La Barben : L’affaire Rocher Mistral. Faux semblants et vrais enjeux

Le château de La Barben © Didier Rykner

Le 13 février 2024 le tribunal correctionnel d’Aix-en-Provence a condamné en première instance la SAS Rocher Mistral (qui a bénéficié de plus de 6 millions d’euros d’argent public) et son président, Vianney-Marie Audemard d’Alançon, pour plusieurs travaux effectués au château de La Barben malgré les refus signifiés par les services compétents de l’État. Les prévenus ont été condamnés à des amendes avec sursis – 70 000 euros pour la SAS Rocher Mistral et 20 000 euros pour son président –, à remettre en état les lieux incriminés dans un délai de 9 mois et à verser 1 000 et 2 000 euros de dommages et intérêts à France nature et environnement et à la commune de La Barben.

Depuis le verdict, Vianney-Marie Audemard d’Alançon a annoncé son intention de faire appel et se répand dans les médias où il a colonnes et micros ouverts (CNEWS, BFM, Le Figaro, Le Journal du dimanche, Entreprendre, Valeurs actuelles, le Salon beige, Famille chrétienne, Boulevard Voltaire etc.) pour se plaindre de son sort et de celui de sa société. Affirmant son incompréhension face à un tel jugement, il se déclare victime d’un complot politique « d’extrême gauche » orchestré par des « lobbys externes », les services de l’État chargés d’instruire ses demandes (DRAC, ABF etc.), le maire de La Barben, une partie de la presse, les associations et les riverains du château de La Barben. Cette « fine équipe » aurait cherché à empêcher ce « chevalier du patrimoine » à mener à bien son « projet de culture populaire » composé de spectacles « faits maison ». Pas moins.

L’ancien potager, transformé en champ de foire, qui doit être remis en l’état. © Didier Rykner

Cette posture victimaire et complotiste est de l’enfumage médiatique. Elle vise à masquer les vrais responsabilités et à minimiser la gravité des infractions commises. Elle cherche aussi, implicitement, à essayer d’impressionner les pouvoirs publics. Soyons clairs : ce n’est pas parce que vous avez le désir d’entreprendre, que votre projet est légitime. Ce n’est pas parce que vous déposez un permis, qu’il est systématiquement accordé. On ne peut pas faire tout et n’importe quoi n’importe où. On ne peut pas davantage chercher à instrumentaliser les discours actuels sur la simplification administrative, pour essayer d’obtenir une dérégulation débridée au profit d’un seul. Tous les citoyens l’expérimentent chaque jour dans leur vie quotidienne. Il y a des lois et ces lois doivent être les mêmes pour tous, même lorsque l’on dispose de puissants soutiens financiers (Montagne, Dassault, Deniau, Dréau, Nouzarède) et médiatiques. La situation aurait été tout autre si, en entrepreneur avisé, Vianney-Marie Audemard d’Alançon, avait conçu, comme les anciens propriétaires du château de La Barben, un projet adapté aux exigences des lieux, respectueux du village et des habitants qui vivent sur ce territoire, vrais victimes de cette affaire.

Les cris d’orfraie poussés par Vianney-Marie Audemard d’Alançon dans les colonnes et les micros de médias complaisants qui ne prennent même pas la peine de vérifier ses propos, notamment les chiffres avancés sur l’emploi et la fréquentation, ne doivent tromper personne : il est le seul responsable de ce qui lui arrive. C’est lui qui a conçu un projet incompatible avec les exigences urbanistiques, environnementales et patrimoniales destinées à protéger cet écrin remarquable et à permettre sa transmission aux générations futures. C’est lui qui a décidé, et revendiqué à plusieurs reprises, de recruter du personnel et d’engager les travaux avant même d’avoir obtenu les autorisations nécessaires des services de l’État. C’est encore lui qui a poursuivi ses recrutements et ses travaux alors même que les réponses des services de l’État étaient négatives, au risque de mettre en danger son projet et ses employés.

Vianney-Marie Audemard d’Alançon a sciemment cherché à forcer la loi. Des plaintes ont été déposées. La procureure de la République a décidé de le poursuivre. Il a été condamné en première instance. So what ? Récemment, un premier ministre, pas vraiment d’extrême gauche, a déclaré à la tribune du Parlement : « Tu casses, tu répares ! Tu salis, tu nettoies ! Tu défies l’autorité, on t’apprend à la respecter ! ». Nous y sommes !

Xavier Daumalin, correspondant de Sites & Monuments pour le pays salonais

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