Loi ELAN, le fâcheux amendement du Sénat en faveur des éoliennes sur les îles

Île de Sein (Finistère). Photo DR

Le 18 juillet 2018, le Sénat a voté, contre l’avis du Gouvernement (mais on sait ce qu’il advient de ces oppositions), une dérogation à la loi littoral permettant l’installation d’éoliennes sur les îles alimentées par des groupes électrogènes au fioul (voir les débats ici). Les deux amendements, portés par des sénateurs bretons Michel Canevet (voir ici) et Joël Labbé (voir ici) - qui ont par ailleurs soutenu de bons combats à commencer par celui du rétablissement de l’avis conforme des ABF (voir ici) - ont de quoi alarmer les défenseurs de la loi littoral et les associations du patrimoine.

Tout d’abord, le principe de la dérogation, en soi, a de quoi fâcher. Ensuite, en considérant l’artificialisation des sols nécessaire pour les socles à ferrailler et à bétonner, les chemins d’accès à créer et le local technique pour les accumulateurs dont le volume sera loin d’être négligeable, on est en droit de penser que l’impact environnemental sera important notamment sur l’île de Sein, longue de seulement 2 km, avec une largeur qui varie de 30 à 500 mètres. Rien ne limite en outre, dans l’amendement adopté par le Sénat, ni le nombre, ni surtout la hauteur des éoliennes dérogatoires. 

De plus, on est gêné par les discours irréalistes de ceux qui prônent ce type de développement. Il est illusoire de soutenir, qu’à terme, on pourra couvrir l’intégralité des besoins des îles en électricité par des ressources locales. Au mieux peut-on espérer réduire de 50 % le recours aux diesels, à condition de disposer, en même temps, d’accumulateurs susceptibles de lisser le caractère intermittent de la production éolienne. Les installations éoliennes ne feront donc que s’ajouter à l’installation existante. Aussi, recourir à une dérogation à la loi littoral, pour un résultat qui techniquement et économiquement est si limité, nous paraît abusif. 

Fort heureusement, il existe de multiples dispositifs de protection des sites emblématiques de nos îles bretonnes. Ainsi, l’île de Sein fait partie du Parc Naturel Régional d’Armorique, du Parc Naturel Marin d’Iroise ; c’est une Zone spéciale de conservation pour la chaussée de Sein et la partie terrestre de l’île de Sein, une réserve de biosphère de la mer d’Iroise, une Zone Naturelle d’Intérêt Faunistique et Floristique (ZNIEFF), une Zone d’intervention du Conservatoire du Littoral et des Rivages Lacustres, une zone Natura 2000 ; le phare et les menhirs Les Causeurs sont classés monuments historiques ; ce à quoi il convient d’ajouter la proximité avec la Pointe du Raz, Grand Site de France.

En prétendant autoriser l’installation des éoliennes sur les îles, les sénateurs n’ont sans doute pas pris la mesure des autres garde-fous existants. 

Anne-Marie Robic, déléguée de Sites & Monuments pour le Morbihan