Entre Loire et Allier, les monuments historiques et les paysages vont-ils être pollués par un trio d’éoliennes géantes ?

Localisation géographique du projet de parc éolien
Schéma d’implantation des éoliennes. Source Nordex

La région Nivernaise est composée d’une alternance de vallées, de plateaux bocagers, de bois et de bosquets qui entourent des villages à forte valeur patrimoniale éclairant de leur beauté verdoyante et reposante le territoire dénommé « Entre Loire et Allier », classé Natura 2000. C’est pourtant là qu’en 2013, la Société Nordex installe un premier mât d’éolienne de 80 mètres puis projette, en octobre 2017, la construction de quatre aérogénérateurs, sur les communes de Langeron (trois) et de Saint Pierre le Moûtier (un).

Unités paysagères de la région nivernaise avec la localisation du parc éolien en projet

Les collectivités et organismes locaux se mobilisent contre ce projet et lancent une pétition qui recueille 1450 signatures. Annexe n°3. La première enquête réalisée conduit à un avis défavorable du Conseil National de la Protection de la Nature le 19 février 2018 et de la Direction Régionale des Affaires Culturelles le 19 septembre 2018. Un commissaire enquêteur est nommé par la préfecture de la Nièvre. Il rend un avis négatif en date du 18 janvier 2019, Annexe n°1. Il en est de même pour la Commission Départementale de la Nature, des Paysages et des Sites (CDNPS) en avril 2019 Annexe n°3. Ces conclusions conduisent la préfecture de la Nièvre à refuser l’implantation du parc éolien « Les portes du Nivernais », par arrêté en date du 22 mai 2019. Annexe 2.

Extrait annexe n°2. Arrêté Préfectoral du 22.05.2019

Le 22 novembre 2019, la Société Nordex France dépose un recours devant la Cour administrative d’appel de Lyon Annexe n°4 et obtient l’autorisation de poursuivre l’installation en renonçant toutefois à l’aérogénérateur E4 sur la commune de Langeron. Mais il reste trois éoliennes d’une puissance unitaire allant jusqu’à 3MW avec des rotors de 131 m de diamètre et des hauteurs en bout de pale variant de 165 m à 180 m.

L’étude du projet de parc éolien « les portes du Nivernais » de la société Nordex révèle de nombreuses co-visibilités avec les édifices remarquables de la région. Soulignons que, si les monuments historiques bénéficient d’un périmètre de protection, généralement égal à 500 mètres, cette distance est beaucoup trop faible au regard de la hauteur actuelle des aérogénérateurs. Sites & Monuments réclame depuis longtemps un avis conforme, c’est-à-dire contraignant, de l’architecte des bâtiments de France (ABF) dans un rayon de 10 000 mètres en cas de co-visibilité avec un monument protégé.

Sites remarquables en covisibilité avec le parc éolien. Le cercle pointillé représente un rayon de 10 km centré sur le parc éolien

Le Château de Villars, ses terres et son domaine, inscrits à l’inventaire des Monuments Historiques depuis 1951 renforcé en 2015 par un nouvel arrêté étendant très largement la protection à l’ensemble du domaine est situé à 1700 m des éoliennes et ses terres à 1300 m.

Le château de Villars et son domaine, inscrits à l’inventaire des MH en 1951 et 2015

Amarré au milieu des prairies depuis le XIVème siècle, ce château fort "de plaine" dore ses pierres à toutes les heures du jour, sans obstacle qui le cacherait aux regards. Plus d’hommes d’armes, plus de bruits de guerre, même si pendant la seconde guerre mondiale, le lieu fut occupé par les troupes allemandes.

Le Château XVIIIème ou Pavillon à l’italienne, vu du vieux château.

C’est dans les années 1860 que Charles de Bouillé, agriculteur précurseur, commande un projet de parc sur l’ensemble du domaine, et s’adresse à Paul de Lavenne, Comte de Choulot, paysagiste réputé.

Choulot, comme il l’explique dans sa "Nouvelle Méthode", utilise l’existant pour élaborer son aménagement, et recomposer l’avenue actuelle qui compte une soixantaine de platanes, sur une longueur de 300 mètres.

Le manoir de Villars.

Non loin de là, une autre demeure où il fait bon vivre : le manoir de Villars, se trouverait elle aussi directement à l’ombre des éoliennes…

L’église romane de Mars-sur-Allier. Édifiée sur une légère butte, dans un paysage bocager, survolé par les cigognes, cette petite église romane du XIIème siècle, est typique de cette partie de la Nièvre. Cet environnement paisible, contribue à mettre en valeur ce petit joyau près de laquelle, se trouvent plusieurs maisons anciennes, certaines de la Renaissance, et un peu plus loin, l’ancienne « Chastellenie” de Châteauneuf-sur-Allier.

L’église romane de Mars-sur-Allier est inscrite au MH depuis 1886
Statuaire de l’église de Mars

Le Château de Meauce, cet édifice rond du XIème siècle très rare en France a été sauvé de la destruction par ses nouveaux propriétaires. Le chantier de restauration débuté en 2017 est toujours en cours. Sa charpente, sa toiture et une partie de l’enduit de la cour intérieure ont été terminés en 2020. D’autres travaux sont menés au sein des bâtiments. En 1923 une partie du château est classé "Monument historique", les communs et les treize hectares du site le sont depuis 2017.

Vue aérienne du château de Meauce et de l’Allier

De la terrasse du Château, on domine les bancs de sable de l’Allier, les grèves, les boqueteaux, et le spectacle toujours aussi prenant du ballet des grues cendrées lors des migrations. La zone au pied du château est classée MH mais aussi Zone Natura 2000.

Les grues cendrées en avril 2020 sur sur le site naturel du Bec de l’Allier 

Enfin il faut également mentionner qu’une campagne de fouilles archéologiques menées par les archéologues de Bibracte, a permis de découvrir un ensemble de 34 maisons remontant à la fin de la préhistoire, ainsi que des villas gallo-romaines, ce qui constitue un site unique de l’évolution de l’habitat.

Le château de Meauce, inhabité depuis 1850, avant restauration
Le château de Meauce, en 2020, après restauration de sa toiture. Classé MH en 2017

Découvrir le château de Meauce ici

Le Château d’Apremont  : Surplombant fièrement l’Allier, le château d’Apremont-sur-Allier, son village et ses jardins composent un remarquable ensemble. C’est le seul village du Cher labellisé "Plus beaux Village de France", accueillant plus de 150 000 touristes chaque année.

Découvrir Apremont et son parc floral ici

Le village d’Apremont, labellisé "plus beau village de France", au pied de son château.

Les écuries de ce château de grande envergure abritent une collection de calèches du XIXème siècle.
Enfin, dans les jardins du Parc Floral, sont disséminés des édifices architecturaux comme on les concevait aux siècles précédents : pont, cascade et surtout un belvédère offrant une vue plongeante sur le paysage.

Le château d’Apremont-sur-Allier, inscrit au titre de Monuments Historiques en 1989

Outre ces monuments emblématiques le territoire entre Loire et Allier a su conserver tout un petit patrimoine bâti vernaculaire.

Le moulin des Éventées

Unique vestige de l’activité des meuniers sur la commune de Saint Pierre le Moûtier, ce moulin fut soigneusement restauré il y a quelques années grâce à l’énergie et au désir de sauvegarde des membres de l’Association Patrimoine Nivernais Bourbonnais.

Lors des Journées du Patrimoine, des visites du moulin sont proposées au public. Son mécanisme si ingénieux nous montre combien ceux qui nous ont précédés savaient utiliser les matériaux dont ils disposaient et pratiquaient, un mode de vie écologique, tout en assurant, de façon mesurée, une énergie non polluante pour le paysage et la nature en général.

Pour en savoir plus sur le Moulin des Éventées

Ancien moulin à vent agricole

Ces moulins anciens, meuniers ou agricoles, n’avaient pas la démesure des éoliennes. Les aérogénérateurs proposés par Nordex sont hauts de 180 m, soit 30 fois plus hauts que les éoliennes agricoles, nombreuses dans la région, destinées à l’abreuvement des bêtes mais qui ne "culminent" qu’à 6 mètres au maximum.

Aérogénérateur de 180 m ; mât de 115 m et rotor de 131 m.

Pour représenter l’aérogénérateur de l’image ci-contre à l’échelle de la photo ci-dessus, il nous aurait fallu la hauteur de 10 pages pleines (en-têtes et pieds de page compris). Le diamètre des pylônes, sur leurs blocs de béton, n’a pas non plus la légèreté que sous entend une image à si petite échelle proposée par Nordex dans le dossier d’enquête publique ...

Enfin, il faut mentionner qu’un des itinéraires du Chemin vers Saint-Jacques de Compostelle passe par ce territoire… au pied des éoliennes en projet !

Le chemin de Saint Jacques de Compostel
Slides Nordex

Les bords de l’Allier abritent de très nombreux migrateurs (oiseaux et chauve souris) protégés pour nombre d’espèces, qui hivernent sur place ou empruntent le couloir migratoire du Bec d’Allier. Plus de 8.000 grues cendrées ont été comptées en novembre 2018 et des centaines de milliers transitent quotidiennement à l’automne et au printemps de chaque année. Proche des zones Naturelles d’intérêt écologique, faunistique et floristique (ZNIEFF), cette région compte également des espèces rares et protégées dont Nordex propose le « déplacement ».

Le "Bec d’Allier" - confluence de la Loire et de l’Allier. Image Champ Libre 2017.

Découvrir le Bec d’Allier ici
Pour préserver ce paysage exceptionnel, encore intact, et arrêter ce projet destructeur, l’Association Vent Debout en Nivernais et Sites & Monuments-SPPEF devons soutenir juridiquement la défense que présentera l’État contre le recours de Nordex, en se portant intervenants volontaires (Vent Debout en Nivernais et co-requérants) devant la cour administrative d’appel de Lyon.

Nous avons besoin de vous

Pierre Olivier Laveau - Président de l’association Vent debout en Nivernais.
pierroli58@orange.fr - 06 81 77 96 38

AUTRES CONTACTS POSSIBLES :

Lise et Bernard Saint-Arroman - bsainta@gmail.com - 06 84 56 65 06 
Claude Delbet - claude.delbet@gmail.com - 06 61 93 48 08 

Annexe n°1. Rapport du Commissaire enquêteur
Annexe n°2. Arrêté de la Préfecture de la Nièvre en date du 24 mai 2019
Annexe n° 3 ICPE-Par éolien "Portes du Nivernais"
Annexe n°4 : Demande de dérogation argumentée de Nordex France
Annexe n°5 Statuts de Vent Debout en Nivernais de 2015, actuellement en attente de révision (de forme) des articles 2 et 11 par l’assemblée générale retardée en raison du confinement lié au coronavirus.