Communiqué - Étangs Corot de Ville-d’Avray : chronique d’un désastre annoncé

Étangs Corot de Ville-D’Avray avant et après travaux préparant la création d’un déversoir

Ville-d’Avray, le 30 mai 2021

Le chantier des Étangs de Corot à Ville-d’Avray, financé par le ministère de la Culture à hauteur de 12M€ sous maitrise d’ouvrage du Centre des Monuments Nationaux (CMN), vient d’être stoppé pour une durée indéterminée après l’abattage de nombreux arbres. Motif : l’autorisation nécessaire pour la création de l’un des deux déversoirs de 26 m de large, dont l’emprise empiète de plus d’un tiers sur le domaine de la Ronce, a été refusée par son propriétaire, la société immobilière Gécina.

Les étangs de Ville-d’Avray, site classé depuis 1936, dont les paysages peints par Corot plus de 300 fois (aujourd’hui dans les musées du monde entier), alimentent depuis toujours les bassins du Domaine National de Saint-Cloud. Leurs digues présentaient, depuis plusieurs années, des fragilités et nécessitaient d’être consolidées afin de prévenir une rupture en cas de submersion, bien que ces étangs n’aient, en l’espace de 300 ans, jamais débordé.

C’est en 2019 que le CMN, à la demande de la Préfecture des Hauts-de-Seine, décide d’entreprendre des travaux d’une toute autre ampleur, au prétexte d’un danger de « crue tricentenale » : à la consolidation nécessaire et suffisante des digues s’ajoutait désormais la création de deux déversoirs de 26 mètres de large. Ces constructions ont nécessité l’abattage de 32 arbres sur le site, dont 7 appartenant à la majestueuse rangée de tilleuls peinte par Corot, ouvrant une vue sur les bâtiments des années soixante du domaine de la Ronce…

Sites & Monuments a voté contre ce projet à la commission départementale des sites d’avril 2019 à laquelle la maire de Ville-d’Avray n’était pas représentée. Une pétition, notamment soutenue Stéphane Bern, rassemblant près de 4000 signatures, a demandé l’étude de solutions alternatives présentées par des ingénieurs spécialistes en hydrologie. Sans résultat. Selon le président du CMN, pressé par « préfet et ministres », le chantier a été « mené à bride abattue » (Le Journal de Arts, 26 mai 2021).

L’arrêt actuel du chantier pour une durée indéterminée risque de se prolonger car la surverse de 14m3 d’eau par seconde, permise par la construction de chaque déversoir, ne pourra être absorbée par les installations situées en aval. En effet, le ru traversant le domaine de la Ronce - dont la capacité peut être estimée à ce jour à 1m3 d’eau par seconde - est sous-dimensionné, tout comme l’aqueduc en grande partie souterrain, aujourd’hui fragilisé et fissuré - dont la capacité est inférieure à 0,1 m3 d’eau par seconde - sans possibilité d’augmentation ! Une étude des dispositifs situés en aval des étangs était d’autant plus simple à réaliser que ces deux ouvrages sont également la propriété du ministère de la Culture.

Par ailleurs, dans un courrier du 12 janvier 2021 (jour de l’abattage des tilleuls sur la digue de l’étang neuf), Madame de Marcillac, maire de Ville-d’Avray et Monsieur Vincent Berton, secrétaire général de la Préfecture des Hauts-de-Seine, reconnaissaient « qu’un vrai problème de sécurité existait du fait du très mauvais état des deux barrages et d’un risque très réel de rupture de ces ouvrages, et non pas en raison de risques de crues hydrologiques qui n’existent pas plus que dans les autres bassins forestiers équivalents du Bassin Parisien. » Le Centre des Monuments Nationaux précisait, par ailleurs, dans sa communication (brochures et panneaux d’information), que, « pour préserver le paysage du site, le CMN a opté pour la création de parois d’étanchéité, construites dans le corps du barrage, une technologie qui permet de sauvegarder à la fois les barrages et la quasi-totalité des arbres qui s’y trouvent ». Un simple confortement des digues, avec conservation des arbres, était par conséquent techniquement possible et la création de déversoirs inutile. Elle a d’ailleurs été réalisée en même temps que les travaux des déversoirs !

Ainsi, le tronçonnage administratif du chantier, l’absence de toute étude aval comme de recueil des consentements des propriétaires concernés, ont conduit à une situation absurde : des arbres d’un site classé ont été coupés sans réelle utilité, y compris à terme, pour la sécurité des riverains et d’une école.

La construction de ces déversoirs crée même un risque qui n’existait pas. Ceux-ci forment en effet des brèches artificielles empêchant les digues de jouer leur rôle de rétention d’eau lors des crues, un rôle qu’elles ont parfaitement joué depuis 300 ans. D’autant que la réalisation du premier déversoir, entre les deux étangs, accroît aujourd’hui la pression sur les digues de l’étang aval.

Par ailleurs, si l’étang neuf n’est pas remis en eau dans les meilleurs délais, le saccage écologique déjà constaté va s’aggraver, avec d’importantes conséquences pour la biodiversité et un dépérissement des arbres dont le milieu a été modifié.

Le patrimoine naturel et pittoresque des étangs Corot est d’ores-et-déjà détruit par ce chantier bâclé, sans assurer pour autant la sécurité des riverains !

Contact presse : Hélène Seychal, déléguée adjointe des Hauts-de-Seine - helene.seychal@sitesetmonuments.org, 0684540195