Communiqué : Journée des dupes à la Butte-Rouge : démolir d’abord pour "classer" ensuite

Petit immeuble édifié entre 1931 et 1932 (1ère tranche de la cité-jardin) voué à la démolition dans l’"îlot test" des Escaliers (repère F). Il sera remplacé par 3 immeubles en R+4 et R+5. Les arbres actuels n’y survivront pas.

Le 25 mars, la création d’un site patrimonial remarquable (SPR) a été votée par le Conseil municipal de Châtenay-Malabry.

Le maire a enfin accepté, conformément au souhait de nombreux citoyens, associations et experts, l’établissement d’une zone de protection, mais ne s’engage ni sur son périmètre ni sur son plan de gestion.

Plan des différentes tranches de construction de la cité-jardin

Un indice de sa teneur est cependant donné, lors du même Conseil, par la signature d’un « protocole » relatif à des « îlots test ». Il applique à 20 bâtiments les dispositions du plan local d’urbanisme (PLU) récemment modifié avec le concours de la Direction régionale des Affaires Culturelles (DRAC) (voir ici).

PLU modifié, "plan de zonage détaillé" mis en œuvre par les trois "îlots test"

Parmi eux, 14 seront démolis, 3 subiront une « rénovation lourde » et 3 une « réhabilitation sous protection patrimoniale forte » consistant à les épaissir et à les surélever ! Curieux « tests » que ces démolitions avant protection, donc sans réversibilité possible… Il révèle un taux de démolition de 70%, les rares bâtiments conservés étant profondément dénaturés, y compris ceux appartenant aux premières tranches de construction de la cité-jardin. Il confirme ainsi le chiffre donné par les associations d’une démolition de 80% du bâti de la Butte Rouge, entrainant l’abattage des arbres proches des constructions.

Ainsi, sur les 8 immeubles construits lors des 2 premières tranches de travaux de la cité-jardin (1931-1939), 5 seront démolis (E, F, G, H) (le R+2 laissant la place à du R+4 ou 5), les 3 bâtiments épargnés (C, D) étant épaissis, surélevés (passant de R+2 à R+4) et modifiés en façade. Sur les 10 immeubles appartenant à l’« ensemble urbain remarquable du plateau » (3e tranche de 1948-1950), 7 seront démolis (I, K) et 3 feront l’objet d’une « rénovation lourde » (J) consistant à les plaquer d’une nouvelle façade en les surélevant (passant de R+2 à R+4 ou 5). Enfin, les 2 immeubles appartenant à la 5e tranche de 1955 seront intégralement détruits (A, B).

Plan des 3 "îlots test " avec indication des démolitions, reconstructions, rénovations et réhabilitations

Instrumentalisant le "site patrimonial remarquable", protection d’État qu’elle vide de son sens, la municipalité réalise son projet de banalisation urbaine. La protection promise est réduite au statut de simple label avalisant purement et simplement un PLU destructeur.

Ainsi, le « protocole opérationnel » liant l’Etat, représenté par le préfet, le bailleur Hauts de Bièvre Habitat, la Ville de Châtenay-Malabry, l’Etablissement Public Territorial Vallée Sud Grand Paris et le Conseil Départemental des Hauts-de-Seine est sans ambiguïté. Un chapitre intitulé « Point de départ : le projet préfiguré par la modification du PLU » prévoit, après avoir évoqué la « création d’un site patrimonial remarquable pour la Cité Jardin », que « les éléments de projet préfigurés par la modification du PLU constituent un point de départ validé par les partenaires. » (p. 2/11)... Le protocole précise en outre que « les îlots test sont engagés sans attendre l’approbation du site patrimonial remarquable  » (p. 5/11). Il indique également que l’instauration du périmètre de SPR, puis l’élaboration de son Plan de Valorisation de l’Architecture et du Patrimoine, « sont menés sous la maîtrise d’ouvrage de la Ville […], avec un accompagnement de la DRAC ». Sur le fond, il est précisé que « l’élaboration du SPR, au travers du présent protocole, doit être le reflet de la prise en compte des multiples enjeux du projet et de la volonté partagée de tous les partenaires à considérer l’urgence sociale de la rénovation.  » (p. 8/11). Le SPR ne sera donc que la consécration du PLU, d’ailleurs modifié avec le concours actif de la DRAC...

Que cette administration déconcentrée, faisant fi des déclarations de la ministre de la Culture, cautionne un tel projet, en dégradant un instrument étatique de protection du patrimoine, laisse pantois. La DRAC Ile-de-France serait-elle devenue plus puissante que son ministère de tutelle et le département des Hauts-de-Seine, ami des promoteurs, plus fort que l’État ?

Julien Lacaze, président de Sites & Monuments

Consulter le protocole opérationnel État - collectivités

Pour en savoir plus

  • Ilot test "les pépittes"
    PLU modifié, extrait du "plan de zonage détaillé" (repères A, B, C, D, E)
    Repère A (1955), avec indication des démolitions
    Repère B (1955), avec indication des démolitions
    Repère C (1935-1939), avec indication des démolitions et surélévations
    Repère D (1935-1939), avec indication des démolitions et surélévations
    Repère E (1931-1932), avec indication des démolitions. Il s’agit d’ouvrir, par une "percée visuelle", la cité-jardin sur l’urbanisation récente visible au second plan.
  • Ilot test "les escaliers"
    PLU modifié, extrait du "plan de zonage détaillé" (repères F, G, H)
    Repère F (1931-1932), avec indication des démolitions. 2 immeubles en R+4 et R+5 doivent être construits à toute proximité.
    Repère G (1931-1932), avec indication des démolitions. 3 immeubles en R+4 et R+5 doivent être construits à toute proximité.
    Repère H (1931-1932), avec indication des démolitions et reconstructions. A droite, type d’urbanisation appelé à s’étendre.
    Repère H’ (1931-1932), vues aériennes avant et après coupe des arbres et première densification (à droite).
  • Ilot test "les closes"
    PLU modifié, extrait du "plan de zonage détaillé" (repères I, J, K)
    Repère I (1948-1950), avec indication des démolitions et reconstructions. L’arbre visible devra être abattu.
    Repère J (1948-1950), avec indication des démolitions, reconstructions et surélévations. Les arbres visibles devront probablement être abattus.
    Repère K (1948-1950), avec indication des démolitions et reconstructions. A droite, type d’urbanisation appelé à s’étendre.