Château-Neuf de Saint-Germain-en-Laye : à la découverte des murs de clôture de la 5e terrasse pour leur protection !

Nous attirions l’attention, dans un article daté du 2 juin, sur l’importance de faire revivre la 7e terrasse du Château-Neuf de Saint-Germain-en-Laye "par une protection au titre des sites classés afin de la mettre en perspective des terrasses supérieures et de réharmoniser le paysage nord et sud des terrasses, particulièrement dénaturé depuis le XIXe siècle".

Un chantier en cours sur un terrain privé situé, cette fois-ci, au sein d’une partie pas encore reconnue de l’ancienne 5e terrasse, met également en évidence l’importance, dans un premier temps, de reconnaître d’abord son existence puis, d’en protéger les vestiges. Une étude préliminaire avec approche archéologique, entreprise à cette occasion, est présentée ici.

En introduction, il est fait référence à d’autres vestiges des contours architecturaux du Château-Neuf de Saint-Germain-en-Laye (Ève Golomer, 2020) citant l’archive où les Maîtres généraux des Bâtiments du roi Henri IV avaient entouré l’ensemble des terrasses de murs solides « les murs qui serviront de clôture de mont à val seront maçonnés de moellons, chaux et sable, garnis de jambes de pierre de taille espacées de douze pieds en douze pieds ».

Ces murs de clôture aux caractéristiques spécifiques décrites par le duc de Sully en 1604 (Bibliothèque Nationale de France) entouraient donc l’ensemble des terrasses du Château-Neuf depuis la terrasse haute méridionale. Leurs vestiges, associés à l’altimétrie conservée des terrasses, forment aujourd’hui un paysage culturel.

Afin d’aborder l’étude de la 5e terrasse, l’extrait d’une gravure ancienne, en vue à vol d’oiseau, fait apparaître ses murs de clôture, dont ceux au sud et au nord. Sur la figure 1, ces murs sont surlignés en couleur orangée avec leurs décrochages vers le centre du site.

Ils sont visibles symétriquement sur cette esthétique figure 1, cependant, en réalité de terrain sur la vue aérienne de la figure 2, ils sont asymétriques.

Figure 1 : Portraits des chasteaux royaux de Saint-Germain-en-Laye par l’ingénieur Alexandre Francini en 1614,
© Musée d’Archéologie Nationale : MAN1614-DOC_20170212_VG_04.

Les murs de clôture sud et nord de cette 5e terrasse subsistent encore, proches de leur état d’origine, grâce à sa topographie en plateau. Le Premier Jardin central, entouré de deux bosquets, était d’une grande importance puisqu’il formait le pendant, avancé vers la Seine, du Parterre Royal du Château-Vieux de Saint-Germain (Ève Golomer 2022).

Les jardins classés du Pavillon Sully le rappellent pour la moitié sud de cette terrasse. Cependant, même ces murs de clôture sud, non encore reconnus, ne sont pas protégés.

Or, les textes d’archives, datés en 1604, décrivent précisément les « jambes de pierre de taille » espacées de quatre mètres chacune (anciens douze pieds). Ces caractéristiques sont celles d’un mur d’enceinte royale, poursuivies plus tard au château de Versailles (Ève Golomer 2021).

Cette particularité, propre aux murs de clôture, ne concerne pas les murs de soutènement, dépourvus de jambage mais avec galeries, grottes et ornements divers (Kitaeff, 1999, Lurin, 2010).

Côté sud (photos 3 et 3 bis ci-dessous, prises place Félicien David à côté de l’église Saint Wandrille du Pecq), le mur a souvent été réutilisé comme clôture des propriétés actuelles. Cependant, le cliché de droite montre que la création de l’entrée d’une propriété a été l’occasion de remanier la partie ouest de ce mur, alors non reconnu.

Photos Jean-Baptiste Galland.

Un chantier récent, rue de la Capitainerie, face au cimetière, a été l’occasion d’une ouverture plus large du mur de clôture nord (sur la figure 4 en 2020, il manquait déjà une jambe de pierre de taille). Ce nouveau fait montre l’importance d’une protection des deux murs de clôture sud et nord, donc de l’ensemble du paysage de la 5e terrasse, suspendue au-dessus de la vallée de la Seine, entre ces deux vestiges bâtis.

Figure 4 : A gauche du poteau du lampadaire, une jambe de pierre de taille est située au niveau de la flèche orangée. Le chantier actuel a, provisoirement, agrandi l’ouverture visible en septembre 2020 pour faciliter les travaux. Une restitution de cette jambe de pierre de taille, dont les pierres ont été mises de côté, est envisagée, après le chantier fin 2022, afin de les replacer au mieux dans ce mur historique.
Figure 5 : Le cliché (pris le 25 avril 2011 par Marc Binazzi) montre la vue depuis la terrasse au sein du Pavillon Henri IV (ancienne chapelle du Roi).

Il s’agissait du paysage qui s’offrait aux rois Henri IV, Louis XIII et Louis XIV sur le nord de leur Premier jardin, du côté de l’ancien bosquet clos par le mur, qui apparaît ici avec du lierre (flèche rouge).

Le grandiose paysage de la vallée de la Seine est notable en arrière-plan.
Maintenant, ce mur nord est surtout visible de loin, par le promeneur, depuis le belvédère de la deuxième terrasse (rampe des Grottes). De même, le mur sud, à hauteur du regard, fait partie du paysage de la place Félicien David (figure 3).

À ce stade de l’étude scientifique présentant la localisation des contours actuels et réels de la 5e terrasse portant l’ancien Premier jardin et ses deux bosquets, il y a lieu de s’interroger sur le type de protection à prévoir pour cette grande terrasse paysagère. En effet, elle inclut des murs représentatifs de l’architecture des clôtures du domaine royal du Château-Neuf de Saint-Germain-en-Laye.

Lors d’une première étape, il pourrait être envisagé de protéger les murs nord et sud de la cinquième terrasse et leur décrochage par un classement Monuments Historiques associé à une protection des sites paysagers,
Plus tard, après études complémentaires, il pourrait être intéressant de protéger les vestiges de l’ensemble des murs et leurs différentes terrasses, au titre des sites paysagers et/ou de protéger les éléments architecturaux retrouvés de l’ancienne enceinte au titre des Monuments Historiques.

Ève Golomer, Docteur en sciences et arts de l’espace, ancienne élève de l’ENS du paysage de Versailles.

L’autrice remercie les personnes ayant aimablement contribué à l’aboutissement et à la valorisation de cette recherche, en particulier, Ivan Lafarge pour le déchiffrage du texte archéologique.


Bibliographie

Maximilien de Béthune, duc de Sully, Les actes de Sully passés au nom du roi de 1600 à 1610 par devant Me Simon Fournyer notaire au Châtelet de Paris dont les minutes sont conservées en l’étude de Me Henri Motel, notaire à Paris, recueillis publiés et annotés par M.F. de Mallevoüe en 1911 à Paris. Marché du 28 janvier 1604, page 184, BnF.

Ève Golomer, Les premières broderies du parterre royal du château de St-Germain en 1667 : une histoire d’eau ! page d’archive N° 64, publiée le 22 juin 2022 pour la Société d’Art et d’Histoire : Les Amis du Vieux Saint Germain, et sur le site d’Israël Silvestre et ses descendants

Ève Golomer, Les pierres d’un mur s’invitent dans l’histoire des jeux d’eau de Neptune et du Dragon, Château de Versailles de l’ancien régime à nos jours, N°42, 12 juillet 2021, p. 28-33.

Ève Golomer, Les contours architecturaux de la terrasse haute méridionale du Château-Neuf, page d’archive N° 15, Bulletin N° 57, année 2020, Société d’Art et d’Histoire : Les Amis du Vieux Saint Germain, p. 281-283.

Monique Kitaeff, Le Château-Neuf de Saint Germain-en-Laye, Monuments et Mémoires publiés par l’Académie des inscriptions et belles lettres , tome 67, Ed. De Boccard, Paris, 1999.

Emmanuel Lurin, (sous la direction de) Le Château-Neuf de Saint-Germain-en-Laye, Les Presses Franciliennes (collection « Histoire »), 2010, p. 85-135.
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