fera quelques travaux supplémentaires qui viendront enrichir l’économie locale. Des grincheux pourraient aussi trouver à redire à ce que l’on remplace quelques vieilles pierres de taille par du béton banché. Mais d’abord il ne s’agit pas de toutes les pierres et puis il est toujours bon d’apporter une pointe de modernité dans ces vieilleries.

Travaux aujourd’hui réalisés. Source : La Dépêche (lire )

On n’a, dans tous les cas, pas commis l’erreur de demander son avis à la Commission Nationale du Patrimoine et de l’Architecture. Cette opération était trop urgente et il fallait que les travaux fussent terminés pour le Tour de France.

Ainsi, le département aura à sa disposition un monument historique qui rapporte enfin de l’argent. On placera 3 ou 4 guichetiers au pied de l’entrée chargés de recueillir la manne touristique et on luttera ainsi contre le chômage de masse. 

Certes l’investissement est un peu lourd : 3 millions d’euros. On oubliera aussi les chapelles romanes qui s’effondrent dans la montagne et l’on remettra à plus tard toutes ces réparations. 

Autorisation de la DRAC Occitanie du 21 mars 2019

Sites & Monuments, qui a demandé à consulter le dossier d’autorisation à la DRAC Occitanie le 29 janvier 2019, s’est heurtée à la résistance de cette administration. Le dossier était finalement obtenu du conseil départemental, maître d’ouvrage, le 8 mars 2019. Un recours gracieux* était formé le 22 mai 2019 par l’association contre l’autorisation délivrée par la DRAC le 21 mars 2019 (voir ci-dessus), ce qui n’a pas dissuadé le conseil départemental de débuter les travaux - Tour de France oblige - avec le résultat que l’on constate aujourd’hui avec stupéfaction !

* Le recours contentieux n’est à ce jour pas financé faute d’association locale contestant le projet