Le 8 février 2008, la ville d’Orléans, capitale régionale, seul chef lieu historique de la région Centre, se dote d’une ZPPAUP. Ce document protège, par son zonage, le patrimoine urbain du centre historique de la ville.
Néanmoins, en juin 2010, la ville décide d’aligner, c’est-à-dire de démolir, sous le motif principal d’étroitesse, l’un des cotés de l’artère principale de l’Orléans médiévale, la rue des Carmes. La municipalité faisait ainsi revivre un urbanisme que l’on croyait mort depuis les années 60, concernant, qui plus est, une rue ayant échappé aux destructions de la seconde guerre mondiale. Celle-ci a depuis pourtant été ouverte au tramway et rendue piétonnière...
Ce projet est inclus dans un périmètre beaucoup plus vaste de la Zone d’aménagement concerté (ZAC) Carmes-Madeleine, intéressant la reconversion de l’hôpital Madeleine, ZAC devant se conformer aux dispositions de la ZPPAUP.
Le 13 avril 2012, après une première enquête défavorable, suivie d’une seconde, et bien que deux tiers des personnes se soient à nouveau prononcés contre l’alignement et pour la restauration patrimoniale, malgré la servitude protégeant la rue créée par la ZPPAUP, malgré l’avis favorable de la CRPS du 19 novembre 2011 à l’inscription au titre des monuments historiques de deux immeubles placés sur l’alignement, le préfet du Loiret déclare l’utilité publique (DUP) du projet.
Le 11 juin 2012, la SPPEF, associée aux habitants et commerçants de la rue des Carmes, dépose un recours contre cette déclaration d’utilité publique auprès du Tribunal administratif d’Orléans.
Indifférente, la ville d’Orléans dépose le 13 juillet 2012 le permis de démolir de l’ensemble des 17 maisons sur rue (une trentaine de bâtiments au total avec les parcelles attenantes en fond de cour) constituant le versant sud de la rue des Carmes. Souhaitant empêcher ces destructions, la Ministre de la culture pose, le 18 juillet 2012, une instance de classement sur l’ensemble des maisons, au vu de leur intérêt d’ensemble, protection dont l’effet ne pouvait excéder une année.
Il appartenait au préfet d’alors de retirer, comme il en avait le pouvoir, l’arrêté préfectoral portant déclaration d’utilité publique du projet d’alignement en raison de son incompatibilité avec l’application du règlement de la ZPPAUP, au moins en ce qui concerne l’alignement de la rue des Carmes...
Le 18 mars 2013, près d’un an et demi après que la CRPS l’eût proposé, le préfet de région signe enfin les arrêtés d’inscription au titre des monuments historiques des 45 et 59-61 de la rue des Carmes. Leur protection est désormais définitive.
Le 16 avril 2013, l’ABF, se fondant sur le règlement de la ZPPAUP, donnait un avis défavorable aux permis de démolir des maisons, jusque là suspendus par l’instance de classement. Le lendemain, la ville annonçait le retrait des permis.
Aujourd’hui, la conservation des deux immeubles inscrits en totalité au titre des monuments historiques en mars 2013, ainsi que l’application du règlement de la ZPPAUP, rendent l’alignement de la rue des Carmes caduc.
Pourtant, depuis la déclaration d’utilité publique d’avril 2012, moteur des expropriations, les procédures d’acquisition n’ont cessé d’avancer. Au cœur de l’été 2013, les habitants et commerçants ont reçu leur avis d’expropriation.
Si aucune action n’est entreprise d’ici fin août, tous les habitants et commerçants, y compris les propriétaires des deux monuments historiques, seront expulsés de la rue des Carmes par le juge des expropriations qui a été saisi par la SEMDO, mandataire de la ville. Le juge des expropriations a déjà effectué une visite des lieux le 14 novembre 2013 qui doit, très prochainement, prononcer les indemnisations définitives (le jugement aurait dû être rendu mi-mai 2014).
Sans occupants, qui assurera notamment l’entretien des bâtiments ?
Aujourd’hui, devant ces actes juridiques divergents, seule une abrogation partielle de la DUP permettrait d’harmoniser les positions de l’Etat.
C’est cette voie qui semble recommandée, dans une branche connexe du dossier, par le Conseil d’Etat. Celui-ci vient en effet d’exiger, le 11 juin 2014, que soit examinée l’erreur manifeste d’appréciation qui découlerait de la constitution d’une ZAC ayant notamment pour objet de détruire des bâtiments protégés par une ZPPAUP et au titre des monuments historiques.
Pour la partie touchant à la rue des Carmes, la ZAC et les DUP qui en découlent doivent être au plus tôt abrogées pour cause d’illégalité : incompatibilité des destructions, motivant l’expropriation, avec le règlement de la ZPPAUP et les protections au titre des Monuments Historiques obtenues.
Le projet de ZAC de 5,5 hectares sur le site de l’hôpital Madeleine, plus à l’ouest de la rue des Carmes, peut en effet parfaitement se réaliser en conservant et en réhabilitant le patrimoine bâti de la rue des Carmes et en maintenant les habitants et commerçants qui veulent rester.
Aujourd’hui, le seul objectif de la ville semble être de racheter des bâtiments,
de les vider de leurs habitants et de fermer les commerces, au nord comme au sud. La rue ressemble maintenant bien plus à un ghetto qu’à la rue commerçante qu’elle était. Ce vieux projet d’alignement de la rue des Carmes n’en finit pas d’être toxique pour tout le quartier. Il y a urgence à agir.
Conjointement à la décision du Conseil d’Etat, nous attendons l’annulation partielle de la DUP pour ne pas annuler en totalité la ZAC Carmes-Madeleine et pour permettre la restauration de la rue des Carmes (sur deux ans) : un projet qui encourage rapidement le commerce et favorise l’animation de la rue !
Les habitants et commerçants de la rue des Carmes