Le territoire labellisé « Pays d’Art et d’Histoire » du Jovinien menacé par des projets éoliens

Mise en valeur du territoire : double langage et incohérences d’appréciation

Située au cœur des monts et à proximité des sites historiques du Jovinien, la commune de Béon est aujourd’hui confrontée à un projet éolien dont les conséquences seront désastreuses pour le paysage, les sites et les monuments de la magnifique vallée de l’Yonne.
Cette commune, située en face de la forêt d’Othe, s’inscrit au cœur de la communauté de communes du Jovinien (CCJ) labellisée « Ville ou pays d’Art et d’Histoire » depuis décembre 2020, avec ses 115 monuments historiques, ses 7 sites classés ou inscrits au titre du code de l’environnement ainsi que ses 3 Sites Patrimoniaux Remarquables, dont celui de Joigny situé à 7 km.

« On intègre un réseau (Pays d’Art et d’Histoire). Il y a des gens dans ce pays qui choisissent leurs lieux de vacances en fonction de ce label » (Nicolas Soret, président de la CCJ et maire de Joigny à l’Yonne Républicaine le 26/02/2021).

Les éoliennes ont déjà commencé leur déferlement à quelques kilomètres seulement, au grand dam des habitants, avec la réalisation du champ éolien des « Beaux Monts » (sic !) en 2023 sur la commune de Champlay. Ce projet a été autorisé à l’issue d’une longue procédure achevée par une déclaration partisane, péremptoire et sans fondement sérieux du rapporteur public : « Absence de qualité particulière de ces paysages, donc de dégradation patrimoniale… » (arrêt du CE du 18 novembre 2020), en contradiction totale avec les déclarations du 26/02/2021 du maire de Joigny, président de la CCJ, Monsieur Nicolas Soret : « C’est une immense fierté que notre territoire ait été reconnu par ce label exigeant, il nous reconnaît comme territoire digne d’intérêt ». C’est aujourd’hui l’ensemble d’un territoire qui est menacé par la spéculation éolienne, victime au moins en apparence d’incohérences d’appréciation entre les édiles en principe proches du terrain et le Conseil d’État, sinon d’un double langage politicien…

Après Béon, puis La Celle-Saint-Cyr, c’est le tour des communes de l’Aillantais où l’on parle déjà d’une trentaine d’éoliennes supplémentaires qui achèveront de porter une atteinte irrémédiable aux communautés de communes de Joigny, de Migennes et de l’Aillantais.

L’encerclement de la ville de Joigny et le saccage orchestré du Jovinien par la spéculation éolienne

Parmi les principaux lieux qui seraient les plus touchés par ce parc industriel de trois éoliennes de 180 à 200 m de hauteur, figurent plusieurs églises dont celle de Béon perchée sur la colline lui faisant face, ainsi que le château du Feÿ, monument inscrit à l’ISMH en 1973 (candidat retenu au loto du patrimoine 2022), la chapelle de Vauguillain classée Monument historique en 1925, la magnifique église Saint-Jean et toute la partie médiévale de Joigny située sur les hauteurs, la chartreuse de Valprofonde fondée au XIVe siècle, qui se trouverait littéralement écrasée par les aérogénérateurs, sans oublier le célèbre restaurant deux étoiles Michelin et hôtel 5 étoiles « La Côte Saint-Jacques », fleuron du patrimoine gastronomique de la région Bourgogne Franche-Comté, dont la terrasse serait aux « premières loges » !

À cela s’ajoute les conséquences dévastatrices du projet sur le paysage car il se situe dans une vallée où alternent plateaux et parcelles cultivées et boisées, avec des vues dégagées et ouvertes où prédominent les composants naturels, notamment à partir de l’église de Béon. À souligner également, un autre et important motif d’inquiétude : une implantation prévue sur un site dont le sous-sol est de nature caverneuse (karst) avec un réel danger d’effondrement et un risque de pollution des sources d’eau souterraines reliées au réseau des « eaux de Paris ».

Enfin, au-delà de ses nuisances intrinsèques, ce projet pourrait servir de détonateur pour accélérer la réalisation des nombreux dossiers en gestation sur toute la vallée du Vrin, de Joigny à Chassy en passant par l’Aillantais dont les paysages sauvages aux vues lointaines, entre monts et plaines encore vierges de toute industrialisation, se trouveraient gâchés de manière irréversible.

Le saccage vient d’être inauguré avec la mise en service du champ des « Beaux Monts » sur la commune de Champlay : onze aérogénérateurs érigés sur la plaine de Montholon qui affectent déjà significativement le paysage y compris le Jovinien, notamment depuis la Côte d’Othe et ses « cônes de vision remarquables » pourtant signalés dans le SCoT Yonne Nord pour être protégé.

À court ou moyen terme, on dénombre aujourd’hui au moins cinq projets représentant un parc de trente éoliennes géantes supplémentaires sur l’Aillantais, auxquelles s’ajoutent trois éoliennes à La Celle-Saint-Cyr, commune mitoyenne de Béon. Ce serait alors un véritable mitage de tout le territoire, avec un effet d’encerclement et d’écrasement des villages autour d’Aillant-sur-Tholon, au mépris des habitants de ces vallées champêtres dotées d’un patrimoine extrêmement riche attirant encore de nombreux touristes.

Un désastre et un acharnement d’autant plus incompréhensible que cette région est réputée peu ventée !

Souci réel du territoire ou simple chasse aux subventions ?

Alors que le pouvoir accordé aux édiles est l’objet de débats, il est permis de s’interroger sur les motivations de certains, apparemment plus soucieux de cumul de subventions d’où qu’elles viennent que de cohérence de leurs engagements pour la protection et la mise en valeur de la richesse patrimoniale de leur territoire : « Quand on fait une demande de subventions pour intervenir sur le patrimoine, on s’adresse aussi à la DRAC, ça compte pour eux et cela peut nous apporter des subventions majorées » (Nicolas Soret à l’Yonne Républicaine, 26/02/2021).

Les photos suivantes illustrent bien le résultat de cette ambivalence du discours :

Vue de Saint Julien du Sault, site de Vauguillain (chapelle classée MH en 1925) « cône de vision remarquable » à protéger du SCoT Yonne Nord
Et ce n’est qu’un début, 30 éoliennes supplémentaires sont prévues !
Vue de l’église de Béon (photomontage)
Les éoliennes des Beaux Monts vues de Saint Cydroine, église du 11ème siècle classée MH

Un feuilleton à rebondissement

En octobre 2020, sept mois après leur élection, le nouveau conseil municipal et le nouveau maire de Béon organisent une réunion d’information à propos d’un projet de parc éolien dont le promoteur est JPEE. Les habitants découvrent alors avec colère que les baux ont été signés secrètement en août 2017 et manifestent leur mécontentement en votant majoritairement contre, dans le cadre d’une consultation initiée par la mairie.

Malgré cette opposition, le promoteur poursuit le développement de l’opération et présente son étude d’impact dans le cadre d’une commission d’enquête publique qui s’est tenue du 9 avril au 12 mai 2022. 924 avis très argumentés ont été déposés dont 93,6 % contre le projet. Le 19 juin 2022, la commission composée de trois commissaires enquêteurs rendait deux avis : un rapport analysant les doléances reçues et un avis négatif sur le projet. Plusieurs points ont été retenus : le nombre important de retours déposés par la population contre le projet, les effets d’écrasement du village de Béon compte tenu de l’implantation des aérogénérateurs en surplomb et de leurs conséquences sur le paysage.

Le 10 octobre 2022, La CDNPS (commission de protection des sites et des paysages de la préfecture de l’Yonne) émettait un vote négatif sur le projet de JPEE (ce qui se produit assez rarement) et le 29 novembre, le préfet rendait un arrêté négatif, en toute logique.

Pourtant, une requête à l’encontre de la décision préfectorale a été déposée le 30 janvier 2023 par le promoteur auprès de la Cour d’appel administrative de Lyon.

Afin d’être acteur de la protection de l’environnement, VEVEC - l’association de défense des paysages et de la biodiversité du Jovinien et de l’Aillantais - s’est joint à la procédure contre JPEE, en soutien du préfet en faisant appel à un avocat spécialisé, Maître Collet. Sur sa demande, des riverains ont été sollicités afin d’être également parties à la procédure.

Photomontages de l’étude d’impact JPEE, vues du village de Béon, ou comment atténuer artificiellement l’atteinte au paysage et abuser le public
Photomontage « grand angle » (25mm) du promoteur JPEE minimisant l’impact visuel futur des 3 aérogénérateurs
Photomontage vision réelle (42mm) réalisée par un photographe professionnel indépendant

VEVEC (Villes et villages en campagne) : une association combative

Créée en décembre 2020, l’association compte aujourd’hui 700 adhérents motivés et engagés dans la défense de l’intégrité des territoires du Jovinien et de l’Aillantais.
À son actif, plusieurs « combats victorieux » résultant de divers types d’actions :

  • Réunions d’information régulières sur tout le territoire (dont une à Aillant-sur-Tholon en mars dernier qui a réuni plus de 450 personnes !)
  • Création de divers outils de communication (film, affiches, tracts, etc.)
  • Manifestation devant la mairie de Béon (100 participants malgré une chaleur accablante)
  • Mobilisation exceptionnelle des habitants au moment de l’enquête publique
  • Et autres interventions visant à exprimer le refus de la population et à mettre en exergue les nombreuses failles du dossier (lettres au préfet etc.).

Pour sauvegarder le patrimoine bâti et paysager exceptionnel du Jovinien et de l’Aillantais, il est indispensable de contrer ce projet néfaste à tous égards pour ce territoire majeur du département de l’Yonne.
Après la réalisation du champ des « Beaux Monts » au mépris des habitants de nombreuses communes de la CCJ en covisibilité l’acceptation du projet de Béon par un artifice de procédure d’appel, consistant à exclure les associations à l’origine du rejet du projet, serait un encouragement à multiplier les champs d’éoliennes sur un territoire pourtant labellisé pour son engagement - de façade ? - à la mise en valeur de son patrimoine…

Nicolas VINEY, président de l’association VEVEC « Villes et Villages en Campagne »