
Nous venons d’assister, en termes de désinformation et de propagande mensongère, à un épisode qui pourrait être cité dans les annales tant elles se sont propagées rapidement et aurait pu réussir si nous n’avions pas bataillé ferme pour les dévoiler.
Rappelons les faits : la CNPA, commission en charge de conseiller le ministre, notamment sur les travaux concernant les monuments historiques, s’est exprimée à deux reprises à propos du remplacement des vitraux de Notre-Dame. En juillet 2024, pour s’y opposer à l’unanimité (voir l’article), et en juin 2025, pour rappeler cette opposition, prendre acte de la décision de la ministre de passer outre son opposition, et préciser ce qui devrait être fait a minima, si le projet devait aboutir (voir l’article).
L’avis de la commission étant consultatif (même si, en général, le ministre s’y conforme), rien n’obligeait à mentir sur le résultat.
Mais le projet étant si massivement rejeté, par le grand public qui a signé (et qui continue à signer) la pétition que nous avons lancée en décembre 2023, par les professionnels du patrimoine, et par la plupart des fonctionnaires du ministère (forcés au silence par le devoir de réserve, mais qui nous adressent régulièrement leurs témoignages), il est difficile pour la ministre d’accepter un projet qui lui est en réalité dicté par le président de la République et qui fait tache dans un bilan patrimonial par ailleurs plutôt bon (voir l’article).
Il restait donc à tromper, volontairement, les médias, afin de faire croire à un accord de la CNPA qui aurait « donné son feu vert » comme on l’a lu un peu partout dans la presse.
Il s’agissait bien, comme nous l’ont confirmé certains de nos confrères, d’une volonté délibérée de fausser la vérité. Interrogé par eux, le ministère leur répondait en effet que la commission avait finalement approuvé le projet. Cela était d’ailleurs écrit noir sur blanc dans la première dépêche AFP, suivant un article du Figaro, et ensuite repris de manière quasiment unanime par tous les journaux.
Nous avons écrit un premier article pour rétablir les faits, qui se basait sur nos contacts au sein de la commission et sur l’avis de celle-ci tel qu’il avait été diffusé. Puis, nous avons décidé d’interroger ses membres ayant participé à la séance (sauf les fonctionnaires représentant l’État soumis au devoir de réserve) et de leur proposer de signer un texte, court et factuel, qui confirmait qu’il n’y avait eu de leur part aucune validation, mais un rappel de leur opposition formalisée l’an dernier. Huit sur dix ont signé (voir ici).
Grâce aux réseaux sociaux, nous avons pu, avec l’association Sites & Monuments, enfoncer le clou, et révéler plus largement ce qui n’est rien d’autre qu’un mensonge d’État, tellement gros qu’il était facile à démontrer.
Devant ces preuves, Telerama a été le premier journal à faire paraître un rectificatif [1], et nous lui en savons gré. L’AFP a depuis publié une autre dépêche : interrogeant à nouveau le ministère, celui-ci a bien été obligé, cette fois, de reconnaître que la CNPA n’avait pas validé le projet, mais seulement pris acte de la volonté de poursuivre. BFMTV, qui avait été elle-même abusée, a publié cette dernière dépêche. Il faut espérer que les journaux qui s’étaient trompés de bonne foi publieront à leur tour la véritable version.
Mais l’information n’est pas uniquement que la CNPA n’a pas validé le projet. Elle est que le ministère de la Culture a sciemment cherché à induire la presse en erreur. Ce n’est évidemment pas la première ni la dernière fois qu’un gouvernement agit ainsi. Mais à l’heure où les faits semblent ne plus avoir d’importance, il est crucial de mettre les responsables politiques face à leurs mensonges.
Certains nous demandent : que faire maintenant ? Plusieurs actions sont possibles : d’abord, si vous ne l’avez déjà fait, signez la pétition qui pourrait très rapidement, désormais, atteindre le nombre de 300 000, ce qui est inédit pour un combat patrimonial ; si vous avez signé cette pétition, vous pouvez aussi la diffuser très largement autour de vous et inviter vos amis et connaissances à la signer ; enfin, puisque le combat se poursuivra également sur le plan judiciaire, vous pouvez aider Sites & Monuments à financer, à partir de cette page, les actions qui s’annoncent, en faisant à l’association un don défiscalisé (voir l’article). Nous ne renoncerons pas, et nous aurons raison de ce projet.
Didier Rykner
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