
Au cœur de la Saône-et-Loire, le projet de parc éolien "La Pierre aux Fées" menace le patrimoine historique, les paysages, la biodiversité et la qualité de vie des riverains !
La "vraie" Pierre aux Fées est un menhir de 6 mètres de haut situé dans l’une des communes devant accueillir ces éoliennes géantes de 247 m, soit la hauteur de la tour Montparnasse (210 m) surélevée de 12 étages ! Le promoteur tente ainsi de placer ses machines dans le sillage de la verticale la plus marquante des alentours (voir ici), comme d’autres se prévalent de la présence historique de moulins, pourtant sans commune mesure avec les aérogénérateurs industriels.
Marigny et Saint-Micaud : deux villages au cœur du département de Saône-et-Loire
Notre coin de campagne se situe précisément tout au nord du bocage charolais, dominé au sud par le Mont-Saint-Vincent, bordé, à l’est, par la vallée de la Guye et les vignobles de la Bourgogne du sud (Buxy, Montagny, Saint Gengoux-le-National) et, au nord-ouest, par les anciens bassins miniers de Montchanin et Montceau-les-Mines. Il est desservi par le canal du Centre, la route Centre-Europe-Atlantique et la Ligne à Grande Vitesse (LGV) Paris-Lyon.
C’est un territoire souvent ignoré des guides touristiques, des « Vaut le détour » et autres « À ne pas manquer ! ».
C’est pourtant un terroir riche d’histoire, avec ses monuments et sites classés, ses collines boisées et prairies bocagères, sa biodiversité particulièrement préservée ; c’est une terre d’accueil, avec ses produits de qualité (viande charolaise), ses gîtes et chambres d’hôtes ; c’est un espace de bien-être et de bien-vivre, avec ses chemins qui sillonnent prairies et forêts, ses élevages et ses paysages dominés par la ligne de partage des eaux Atlantique-Méditerranée, placés sous la garde du bourg médiéval du Mont-Saint-Vincent.
Ce territoire rural et vivant, déjà impacté par la LGV et une ligne électrique à très haute tension, est aujourd’hui menacé par des éoliennes géantes. Ce paysage, nous voulons le sauvegarder et le défendre !
Le projet d’éoliennes gigantesques !
L’été 2021, quelques habitants apprennent fortuitement qu’une étude est en cours en vue de la construction à leur porte d’un parc de trois à cinq éoliennes ; immédiatement, ils fondent l’Association de Sauvegarde de l’Environnement Marigny – Saint-Micaud (ASEM-StM). Rapidement, plus de cent-trente adhérents les rejoignent.
Après les premières réactions de peur et de colère, la riposte s’organise : information, sensibilisation, communication, recherche de soutiens et de partenariats.
Nous rencontrons tous les maires dont les communes seront directement impactées (rayon de six kilomètres). Si quelques-uns ne se prononcent pas, la grande majorité est opposée à ce projet. En particulier, dès 2022, les Conseils municipaux de Marigny et de Saint-Micaud, puis celui de Saint-Eusèbe, s’opposent officiellement à la construction du parc éolien porté par la société SAB EnR.
Nous faisons distribuer par La Poste 3000 prospectus dans les boîtes aux lettres des habitants et nous en distribuons, de la main à la main, sur les marchés et manifestations alentours. Très clairement, les habitants ne veulent pas d’éoliennes industrielles.
Le 15 septembre 2023, le promoteur SAB EnR dépose en préfecture un dossier de demande d’autorisation environnementale (DAE). Alors que nous imaginions de très grandes éoliennes de 200 mètres de hauteur, celles projetées sont encore plus gigantesques, culminant à 247 mètres en bout de pale et un rotor de 162 mètres, soit parmi les plus hautes actuellement construites en France. La raison : la région est peu ventée et très vallonnée : il faut donc chercher en altitude des vents suffisants et réguliers !
Le 29 décembre 2023, le Préfet de Saône-et-Loire ajourne l’examen du dossier et demande d’importants compléments d’informations sur de multiples sujets : maîtrise foncière, préservation de la biodiversité (oiseaux et chauves-souris en particulier) et des paysages, risques pour les zones humides, covisibilité avec les monuments historiques… En conséquence, le Préfet suspend l’examen du dossier de demande d’autorisation environnementale (DAE) pour un an et prolonge ce délai de quatre mois après réception des compléments d’information demandés.
Le 20 décembre 2024, le promoteur SAB EnR dépose en préfecture un dossier complété de demande d’autorisation environnementale.
Fin mars 2025, l’examen du dossier de DAE (1ère étape à franchir pour le promoteur d’un projet éolien industriel) est une nouvelle fois ajourné par la préfecture !
Comme dans la première version, les services de la DREAL reprochent à SAB EnR de ne pas être en mesure d’attester la maîtrise foncière du projet, un manque de précision quant à la cohérence avec le PLUi, l’absence de mesures d’évitement ou de réduction des impacts sur les zones humides, un inventaire approximatif pour l’avifaune et des impacts sous-estimés, une étude d’impact sur les chauves-souris incomplète…
Face à de tels enjeux pour la biodiversité et l’environnement, un nouveau délai d’une année est octroyé au promoteur pour présenter un dossier conforme.
Un patrimoine historique à défendre
Mont-Saint-Vincent, dont le belvédère est classé au titres des Sites depuis 1943, culmine à 603 mètres d’altitude et offre une vue à 360° ; on y observe aussi bien le Mont-Blanc, les Monts du Lyonnais, du Massif-Central et, bien-sûr, le massif du Morvan. Il domine le bocage charolais qui s’étend, au Sud, et la vallée minière et industrielle (Montceau-les-Mines, Montchanin, Le Creusot), au Nord, et, plus loin, regarde le Mont Beuvray et les vestiges de la ville gauloise de Bibracte.
Déjà occupé par les Gaulois avant l’ère chrétienne, de nombreux vestiges et bâtiments subsistent de l’époque médiévale, alors que le Bourg était un important centre défensif : Tour de l’Assommoir, murs cyclopéens, remparts, église prieurale clunisienne du XIIe siècle classée Monument historique en 1913.
À moins de 6 km du parc éolien, l’église de Mont-Saint-Vincent serait dominée de plus de 30 mètres par les pales des éoliennes.
Gourdon, autre balcon du Charolais, fait face au Mont-Saint-Vincent. L’église Notre-Dame de l’Assomption, du XIIe siècle, classée Monument historique en 1900, est remarquable tant du point de vue architectural que sculptural et pictural.

Le Trésor de Gourdon (VIe siècle), découvert en 1845, est visible au cabinet des Médailles de la Bibliothèque nationale de France (rue Richelieu à Paris).
Situé à moins de 6 km du parc éolien, le bourg de Gourdon serait dominé de 180 mètres par les pales des éoliennes.
![]() Menhir de la "Pierre aux Fées" à Saint-Micaud.
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À Saint-Micaud, commune sur laquelle s’érigerait en partie le parc éolien, se dresse l’un des plus beaux menhirs de Bourgogne, dit "la Pierre aux Fées". Haut de 6,35 m et pesant plus de 15 tonnes, il est classé au titre des monuments historiques depuis 1923.
La commune de Saint-Micaud comporte d’autres monuments remarquables : l’église Saint-Pierre (Xe siècle) et le château (XVIIe siècle). À moins de 3 km et en surplomb de 380 mètres, le parc éolien serait parfaitement visible de ces édifices.
Marigny, bourg médiéval directement impacté par le potentiel parc éolien, est dominé par le château, dont l’origine remonte au XIe siècle. La tour-donjon est classée au titre des Monuments historiques en 1996. Le reste du château a été inscrit au titre des Monuments historiques en 1990.
L’église Saint-Symphorien de Marigny est d’époque romane et renferme une belle piéta de 1520.


À 3 km du parc éolien, la covisibilité avec les monuments historiques serait majeure.
Le Puley, déjà présent à l’époque de l’Empire romain, ne s’est développé que tardivement, autour de son prieuré et sous l’influence de Cluny. L’église prieurale Saint-Christophe, abandonnée en 1877 est aujourd’hui en ruine. Le monument est classé au titre des Monument historique depuis 1973. Le Puley est également le lieu de naissance de Maxime Descombin (1909-2003), sculpteur novateur à l’origine du concept de la "sculpture sérielle". Une sculpture, conçue en 1961 et réalisée en 2023, rend hommage à son créateur à l’entrée du village. Distant de 4,5 km du Puley, le parc éolien y serait parfaitement visible.
Dans un rayon de 6 km autour de la zone d’implantation potentielle, de nombreux autres sites et monuments remarquables se dressent, isolément ou au centre des villages : églises romanes du Xe au XIIe siècle à Collonges-en-Charollais, Genouilly, St Laurent d’Andenay, châteaux et demeures de caractère à Montsarin, Baigny, Les Buissons, Le Money, Saint-Eusèbe, Blanzy, lavoirs à Saint-Privé, Le Puley, Collonges en Charolais.
Des paysages harmonieux de collines à préserver
L’ensemble du secteur est constitué de collines aux accents prononcés, qui présentent de vastes paysages remarquables. Si les deux balcons de Mont-Saint-Vincent et Gourdon offrent des vues à plusieurs dizaines de kilomètres, les collines plus basses présentent des alternances de paysages ouverts et variés qui ravissent les visiteurs. La route départementale 164, qui relie Gourdon à Montchanin, est identifiée comme un axe remarquable pour ses paysages, devant être protégé. Cette route se trouve à 2 kilomètres de la ligne d’éoliennes.
Une biodiversité particulièrement riche mise en danger
Au nord du Mont-Saint-Vincent s’étendent principalement des prairies bocagères et des forêts de feuillus, avec des villages et hameaux dispersés, où l’élevage bovin et ovin est l’activité agricole dominante. Un réseau dense de ruisseaux, mares et petits étangs irrigue tout le secteur et cet ensemble de zones humides constitue un habitat protégé pour de nombreuses espèces animales, notamment oiseaux et chauves-souris.
Dans son étude réalisée pour le compte du promoteur, la Ligue de Protection des Oiseaux (LPO) a identifié plusieurs espèces menacées ou vulnérables, avec des enjeux aux éoliennes qualifiés de forts à très forts : Aigle botté, Cigogne noire, Grand-duc d’Europe, Circaète Jean-le-Blanc, Milan royal, …
La LPO prescrit en outre une distance minimale des forêts et lisières de 100 mètres minimum. Or, l’implantation retenue par le promoteur situe trois éoliennes sur quatre à des distances respectives de 22 mètres, 60 mètres et 80 mètres des lisières…
Un cadre et une qualité de vie menacés
Plus de 15 000 habitants vivent dans un rayon de 6 kilomètres de la zone d’implantation potentielle ; quelques centaines résident à moins de 2 kilomètres.
Pour les proches riverains, l’impact sera maximum :
- Nuisances sonores des turbines et phénomène de "woof-woof" des pales, d’autant plus importants que le rotor est démesuré : 162 mètres de diamètre !
- Effets stroboscopiques dus aux reflets du soleil sur les pales ;
- Infrasons perceptibles à plusieurs kilomètres de distance ;
- Nuisances lumineuses, visibles à plusieurs dizaines de kilomètres, illuminant une vaste zone naturelle qui jusqu’à maintenant n’est polluée par aucune lumière artificielle ;
- Perte de valeur importante des biens immobiliers, souvent la seule richesse issue d’une vie de labeur ;
- Sentiment d’oppression face au surplomb des monstres d’acier de 247 mètres de hauteur.
Depuis trois ans que le projet de parc éolien est connu, la vie sociale s’est considérablement dégradée et nombre de relations de voisinage sont profondément altérées. Les tensions sont importantes entre ceux qui comptent bénéficier d’une manne financière inespérée et une majorité qui refuse de sacrifier un cadre de vie pour des bénéfices énergétiques limités qui, de toute façon, ne leur reviendraient pas. Les habitants espèrent encore une ruralité vivante où l’accès aux soins, à la culture et à l’éducation redeviendraient possibles, et échapper au choix entre une campagne transformée en parc de loisir ou un espace disponible à l’artificialisation et aux profits.
Gérard Pradelle, Association de Sauvegarde de l’Environnement Marigny–St-Micaud (ASEM-StM)
