Demande de protection de la façade en céramique du Café Verlingue

L’ancien Hôtel de la Gare - Café Verlingue de nos jours.

L’ancien Hôtel de la Gare et café Verlingue, témoin de l’architecture vernaculaire boulonnaise de la seconde moitié du XIXème siècle, est situé dans la commune d’Hesdigneul-lès-Boulogne [1], dans le département du Pas-de-Calais. Environné d’une végétation dense et de belles villas de la même époque, il marque l’entrée du centre-bourg et présente une façade principale remarquable avec ses carreaux de céramique bleu azur et ses éléments architecturaux typiques.

Cadastre 1813. Archives départementales du Pas-de-Calais.
Vue aérienne de 1947 © www.geoportail.gouv.fr

Sa position à proximité de la voie ferrée lui donne une belle visibilité renforcée par la linéarité de sa couverture [2] et par l’éclat de sa façade principale. Celle-ci, orientée sud-ouest, est exposée au soleil toute la journée et constitue l’unique exemplaire d’une façade intégralement couverte de carreaux dans le Boulonnais, et dont les frises et décors présentent des motifs rares.

Détails de la façade principale © Jean-Michel Périn, 2002 + Inventaire général, ADAGP - Base Mérimée
Faïence de Desvres sur la façade du café Verlingue © Nord-escapade.com
Faïence de Desvres sur la façade du café Verlingue © Nord-escapade.com

Signée par un carreau « Fourmaintraux-Courquins » [3], elle témoigne de l’importance de la fabrication des carreaux émaillés de Desvres au XIXème siècle.

L’ancien hôtel-café incarne bien plus qu’une simple recherche esthétique. Au-delà de cette décoration, il témoigne d’une véritable ingéniosité architecturale et paysagère, conçue dans une vision à long terme. En effet, de multiples éléments finement travaillés , intégrés à sa structure n’ont pas uniquement un caractère esthétique, mais aussi fonctionnel car ils contribuent à la préservation et à la durabilité de l’édifice. C’est ainsi que l’on découvre sur ce bâtiment des éléments caractéristiques [4] de l’architecture traditionnelle boulonnaise, sublimés par une qualité esthétique exceptionnelle [5], attestant du mariage réussi entre l’aspect pratique et l’expression artistique.

Le café et les autres bâtiments (les villas, l’ancienne maison du garde-barrière et l’ancienne gare susmentionnées) n’ont pas connu de modifications majeures (destruction, percement, agrandissement, etc.) au long du XXème siècle et sont longtemps restés inchangés, constituant une sorte de musée à ciel ouvert [6].

L’état actuel de la façade principale ne permet plus d’apprécier son aspect originel. L’usure, le manque d’entretien et des restaurations inadaptées ont abouti à une dégradation avancée. Divers maux fragilisent petit à petit le bâtiment et causent la disparition lente mais visible de l’habillage en carreaux de céramique [7]. Les seuls travaux de réfection engagés ont consisté à remplir les cratères par du mortier de ciment, accélérant la dégradation [8]. Les pièces décollées n’ont pas été récupérées et les modifications nécessaires au découpage prévu en cinq lots vont encore détériorer la façade d’origine. D’autres changements regrettables opérés au fil du temps sont à noter : disparition des volets en bois ; remplacement d’une lucarne boulonnaise typique par une lucarne rampante ; disparition de deux conduits de cheminée ; remplacement des menuiseries traditionnelles en bois à deux vantaux et huit carreaux par des menuiseries standards de type PVC ; remplacement des pannes traditionnelles vernissées par des tuiles mécaniques aux deux extrémités de la couverture.

Détails de la façade principale © www.nord-escapade.com

Appel à la préservation

Malgré l’état actuel des bâtiments, beaucoup d’éléments des décors d’origine sont encore présents. C’est pourquoi Sites & Monuments a récemment déposé une demande de classement au titre des monuments historiques auprès de la Direction régionale des affaires culturelles (DRAC) des Hauts-de-France. Un classement permettrait d’éviter que l’édifice ne soit ruiné, ou qu’une dégradation trop avancée de cette façade exceptionnelle n’aboutisse à une démolition-rénovation. Il est essentiel d’agir rapidement afin de préserver ce témoignage de la production de carreaux de faïence de Desvres ainsi que de sa qualité technique et esthétique. Cette protection espérée pourrait ouvrir la voie à celle d’autres édifices représentatifs de l’architecture traditionnelle du Boulonnais.

Façade principale avec les volets en bois, la lucarne, les conduits de cheminée et les menuiseries traditionnelles
© Jean-Michel Périn, 2002 + Inventaire général, ADAGP - Base Mérimée

Yaëlle Desmartins , base documentaire de François Cadiou

Notes

[1La commune d’Hesdigneul-lès-Boulogne (62360) se trouve dans le parc naturel régional (PNR) des Caps et Marais d’Opale qui s’étend du littoral boulonnais jusqu’aux marais audomarois et offre des paysages côtiers et marécageux. La région Hauts-de-France comporte cinq PNR.

[2Le bâtiment mesure sept mètres de hauteur et vingt-cinq mètres de longueur.

[3Située dans la région de Boulogne-sur-Mer, la manufacture Fourmaintraux-Courquin était une entreprise familiale active au XIXème siècle et célèbre pour sa production de carreaux en faïence émaillée. Sa production est souvent dénommée « faïence de Desvres » appellation qui englobe l’ensemble des productions des manufactures de Desvres.

[4Un soubassement maçonné en briques ou en pierre, étanche pour protéger les façades des remontées capillaires, des enduits de finition à base de chaux et de sables pour protéger la brique ou la pierre des infiltrations d’eau, des toitures à deux fortes pentes en réponse aux pluies fréquentes, des corniches en bas de pente pour éloigner l’eau loin des façades, des ouvertures plus hautes que larges pour laisser le soleil pénétrer au plus profond des espaces intérieurs, des ouvertures nombreuses sur les façades où le soleil est le plus présent...

[5Des pannes traditionnelles en terre cuite vernissée, des tuiles faitières vernissées, des lucarnes boulonnaises en pierre de taille (pierre de Marquise), des corniches sculptées et des encadrements de fenêtre en pierre de taille, un habillage complet de la façade en carreaux de céramique signés Fourmaintraux-Courquin.

[6La façade secondaire, côté cour, qui souffre aujourd’hui d’un manque d’entretien, n’a pas bénéficié d’un traitement aussi soigné que la principale. On note par exemple outre le bardage et l’isolation thermique par l’extérieur, des briques apparentes et un enduit de ciment. On peut cependant repérer quelques éléments intéressants : la base de l’élévation est construite en maçonnerie de pierres locales, grès de Baincthun et calcaire de Marquise, et le haut de la façade est maçonné en briques.

[7On remarque actuellement : des carreaux cassés laissant apparaître la terre cuite, des carreaux cassés recouverts de ciment, des carreaux tombés et remplacés par du ciment, une infiltration d’eau par le dessus car les corniches sont fissurées, une infiltration d’eau au niveau de la jonction entre les encadrements et la céramique, de nombreuses traces de percements dans les carreaux là où les enseignes étaient fixées et au niveau des câbles électriques et des zones de fragilité au niveau des linteaux abîmés.

[8Les carreaux de terre cuite étant à l’origine directement appliqués sur une colle qui est très certainement un enduit de chaux.