Dans le quartier du Lac, situé dans le nord de la métropole bordelaise, se trouve le parc des expositions, construit au début des années 70. Son immense Hall 1, inauguré en 1969, est notamment connu pour sa frise, à l’époque la plus grande d’Europe. Conçu par les architectes Jean Dubuisson (Grand Prix de Rome en 1945) et Francisque Perrier, ce bâtiment emblématique est aujourd’hui menacé de démolition.
En effet, Bordeaux-Métropole a présenté, fin 2024, un projet de transformation et de mutation visant à faire renaître l’ensemble du quartier. Dans ce cadre, il est envisagé de démolir le Hall 1 pour reconstruire un nouveau bâtiment plus loin des berges du lac qui seraient réaménagées en un lieu de promenade.
Mais c’est compter sans les fervents défenseurs de ce Hall 1, réunis au sein du collectif « Les Amis du Hall Perrier/Dubuisson », qui sont très mobilisés pour empêcher cette destruction.
Le collectif bénéficie du soutien de la Société archéologique de Bordeaux, l’association Sites & Monuments et Docomomo France
Une concertation sans ouverture
Bordeaux-Métropole a lancé une concertation sur l’avenir du Parc des expositions, ouverte depuis le 28 avril et qui se terminera le 18 juillet. C’est donc l’occasion de donner son avis sur la frise et le bâtiment.
Suite à la « montée au créneau » du collectif, cette concertation empêchera peut-être la démolition qui n’interviendra que lorsque le nouveau parc des expositions sera construit, permettant ainsi de ne pas interrompre les activités. Mais pourquoi faire une concertation si le seul scénario proposé est la reconstruction ? Cherchez l’erreur.
Le Hall 1 et sa frise
Composé de quatre halls principaux, le parc des expositions couvre un espace total de près de 85 000 m² – dont 50 000 m² pour le seul Hall 1 - qui accueille chaque année une soixantaine d’évènements - salons, foires, congrès, compétitions sportives, concerts - et près de 500 000 visiteurs.

La reconstruction du Hall 1 dans un autre lieu ne convainc pas ses défenseurs. En effet, son emplacement actuel offre un point de vue magnifique, même depuis la rocade, sur la gigantesque frise ornant l’entièreté de la façade, longue de 847 mètres. Créée par Paul Claudel, la frise est composée de plaques émaillées sur lesquelles sont dessinées des figures géométriques noires et blanches. Comme l’écrit l’architecte bordelais Jean de Giacinto : « Le bâtiment du parc des expositions est une œuvre emblématique des années 70 et de l’urbanisation du quartier Nord de la métropole bordelaise construit avec le paysage et le miroir d’eau du lac. Il crée une mise en scène urbaine unique dans la métropole bordelaise ».

La déplacer romprait donc cette magie. Et la conserver n’empêche nullement d’aménager l’accès aux berges !
La déconstruction du Hall 1 : loin des yeux, loin du cœur
Le collectif « Les Amis du Hall Perrier/Dubuisson » n’est pas opposé à la redynamisation du quartier de Bordeaux-Lac mais considère que la démolition-reconstruction du Hall 1 est incompréhensible, d’un point de vue écologique, économique, esthétique et patrimonial.
Selon Bordeaux-Métropole, « Le Hall 1, construit en 1969, montre aujourd’hui ses limites par sa conception datée avec de multiples poteaux dans le bâtiment ou encore des performances énergétiques dépassées. Son état immobilier est dégradé contraignant l’exploitation du site ». Toujours selon la métropole, le bâtiment présentait, dès le début, des défaillances ayant engendré des dégradations qui se sont accentuées au fil des années. Entre la vétusté, les problèmes structurels et les infiltrations, elle a conclu que la rénovation était beaucoup trop coûteuse ; entre 75 et 150 millions d’euros selon le journal Sud-Ouest. Et puis, le projet, forcément écoresponsable, englobe la construction d’un nouveau parc des expositions, d’hôtels, de bureaux, de restaurants, de zones de loisirs et d’un parking.
Les membres du collectif rappellent qu’à l’instar de nombreuses collectivités, Bordeaux et sa métropole sont confrontés à des contraintes budgétaires et écologiques. Or, et cela a été démontré, rénover un bâti est beaucoup moins onéreux que démolir et reconstruire. Dans cette perspective, il serait plus pertinent de procéder à des travaux de rénovation et d’isolation.
Par ailleurs, le collectif note que la structure n’est pas en mauvais état et que les dégradations du bâti, soulevées par la métropole, sont réparables, notamment la couverture et l’étanchéité. Des panneaux de la façade ont d’ailleurs été consolidés et, comme il le souligne, les réparer est donc faisable et peu onéreux. Pour le collectif, la métropole doit, pour justifier la démolition, apporter la preuve que le bâtiment présente un réel danger ou risque de s’effondrer. Dans cette perspective, il demande d’avoir les chiffres et les conclusions des expertises entreprises par la métropole, sans résultat jusqu’à présent.
Il propose également que « ses » experts, dont un spécialiste de charpente métallique, puissent procéder à un examen du bâtiment et chiffrer le montant des réparations.
Enfin, la proposition de conserver uniquement la frise suscite l’incompréhension. Il rappelle qu’elle est partie intégrante de l’ensemble architectural du Hall 1. Et puis, la frise risque d’être abimée lors du démontage et de voir son avenir s’assombrir. En effet, que deviendrait cette œuvre ainsi détachée ?
Le collectif ne comprend donc pas ce projet qui propose de démolir un élément patrimonial pour le remplacer par un bâtiment neuf qui ne souffrira pas la comparaison.
L’architecture des années 70 : je t’aime moi non plus
La dégradation du bâti et le coût trop élevé d’une rénovation sont des arguments trop souvent avancés pour justifier la démolition d’un élément patrimonial. Et lorsqu’il s’agit d’un bâtiment des années 70, la qualité architecturale est parfois remise en question. Or, l’appréciation esthétique et artistique ne peut pas être un critère déterminant dans la prise de décision d’une démolition. Quoi qu’on puisse penser de certains édifices de cette période, cette architecture, empreinte de modernité, est un témoignage d’une époque, celle des Trente Glorieuses, et fait partie de notre patrimoine. Effacer c’est faire disparaître et donc ne plus pouvoir transmettre.
Défendre le Hall 1 ne signifie nullement vivre dans le passé et refuser catégoriquement de nouvelles constructions. Le Hall 1 est un patrimoine du XXe siècle, qui mérite d’être conservé.
Yves Simone, Claude Laroche, Jean Laveissière - Collectif « Les Amis du Hall Perrier/Dubuisson »
Isabelle Richir - Sites & Monuments