Rien ne sert de perfectionner le droit du patrimoine s’il devient impossible de s’en prévaloir.
Or, le droit de saisir la justice d’une nuisance au paysage ou au bâti historique a, en l’espace de seulement sept ans, subi trois atteintes d’une particulière gravité :
– Uneloi du 13 juillet 2006 a, tout d’abord, exigé qu’une association contestant une démolition ou une construction dépose ses statuts avant l’affichage du permis correspondant en mairie. Or, on ne voit pas pourquoi une association souhaitant s’opposer à un projet immobilier, qu’il n’était pas nécessairement possible d’anticiper, serait privée du droit d’ester en justice !
– Uneordonnance du 18 juillet 2013exige aujourd’hui que les particuliers invoquent une atteinte « directe » à leur bien pour saisir la justice, ce qui, en durcissant une jurisprudence déjà sévère, laisse bien peu de place à leur participation à la défense du patrimoine. L’ordonnance facilite, en outre, la régularisation des permis invalides et, mesure intimidante pour tous, menace les auteurs de recours abusifs de lourds dommages et intérêts.
– Enfin, un décret du 1er octobre 2013 a supprimé, pendant 5 ans, dans la plupart des communes à forts enjeux patrimoniaux, la possibilité de faire appel d’un permis de démolir ou de construire.
Si la SPPEF s’associe à la lutte que le Gouvernement entend mener contre les associations ou les particuliers qui extorquent de l’argent aux promoteurs immobiliers sous des motifs fallacieux, elle considère que la défense du patrimoine ne doit pas en pâtir.
Ainsi, si les nouveaux articles L. 600-1-3, L. 600-7 et L. 600-8 du Code de l’urbanisme sont pleinement justifiés pour répondre à cet objectif, la SPPEF demande l’abrogation des articles L. 600-1-1, L. 600-1-2 et L. 600-5-1 nouveaux du Code de l’urbanisme qui limitent ou empêchent l’action en justice des associations et des particuliers amis du patrimoine.
La SPPEF demande aussi le rétablissement de l’appel, notamment en matière de permis de démolir ou de construire (abrogation de l’article R. 811-1-1 du Code de justice administrative). Il est, en effet, anormal que des décisions d’une telle importance, susceptibles de marquer à jamais les villes et les paysages, ne soient pas soumises à cette garantie fondamentale de bonne justice.
La SPPEF entend enfin souligner qu’aucune de ces mesures n’a fait l’objet d’une concertation avec les associations de protection du patrimoine et demande au Gouvernement de bien vouloir infléchir sa méthode.
Pour plus d’information sur ce dossier, voir l’article publié par la Tribune de l’Art en collaboration avec la SPPEF.