Outre les éléments donnés lors de notre interview (ci-dessous), nous tenons à répondre aux arguments de Bernard Arnault. Le pdg du groupe LVMH explique en effet à Paris Match : "Ces associations n’avaient aucune qualité pour juger le travail d’une des plus grandes architectes du monde. Les juges n’étaient pas des spécialistes de l’architecture non plus. Tout ça était assez extravagant. Mais nous avons tenu bon, jamais nous n’avons pensé à renoncer ou à modifier le projet."
C’est oublier que les documents d’urbanisme comportent des dispositions relatives à l’esthétique des villes et, en particulier, à "l’intégration" des constructions nouvelles. Elles s’appliquent en principe à tous, à la première fortune de France comme à un architecte honoré du prix Pritzker.
Comment ignorer que l’article UG.11.1.3 du PLU de Paris - application du fructueux principe "ni pastiche ni rupture" - prévoit que "Les constructions nouvelles doivent s’intégrer au tissu existant, en prenant en compte les particularités morphologiques et typologiques des quartiers (rythmes verticaux, largeurs des parcelles en façade sur voies, reliefs...) ainsi que celles des façades existantes (rythmes, échelles, ornementations, matériaux, couleurs...) et des couvertures (toitures, terrasses, retraits...) [...]" ? Comment ignorer, aussi, que l’objet social de notre association lui donne, depuis maintenant des lustres, intérêt à agir dans ce type de contentieux ? C’est également considérer que les magistrats du Conseil d’Etat, qui a finalement donné raison à LVMH, ne sont pas des juges... Ils comprennent, eux !
Sur le fond, la nouvelle Samaritaine est un mauvais rêve. Au-delà d’un mur-rideau spectaculaire, toute l’indigence du projet apparaît : d’abord accueillir des bureaux (visibles depuis de tristes patios), tout en faisant défiler des touristes à l’imaginaire formaté devant une succession de marques, la véritable vue sur la Seine, reproduite sur écran dans le magasin (!), étant réservée aux clients d’un hôtel de luxe, donc désormais payante... Bref, il s’agit d’un aboutissement cauchemardesque de la Société du Spectacle, qui est décidément un trésor national !
Julien Lacaze, président de Sites & Monuments