L’enceinte classée du château d’Aubiry sacrifiée à l’évènementiel

Le château d’Aubiry et son mur de clôture classés. Photo N. Esturgie / FTV.

Le Domaine d’Aubiry, à Ceret, est un élément patrimonial très important et remarquable du département des Pyrénées-Orientales, tant sur le plan historique qu’artistique. Le château a été construit pour Justin Bardou-Job, riche industriel du papier à cigarette « Job », de 1893 à 1904. Il s’agit d’une demeure fastueuse magistralement implantée dans le paysage, aux abords de Céret. Son architecte est un danois installé à Perpignan, Viggo Dorph-Petersen, qui y a fait toute sa carrière entre 1890 et 1930. Ce château est environné d’un parc créé de toutes pièces et de serres métalliques remarquables.

Sans être l’auteur du parc ni des serres, l’architecte Petersen est, d’après la documentation disponible, celui des « murs de clôture, avec la grille et les trois portails, la maison du jardinier ainsi que sa clôture, les deux bassins et l’escalier monumental, le bassin de natation ». Les serres datent de 1907, et l’on peut dater le parc de la même époque. L’ensemble de ces réalisations sont exceptionnelles et c’est donc à juste titre que le parc lui-même - avec ses murs de clôture -, les serres et le château, ont été inscrits au titre des Monuments historiques par arrêté de M. le Préfet de région en date du 19 janvier 2006.

A la fin du mois d’avril 2022, c’est une autre très importante partie du haut mur de clôture située plus en amont, surmonté d’une balustrade et lui aussi inscrit au titre des Monuments historiques qui était à son tour démolie. Aucune des deux interventions ici rapportées n’était accompagnée du moindre affichage réglementaire concernant ces travaux. Ceux-ci intervenaient alors que la mairie de Ceret était devenue, depuis au moins six mois, locataire du parc (dont la propriété reste à la société Ré, propriétaire du domaine) et avait entrepris des travaux en vue de son ouverture au public, avenue le 16 avril dernier.

Haut mur de clôture du château démoli sur 5 mètres. Photo ASPAHR.

Cependant, dès le 3 décembre 2021, la société Ré avait déposé un permis de construire concernant la démolition totale du mur de clôture, à remplacer par une clôture métallique non précisée, ceci dans le contexte évident de l’organisation des « Déferlantes » qui doivent prendre place sur les terrains voisins au début du mois de juillet. Est-il prudent d’ouvrir le parc historique protégé sur un espace où vont se regrouper durant plusieurs soirées des dizaines de milliers de personnes ?

A l’occasion, de ces premières destructions, d’autres constatations ont pu être faites : une serre-tunnel a été installée, sans permis de construire, dans le parc, pour abriter la collection d’agrumes, et un transformateur électrique, installé sur une plate-forme bétonnée, a été lui aussi construit et raccordé sans autorisation. L’ASPAHR s’est émue de cette situation et a demandé, en s’adressant au maire et au sous-préfet de Céret (lettres du 14 avril 2022, dont copies ci-jointes), que ces travaux illégaux ne soient pas poursuivis. Tous travaux sur un Monument historique inscrit doivent faire l’objet d’un permis de construire délivré avec l’accord du préfet de Région — en l’occurrence de la Direction régionale des Affaires culturelle (DRAC) - (article 421-16 du code de l’urbanisme).

En suivant l’affichage administratif de la mairie, l’ASPAHR a pu constater, d’autre part, que le transformateur électrique a fait l’objet d’un rejet de déclaration préalable en date du $$ , rejet logique puisque de tels travaux ne sont pas soumis à déclaration, mais à permis de construire délivré avec l’accord de la DRAC. En outre, cette décision de rejet mentionnait un avis défavorable de l’Architecte des Bâtiments de France. Il est donc clair que ce transformateur est illégal et a été installé sans permis.

Mur et grille de clôture démolis. Photo ASPAHR.

L’ASPAHR a, ensuite, vu afficher deux autres demandes de permis de construire datées du 12 avril et du 26 avril 2022, l’une reprenant celle du 3 décembre. Jusqu’à plus ample informé, ces demandes sont toujours en cours d’instruction. Le délai maximum légal d’instruction de ces demandes est de six mois. Entre-temps, une décision du 3 mai prise par M. le maire de Ceret a refusé la demande de permis du 3 décembre. L’ASPAHR remarque que cette décision du 3 mai intervient le dernier jour du délai de six mois qui, expiré, aurait accordé à cette demande un permis tacite.

Le 25 mai 2022, des membres de notre association ont pu constater de visu :
 que le mur de clôture du parc, constitué d’un bahut en maçonnerie d’une hauteur de 2 m, couvert d’un chaperon en pierre et surmonté d’une grille en fer forgé d’environ 1 m de haut (celle-ci déjà enlevée début avril 2022) a été entièrement démoli, sur la longueur significative de 40 mètres ;
 qu’une autre partie du mur de clôture a été démolie sur une largeur d’environ cinq mètres dans une partie où ce mur a une grande élévation en maçonnerie (six à huit mètres) et se trouvait surmontée d’une balustrade en pierre, elle aussi démolie.

Ces travaux ne sont accompagnés d’aucun affichage réglementaire des autorisations correspondantes. L’ASPAHR a par ailleurs constaté qu’aucune décision de permis de construire les concernant n’a été affichée à la mairie. Ces travaux ne sont donc pas légalement autorisés. En outre, ces travaux se sont attaqués sans ménagement à une partie significative d’un monument historique protégé, dont ils ont détruit l’intégrité et l’aspect et dispersé les matériaux. L’ASPAHR considère que leurs auteurs se sont rendus coupables de dégradation d’un monument historique, délit prévu et réprimé par l’article 322-3-1 du code pénal.

L’ASPAHR a porté ces faits à la connaissance de monsieur le Procureur de la République, avec demande de remise en état des lieux.

Fabricio Cardenas, président de l’association pour la sauvegarde du patrimoine artistique et historique roussillonnais (ASPAHR)

Lettre adressée par l’ASPAHR au procureur de la République
Lettre adressée par l’ASPAHR au maire de Céret