Destruction du mur du parc de chasse du château de Versailles et défrichement de la forêt de Marly

Le château de Versailles était doté, dans le prolongement de ses Jardins et de son Petit Parc (également menacé. Voir ici), d’un parc de chasse aujourd’hui parfaitement documenté par les travaux de Vincent Maroteaux (Illustration 1).

Illustration 1 : ENCEINTES DES JARDINS, PETIT PARC (ACTUEL GRAND PARC) ET PARC DE CHASSE DE VERSAILLES ENTRE 1714 et 1789. La situation du mur détruit, séparant en 1700 les domaines de Versailles et de Marly, est indiquée en rouge. Vincent Maroteaux, Versailles le roi et son domaine, Picard, 2000, p. 124.

De très rares vestiges de cette enceinte de chasse de 6700 hectares demeurent aujourd’hui dans le paysage (Illustration 2), souvent au sein du site classé de la plaine de Versailles.

Illustration 2 : Carte des vestiges du parc de Chasse de Versailles. Les fragments conservés du mur sont désignés par un trait plus large (entouré en rouge pour le mur détruit en 2012). La porte de la Tuillerie est numérotée 61. Carte des « Amis du Grand Parc de Versailles », 2006

C’est le plus important fragment de l’ancienne enceinte qui a été détruit cette année (Illustrations 3, 4 et 5), opération nommée pudiquement « démontage » (voir ici).

Illustration 3 : Mur édifié en 1700 en cours de "démontage" et départementale 307 avant élargissement. Photo Ève Marie.
Illustration 4 : Déblais du mur et forêt domaniale de Marly défrichée. Photo Ève Marie.
Illustration 5 : Pelleteuse au repos. Photo Ève Marie.

Ce mur, construit en 1700, était mitoyen des domaines de Versailles et de Marly, à proximité immédiate de l’ancienne porte de la Tuillerie (anc. orth.), l’une des six conservées de l’ancien parc (Illustration 6).

Illustration 6 : Ancienne porte de la Tuilerie. Ce pavillon, construit vers 1683, est situé à 300 m au nord du mur détruit, dans la forêt de Marly. Il témoigne du tracé primitif de l’enceinte lorsque les parcs de Versailles et de Marly étaient unis (entre 1683 et 1700).

Un projet d’élargissement de la D 307, à quelques mètres de la limite septentrionale du site classé de la plaine de Versailles et dans le périmètre de protection de la porte de la Tuillerie (ISMH), est venu à bout de cet intéressant vestige. Si le contournement de Saint-Nom-La-Bretèche était effectivement souhaitable, l’élargissement de son débouché longeant le mur historique, afin d’évacuer plus rapidement le flux automobile, ne l’était nullement (Illustration 7).

En admettant même qu’il le fût, pourquoi ne pas avoir mis à contribution les jardins des maisons longeant le golf de Saint-Nom-La-Bretèche ? Il était sans doute plus simple d’empiéter sur l’une des forêts les plus célèbres de France en détruisant son mur historique qui, restauré, aurait protégé utilement les promeneurs du bruit des automobiles.

Illustration 7 : Localisation des travaux réalisés. On note, sur la gauche, le contournement de Saint-Nom-La-Bretèche, qui n’est pas en cause, puis, sur la droite, l’élargissement de la D 307 conduisant à la destruction du mur (entouré en rouge). Le coût total de ces travaux s’élève à 26 millions d’euros. Source : mairie de Saint-Nom.

La mobilisation d’Yvelines Environnement, association reconnue d’utilité publique, membre de la SPPEF, n’a pas suffi à empêcher cette atteinte au patrimoine national. Nous reproduisons ici un article, riche en enseignements, consacré par Le Parisien à cette affaire :
« […] « On détruit le patrimoine pour faire passer les voitures, déplore Patrick Menon de l’association Yvelines Environnement. C’est un scandale. » L’homme regrette la décision de l’architecte des Bâtiments de France et celle des Amis du grand parc [de Versailles] qui ont donné leur accord. « Nous comprenons l’émotion des associations, mais il nous a été promis que le mur serait en partie conservé », répond Yves Périllon des Amis du grand parc. La mairie de Saint-Nom-la Bretèche évoque le mauvais état du mur. « Les pierres étaient envahies par la végétation et le mur était à moitié effondré », explique la maire (UMP), Manuelle Wajsblat. Le conseil général, chargé de la construction de la déviation, conforte cette explication. « Les meilleures pierres ont été sélectionnées afin de reconstruire un mur à l’entrée de la commune pour garder la trace de l’enceinte historique. »  » (voir ici).

On le constate, les domaines nationaux sont aujourd’hui, plus que jamais, des réserves foncières. Soulignons que le domaine national de Marly est également menacé, à l’occasion de la révision du PLU de Louveciennes, par l’urbanisation de terrains anciennement baillés puis vainement cédés par l’État à la société Bull pour remédier à sa déconfiture (plaine de Villevert au sein des murs du domaine de Louis XIV). A quand une véritable protection de nos domaines nationaux ? Faut-il encore attendre ?

Julien Lacaze, vice-président de la SPPEF, son délégué pour le département des Yvelines