Le nouveau projet éolien de Chârost sature la région Berrichonne

Porte de la ville et les fossés

Historique du projet éolien sur la commune de Chârost

Le projet éolien sur la Commune de Chârost remonte au 20 mars 2018 quand le conseil municipal choisit à la majorité le promoteur allemand Notus pour mener le projet.

Le 12 avril 2018, un comité de pilotage communal (COPIL) pour le développement éolien est créé afin d’assurer le suivi des études et du dossier en général.

Un premier projet est élaboré par le promoteur sur l’est de la commune, vers la ville de Saint-Florent-sur-Cher. Ce projet est ensuite abandonné pour des raisons non divulguées, mais probablement lié a un couloir de radars météorologiques de la ville de Bourges. Notus propose alors d’installer le parc éolien sur un autre emplacement à l’ouest de la commune, au quartier des Cloires, à l’entrée du village en venant d’Issoudun à proximité de la RN151.

Ce nouveau projet de quatre éoliennes est annoncé par voie de tract en juillet 2020. Il est porté par la mairie pour deux raisons : d’une part l’apport d’un gain annuel de 20 000€ pour embellir le village et d’autre part la participation à la limitation du dérèglement climatique de quatre degrés.

Le projet est finalement déposé avec trois éoliennes en novembre 2021 en préfecture du Cher.

Création de l’Association APECCC

Des habitants soucieux de leur cadre de vie réagissent vite et créent, dès le mois d’août 2020, l’association APECCC (association pour la protection de l’environnement et du cadre de vie des Cloires et de Chârost). Une cinquantaine de maisons d’habitation sont situées à une distance de 702-750 mètres des éoliennes, placées en direction des vents dominants.

Réactions du ministère de la Culture

Les éoliennes sont situées à 536 mètres du parc du Domaine des Cloires et à 700 mètres de sa demeure principale ce qui incite les propriétaires des lieux à entreprendre en 2020 une demande de protection au titre des Monuments historiques auprès de la DRAC.

La protection est accordée au mois d’octobre et validée par le préfet de Région le 20 décembre. Le domaine est inscrit au titre des Monuments historiques en totalité (parc, bâti extérieur et intérieurs) le 21 décembre 2020.

Parallèlement, la DRAC Centre Val de Loire met en place une mission d’expertise par un groupe de quatre spécialistes du ministère de la Culture en mai 2021. Le 20 juillet, nous recevons la conclusion de ce rapport rédigée par Jean-Michel Sainsard, expert en matière de parcs et jardins à la direction des patrimoines et de l’architecture.

Le projet de parc éolien

Le parc éolien est implanté en triangle et composé de trois éoliennes de 150 mètres de haut (le modèle précis n’est pas déterminé, il pourrait s’agir de machines plus hautes en cas de réalisation).

Étude d’impact des éoliennes sur les monuments historiques de Chârost.

Le village de Chârost se situe à la limite de l’Indre dans une zone complètement saturée d’éoliennes à 360°.

  • 69 éoliennes dans l’Indre (Saint-Georges sur Arnon, Migny, Sainte Lizaigne, Diou, les Bordes, Paudy, Reuilly) ;
  • 51 éoliennes dans le Cher (Saint-Ambroix, Lazanay, Civray, Mareuil, Plou, Poisieux, Quincy, Cerbois, Lury-sur-Arnon et Limeux.

Le village de Chârost

Le village de Chârost est situé au bord de l’Arnon, voie navigable jusqu’au XVIe siècle, le long de la voie de communication Bourges Châteauroux, et protégée par les collines environnantes.

L’origine du nom, du latin quadrivium signifiant carrefour, Chârost était un lieu naturellement fortifié et sa situation topographique un point de concentration pour les premiers habitants de la région.

L’évolution de Chârost remonte à l’époque romaine : le promontoire qui domine les bords de l’Arnon et sur lequel se dresse encore, défiant les siècles, la vieille citadelle du château, servait de refuge. Ce point stratégique couvrait à la fois Exoldunum (Issoudun) et la grande voie pavée d’Autun à Poitiers passant par Ernotrum (Saint-Ambroix).

La ville devint une cité féodale, place forte lors des conflits entre le haut et le bas Berry, puis chef-lieu de canton à la Révolution. Dès le XIIIe siècle, la ville est entourée de remparts. Elle est bloquée, à l’Est et au Nord, par l’Arnon et ses terrains inondables et, au Sud, par le château.

Par son voisinage, Chârost subit l’influence d’Issoudun dont il dépendait à plusieurs points de vue et dont il était une défense avancée.

Il y avait dans le Berry, cinq grosses tours (Bourges, Issoudun, Dun-le-Roi, Mehun sur Yèvre, Vierzon). La tour de Chârost était une avant-garde de celle d’Issoudun avec laquelle elle communiquait par des signaux, particulièrement par des feux alignés conventionnels.

Le village préserve aujourd’hui les monuments suivants qui seraient tous impactés par les éoliennes :

  • le château renaissance avec sa vielle tour ;
  • l’église Saint-Michel , classée Monument historique en 1910, (les éoliennes ne seront pas en covisibilités fortes, mais en visibilité forte depuis le portail de l’église) ;
  • les murs de la ville ;
  • les portes et les fossés ;
  • la maladrerie ;
  • le domaine des Cloires.
    Le château de Chârost, XIe, XVe et XVIe siècle. Image Wikipédia Commons
    La Maison forte, château féodal.

Le Domaine des Cloires

Ce domaine est le premier Monument historique impacté par les éoliennes. Elles sont implantées à 536 mètres du parc et à 700 mètres de sa maison principale.
Le Domaine des Cloires est inscrit au titre des Monuments historiques en sa totalité depuis 2020 (parc, pré, bois ; la totalité des bâtiments (maison bourgeoise, dite « château », serre, chaufferie, orangerie, kiosque octogonal, embarcadère sur l’Arnon, pont rustique sur le faux vallon, maison de gardiens, vacherie, auvent, petite maison romantique dans le bois…)
Il s’agit, à notre connaissance, du seul parc paysagé privé de François Duvillers ayant été préservé à nos jours.
Les éoliennes sont en totale co-visibilité avec l’orangerie et la serre. Le projet porte gravement atteinte à ce site protégé.
L’étude d’impact du promoteur précise « qu’il n’y a aucun impact », cependant, le ministère de la Culture indique :

« Ce projet éolien, situé au-delà du périmètre de protection du monument historique, n’est pas une simple altération de la vue sur le paysage, mais une incursion très dommageable dans la composition de ce jardin à l’échelle si particulière. Les mises en situation fournies par le propriétaire s’appuyant sur un théorème de Thalès me semblent parfaitement exactes. La présence de ces éoliennes gigantesques détruira l’œuvre et portera atteinte à l’intérêt patrimonial ayant justifié le classement au titre des monuments historiques du Domaine des Cloires.
Cette installation aura également un impact économique sur la valeur du bien, sur l’intérêt touristique et les possibilités de valorisation et dès lors sur sa conservation patrimoniale. (…)
les éoliennes seront visibles de tous les espaces du domaine. (…)
Dans l’intérêt du monument historique, il serait raisonnable d’envisager l’éloignement du projet d’implantation des éoliennes afin que celles-ci ne soient pas visibles du domaine.  »

L’histoire des lieux

Ce domaine s’est construit à l’emplacement d’une ferme, dit « des Cloires » dont le bâti existant date des XVIIIe et XIXe siècles. Claude Cousin, négociant en vin et en vinaigre et son épouse, fille de vigneron l’acquièrent en 1862 et commencent petit à petit à acheter des terrains attenants pour agrandir le domaine et y concevoir un parc.
L’histoire du domaine des Cloires ainsi que les plans détaillés du jardin et de ses plantations sont reproduits dans un un recueil en deux volumes intitulé « Parc et jardins exécutés et élevés par Français Duvillers Chasseloup » datés de 1868 et 1871 et numérisés sur le site de Gallica.

Un rêve de « ferme modèle » dans l’esprit XIXe siècle à l’instar des écrits d’Aglaé Adanson. [1] Un XIXe siècle qui rêve de la vie bourgeoise à la campagne avec une maison confortable, une ferme pour fournir les produits à la famille, un parc avec espèces diverses invitant à l’étude botanique et
aux rêveries.

Les caractéristiques de l’art de Duvillers

Ses jardins nous introduisent dans l’espace de représentation d’un XIXe siècle entre la transformation
d’une société et celle des sciences qui la sous-tendent.
Il est un représentant de la « jardinique » correspondant selon Amédée de Viart (1827) à l’art qui sait combiner toutes les productions de la nature à son imitation et avec le secours de l’architecture et de la sculpture pour en tirer les effets les plus puissants et émouvoir les sens même jusqu’à l’âme. Le but étant de faire jouir complètement d’une partie des avantages et des plaisirs que la nature réserve à l’homme sensible.
Duvillers fait dans son art référence à l’art de la peinture afin d’attirer l’attention sur certains effets qu’il détache habilement sur le fond en imitant le peintre. Il offre une place à la reconnaissance spatiale de l’art de la rêverie et au songe en union avec les éléments de la nature en parfaite correspondance avec la littérature du XIXe siècle. Mais aussi une mentalité pour laquelle le jardin est une source de vertu morale.
Duvillers compose sa description comme une pièce de musique où la végétation choisie à une valeur précise que le simple lecteur non-botaniste a du mal à traduire avec précision en harmonie visuelle et sensorielle. Mais le lecteur est saisi par ses évocations, et ressent sensiblement le timbre recherché.
Il décrit et trace des zones différenciées : aire de repos, kiosque, volière, véranda, ruches, vignes…, et la description du parc paysagiste est faite en termes de plan, sentiers, massifs et vides …

Duvillers compose ses parcs paysagés ou « Paysagistes » d’une manière spécifique :

  • Les tracés sont rigoureux, quasi mathématiques
  • Les massifs et les pelouses sont dessinés en forme de gouttes d’eau étirées
  • La composition ménage clairement vides et pleins
  • Les courbes des allées principales sont d’un seul trait, rarement serpentines
  • Des corbeilles de fleurs et d’arbustes s’étendent le long des allées
  • Les pelouses sont bordées par de légers bombements destinés à cacher les circulations
  • Un élément récurrent des compositions de Duvillers est le "lieu de repos", sorte de cabinet de verdure abrité par les massifs arborés au détour des allées
  • Il construit des fabriques, mais se contente de les mentionner dans les légendes en rejetant l’importance que Boitard accorde à ces édifices
  • Il expose surtout son savoir-faire sur le thème des ponts.
    Le Domaine des Cloires est une illustration point par point de ses principes.

Des travaux colossaux en termes de terrassement ont été effectués aux Cloires :

  • le lieu de repos (emplacement petite maison romantique) est creusé dans le rocher et, « plantés autour, trois marronniers d’Inde à doubles fleurs » (il en existe toujours).
  • le « faux vallon » avec le pont rustique.

Le projet de Duvillers intègre les champs autour du parc comme partie intégrante du projet : il a un intérêt tout particulier pour les parcs agricoles et fruitiers dans leur lien avec la culture et le caractère productif de la terre. Le domaine des Cloires en est une illustration parfaite

  • la plantation entourant le vignoble est décrite : « au bord du chemin onze populus alba nivea , en face les pinus nigra austriaca, etc.
  • les perspectives sur le champ/vignoble sont intégrées dans la réflexion de Duvillers
  • « A la suite du rucher, six Pinus sylvestris ; de l’autre côté de la barrière, douze Pinus Pinea ; le long de la clôture jusqu’à la porte, des arbustes peu élevés afin de conserver la perspective et de protéger les arbres fruitiers. »
    La partie boisée du parc paysagiste est à l’instar de sa partie pelouse un espace voué à la promenade, sa topographie permet d’apprécier les vues sur le vallon, la vallée de l’Arnon et l’horizon.
    La partie du parc boisée des Cloires aboutit à une carrière qui n’appartient pas au domaine aujourd’hui : il est aménagé en prolongation du vallon visible sur le plan, et sa fonction semble vouée à la contemplation et la promenade.
    Le parc boisé est terrassé, et un système de sentiers courbes et massifs en formes de goutte d’eau y figure, à l’instar de l’esthétique et l’aménagement du reste du parc. Un pont rustique est créé sur le vallon, et un sentier démarre en bas de la pelouse, menant au pont pour continuer en ligne droite dans le parc boisé.
    Une belle perspective est ménagée depuis le pont, avec ligne de fuite dans le parc boisé. Ce n’est pas par hasard. Cette ligne se poursuit longuement vers le sud par une allée rectiligne à niveau constant, doublée d’une deuxième en dessous, et reliée périodiquement par des allées transverses en déclivité.
    Plan du parc paysagiste, vinicole, fruitier et potager dépendant des propriétés de Monsieur Cousin en 1868.

    Extrait du recueil en deux volumes intitulé « Parcs et jardins exécutés et élevés par François Duvillers Chasseloup » en 1868 & 1871.

Principaux sites et monuments classés référencés dans l’aire d’étude entre 0 et 15 kilomètres

À moins de deux kilomètres :

  • Domaine des Cloires : grande co-visibilité, Monument historique (en péril)
  • Église de Chârost (impact faible)
  • Château de Chârost, Tour, maison forte, portes (impact faible).

Les impacts indiqués entre parenthèses ci-dessous sont issus de l’étude paysagère du promoteur éolien :
aire d’étude éloignée (à moins de dix kilomètres)

  • Manoir de la Prée à Segry (Indre) classé-9,246 km (impact faible). Fondée par Saint-Bernard en 1128, cette ancienne abbaye cistercienne a aujourd’hui une triple vocation. C’est une maison de vacances des Petits Frères des Pauvres, un lieu d’accueil temporaire et sur l’initiative de l’association « Pour que l’esprit vive », un lieu de résidence et de travail pour les artistes. L’originalité de ce projet et le cadre exceptionnel de cette propriété font vivre un moment inoubliable.
    Abbaye de la Prée à Segry dans l’Indre. © Petits Frères des Pauvres
  • Tour Blanche d’Issoudun, est à 9,183 km (impact faible). La tour blanche d’Issoudun, classée Monument historique en 1840 est l’ancienne tour maîtresse du château, autrefois couronné de hourds, élevée à la fin du XIIe siècle par les Anglais sur une butte artificielle dans le centre-ville de la commune d’Issoudun dans le département de l’Indre.
    La Tour Blanche d’Issoudun du XIIe siècle. Image Issoudun.fr
  • Manoir de Chouday classé – 8,623 km (pas impacté)
  • Église de Saint- Lizaigne, classée – 6,283 km (pas impacté)
  • Couvent de la visitation, Issoudun, Inscrit – 8,483 km (pas impacté)
  • Hôtel Dieu, Issoudun, classé – 9,096 km (pas impacté)
  • Église Issoudun, classée – 9,031 km (pas impacté)
  • Château Saragosse, Limeux, inscrit -9,857 (pas impacté)
  • ChâteauLa ferté à Reuilly, classé – 0,83 km (pas impacté)

Aire d’étude très éloignée (entre 10 et 15 kilomètres)

  • Église Saint Martin Segry, classée – 10,431 (pas impacté)
  • Château saint Florent sur Cher, classé – 10, 712 km (pas impacté)
  • Anciennes usines Saint Florent sur Cher, classées – 11,686 km (pas impacté)
  • Église Reuilly, classée – 11,723 km (pas impacté)
  • Église Saint Laurent de Primelles, classée – 12,286 km (pas impacté)
  • Ancien Château de Paudy, classé – 14,883 km (pas impacté)
  • Château de l’Ormeteau, Reuilly, inscrit – 13,253 km (pas impacté)

Paysages de la Champagne Berrichonne

L’étude « paysagère » du promoteur indique également que les éoliennes sont visibles à plus de 19 kilomètres, dans l’axe visuel de Chârost, à « Ménétréols-sous-Vatan sur la D27.
Les éoliennes seront donc visibles dans la Champagne Berrichonne, même à plus de 19 kilomètres de distance.
Le chemin de Saint-Jacques qui traverse Chârost ne pourra pas non plus apporter la même sérénité aux pèlerins.

Conclusions

Une pétition est en ligne contre ce projet d’implantation dans une région déjà complètement saturée par 120 éoliennes dans un rayon de 12 kilomètres et qui serait très dommageable pour le Domaine des Cloires et les Monument historiques de la région de Chârost.

Marie Louise Koefoed, présidente Association APECCC

Notes

[1Aglaé Adanson est l’auteure de nombreux ouvrages sur le jardinage, l’économie rurale et l’économie domestique, son ouvrage "La maison de campagne", publié en 1822 est réédité régulièrement jusqu’en 1852. Il rencontre un succès important. C’est un bestseller du milieu du XIXe siècle. Aglaé Adanson participe à nourrir ce rêve de vie campagnarde.