Chef-d’œuvre Art déco construit pour l’Exposition universelle de 1937, l’édifice n’a jamais été inscrit ou classé au titre des Monuments historiques, au grand dam d’une association de sauvegarde du patrimoine.
Lors de sa visite de la rétrospective consacrée au peintre Nicolas de Staël, en janvier, Antoine Boulant trouve le Palais de Tokyo (XVIe), qui héberge le musée d’Art moderne de Paris depuis 1961, particulièrement dégradé. « Fuites, eau stagnante sur le parvis, murs décatis, tags… c’était incongru », liste ce bénévole de l’association Paris Historique, engagée pour la sauvegarde du patrimoine parisien. Sans oublier les traces d’usure sur le parvis, temple reconnu du skate.
Antoine Boulant a donc décidé d’adresser une demande à la direction régionale des affaires culturelles (Drac) pour faire protéger le site. Accessible à tout citoyen désireux de protéger un monument, le formulaire en ligne est examiné, au bout de plusieurs mois parfois, par les services de la Drac.
« On se disait sans doute que le monument n’était pas menacé »
Bordant l’avenue du Président-Wilson, le Palais de Tokyo est un des trois édifices permanents résultant de l’Exposition Universelle de 1937, pour laquelle les Palais d’Iéna et de Chaillot furent également construits. Le Palais de Tokyo est néanmoins le seul des trois à ne bénéficier d’aucune protection en tant que Monument historique. « On se disait sans doute que le monument n’était pas menacé », interprète Julien Lacaze, président de l’association Sites et Monuments.
Mais voilà que la détérioration croissante du bâtiment change la donne… Dans les faits, le Palais de Tokyo est protégé par le plan local d’urbanisme (PLU) de la Ville de Paris. Insuffisant, estime Julien Lacaze, selon lequel cette protection « empêche la destruction mais ne protège pas l’intérieur des murs ».
Par ricochet, le Palais de Tokyo est également protégé grâce aux bâtiments classés qui l’entourent, comme le Palais Galliera : toute modification d’un bâtiment, s’il entre dans un périmètre de 500 m autour d’un bâtiment classé, doit être soumis aux architectes des Bâtiments de France. Mais là encore, cela peut s’avérer insuffisant.
Des travaux prévus en 2025
Si le monument Art déco était inscrit, voire classé, au titre des Monuments historiques, alors toute modification se ferait sous l’autorité des architectes desdits Monuments Historiques. Une protection qu’Antoine Boulant juge « utile et opportune » dans un contexte de travaux, prévus sur le Palais à partir de 2025. Un ravalement qui comprendra, entre autres, la rénovation des couvertures en zinc d’origine sur la toiture de 8 000 m2.
Une telle protection permettra également de sanctionner pénalement les auteurs des dégradations ou les installations temporaires illégales, jusqu’à 100 000 euros d’amende et sept ans de prison pour les infractions les plus graves. Les structures installées sur le parvis sont en effet soumises à autorisation lorsqu’elles s’installent pour plus d’un mois sur une surface excédant les 20 m2.
La protection impliquerait notamment de conserver une cohérence esthétique. « On ne pourrait par exemple pas végétaliser le parvis alors que le Palais de Tokyo reflète un univers volontairement minéral, propre à l’Art Déco », explique Julien Lacaze.
Une protection partielle envisagée ?
Consacré à l’art moderne et contemporain depuis sa construction, le Palais de Tokyo abrite en son aile Est le Musée d’Art Moderne de Paris. L’aile Ouest héberge depuis 2002 un centre d’art contemporain, dénommé « Palais de Tokyo ». Avec la plus grande surface d’exposition de la scène contemporaine à l’échelle internationale, le Palais, s’il est classé, sera fortement contraint, notamment à l’intérieur de ses murs. Une éventualité qu’Aurélien Véron (élu Changer Paris) soulignait sur les réseaux sociaux, tout en dénonçant « les dalles (du parvis) abîmées et les terrasses anarchiques dégradant les façades ».
Mais, « si le monument est classé au titre des Monuments historiques, il le sera sans doute partiellement, pour ne pas empêcher ces deux musées », explique Julien Lacaze. Pour lui, la richesse « historique, institutionnelle et architecturale hors norme » du palais justifie ce classement.
« Les services du ministère de la Culture ont pleinement conscience de la nécessité de mieux protéger, sur le plan patrimonial, le Palais de Tokyo », indique de son côté la Drac Île-de-France, qui envisage d’étudier le dossier « en lien avec les différents propriétaires ». Car sur le plan procédural, le classement ne peut avoir lieu que sur avis favorable du propriétaire. Soit, ici, la Ville de Paris. Sollicitée, cette dernière ne nous a pas répondu.
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