Novembre 2022 : Délégation Hauts-de-France - Amiens : les reconstructions post 1ère et 2ème Guerres Mondiales

Amiens, ville endommagée et partiellement détruite par les guerres en 1918 puis en 1940 et 1944, a su se reconstruire en faisant appel aux plus grands architectes ou urbanistes du mouvement moderne, tels Auguste Perret, Louis Duthoit, Pierre Dufau.

Notre groupe de 20 personnes avec au centre Aurélien André, notre guide
et à gauche Philippe Romain, délégué S&M Oise.

Déambulation à travers la ville accompagnée par Aurélien André, Secrétaire Annuel de la Société des Antiquaires de Picardie, archiviste diocésain.

Nous ne suivrons pas le fil du parcours pédestre (réalisé en partie sous la pluie) mais celui, chronologique, des deux destructions et reconstructions.

Après 1914
Avant 1914, Amiens est une ville médiévale.
Durant la guerre, Amiens, ville de l’arrière, ne connait pas les destructions majeures de Reims ou de Saint-Quentin. Ces dernières seront dues aux bombardements de 1918. La municipalité, avec le soutien de l’État, entreprit dès le début de l’année 1919 la reconstruction des zones sinistrées. Elle va s’opérer grâce à la loi sur les dommages de guerre du 17 avril 1919.
Par le biais d’un concours, un architecte est retenu pour le plan de rénovation urbaine : Louis Duthoit accompagné de son cousin Pierre Ansart. Ils prévoient en particulier une grande place centrale, laquelle ne verra jamais le jour car pour des raisons financières, le projet est revu à la baisse. De fait, aucun véritable plan d’urbanisme [1] n’est mis en œuvre et ce sont des reconstructions « individuelles » qui sont faites.
Nous parcourons la rue principale où plusieurs édifices de la reconstruction se succèdent jusqu’aux Nouvelles Galeries (1931) dont les balcons font penser à ceux du théâtre des Champs-Élysées de Paris [2] ; dans la rue Ernest-Cauvin adjacente, plusieurs immeubles se font face comme un catalogue de l’architecture Art déco.
L’un d’entre eux, un cinéma, affiche une façade « paquebot » qui contraste avec celle de ses voisins.

Ancienne façade du cinéma le Picardy (1936).
Architecte Pierre Herdhebaut.
Immeuble avec bow-window de type
Art-déco (1931).
Architecte Édouard Devillers.

Nous terminerons le parcours avec le conservatoire de Musique et l’école des Beaux-Arts, regroupés sur des parcelles remembrées, dernière œuvre de Louis Duthoit (1931), portant inséré dans la façade deux sculptures de Anne-Marie Roux (1898-1993), « une des grandes femmes sculpteurs du XXe siècle » selon notre guide.

Après 1940
Les bombardements des 18, 19, 20 mai 1940 visent les voies de circulation d’Amiens et détruisent le centre-ville aux deux tiers soit 5000 immeubles sur 115 ha …
Dès septembre 1940 un concours est lancé pour la reconstruction, gagné par un jeune architecte de 32 ans, Pierre Dufau, originaire d’Arras. Inspiré par les grandes places publiques de cette ville, dans son projet de reconstruction, il prévoit la création de sept nouvelles places.

Dès 1942, Auguste Perret conçoit le projet de reconstruction de la gare accompagné d’une place et d’une tour. Mais, faute d’argent et aussi de matériaux, les plans restent dans les cartons.

La tour Perret

Ce n’est qu’en 1949 que la Tour Perret est bâtie. Elle culmine à 104 mètres et avec ce bâtiment Amiens affichait sa « modernité ». Le chantier achevé, on ne sait toujours pas en 1952 à quoi elle va servir. Ce n’est qu’en 1960 qu’elle est rachetée et consacrée à l’habitation avec deux appartements par niveau. Le coût des charges va grever son occupation. Protégée au titre des Monuments historiques en 1975, elle fut pendant quelques années le plus haut gratte-ciel d’Europe.

Nous nous arrêtons place René Goblet devant l’imposant monument en hommage au général Leclerc, picard très apprécié des Amiénois, tous touchés par sa mort en 1947. Un premier projet le montrant en gisant du Moyen-Âge fut refusé par son épouse, « c’est un homme debout et non allongé », il est alors représenté comme un entraîneur d’homme, sa silhouette surgissant du bloc de pierre dans laquelle elle est façonnée (1950)..

Monument au général Leclerc

Dans le souci d’aligner les édifices de la rue principale dans une ville reconstruite aussi pour faciliter le passage des voitures, une opération remarquable fut mise en œuvre en 1956. Elle a consisté à reculer de quelques mètres la magnifique façade du XVIIIème siècle du théâtre construit par l’architecte Rousseau : la façade fut déplacée non pierre par pierre, mais d’un bloc étayée par un coffrage.

Les I.S.A.I, immeubles sans affectation individuelle furent une réalisation emblématique. Non financés sur dommages de guerre, construits sur un ancien terrain militaire, ces bâtiments d’habitation dont le premier sort de terre en 1947, forment un groupe remarquable d’immeubles de taille et d’apparence différentes mais duquel se dégage une véritable unité. Un habitat moderne avec salle de bains et chauffage central mais "sans machine à laver le linge" fera observer Mme veuve Eisenhower, venue visiter ces lieux construits grâce aux subsides du plan Marshall.
Ci-dessous, l’immeuble principal plus haut que ses voisins et qui s’ouvre sur les lointains.

le corps principal des I.S.A.I.

Le jour tombant, nous n’aurons le temps de voir que de loin l’église Saint-Honoré édifiée entre 1957 et 1961 sur les plans de l’architecte Paul Tournon, en forme de tiare pontificale (!), l’une des plus intéressantes réalisations de la Reconstruction selon notre guide …

Église Saint-Honoré d’Amiens. Image Wikipédia. © Alkhimov Maxim

Hugues d’Hautefeuille, délégué S&M de la Somme.

Notes

[1Le mot « urbanisme » date de 1940.

[2Les deux édifices ont été construits par le même architecte, Perret.