Alors que la pétition ouverte par Sites & Monuments atteint les 10 000 signatures (voir ici), que les institutions et experts les plus autorisés s’opposent à la réforme (voir ici), protestations largement relayées par les médias (voir notamment ici et ici), le projet de décret sur la déconcentration de l’ensemble des autorisations de travaux en site classé est maintenu tel quel.
Seul effet de cette levée de bouclier, la consultation publique, à l’origine programmée pour le 20 mai 2019 (voir ci-dessous), a été repoussée après les élections européennes, dont le thème central était l’écologie, et mise en ligne le 31 mai jusqu’au 20 juin 2019 (voir ici).
Pourtant, il est manifeste que le système actuel a prouvé sa grande efficacité en s’appuyant sur un savant équilibre entre le local et le national, manifesté par une instruction départementale et une décision ministérielle, expression d’une politique hexagonale des sites.
Ainsi, dès l’origine, la loi du 21 avril 1906 sur les sites - issue d’une proposition de notre ancien Président, le député Charles Beauquier, enrichie par le Sénat - prévoit, qu’en cas de modification de « l’état des lieux ou de leur aspect », l’« autorisation » d’une commission départementale des sites soit associée à une « approbation » ministérielle (voir ci-dessous). Reprenant cette idée, la loi du 2 mai 1930 sur les sites, aujourd’hui toujours applicable, dispose que l’« avis » d’une commission départementale des sites précède l’« autorisation spéciale » délivrée par le ministre (voir ci-dessous). C’est cet équilibre plus que centenaire que le projet de décret soumis à consultation supprimerait en transférant la décision d’autorisation de travaux aux préfets de département.
Or, les 101 préfets de département ne disposent ni de la stabilité, ni de l’expérience (celle du bureau des sites placé auprès du ministre), ni de la hauteur de vue nécessaires à la conservation de ces joyaux paysagers et sont évidemment beaucoup plus exposés aux pressions locales, qu’elles soient politiques ou économiques. Le témoignage de Philippe Rey, ancien chef du bureau des sites devenu par la suite préfet, est à ce titre éloquent (voir ci-dessous).
Le décret de « simplification », voulu au nom « d’une prise de décision au plus près des territoires et des acteurs » et d’un raccourcissement des délais d’instruction (pouvant être obtenu par d’autres méthodes) reviendrait en réalité à assouplir la délivrance des autorisations de travaux. La « simplification » recherchée équivaut ici à une dérégulation et mettrait fin à la politique nationale des sites classés.
Le fait que les autorisations de travaux soient confiées au préfet de Région en matière de monuments historiques n’est pas un argument, ces derniers ne se prêtant pas - exception faite semble-t-il de la Maison du Peuple (voir ici) - à des opérations immobilières, contrairement aux 1,1 millions d’hectares bénéficiant d’un classement au titre des sites (soit environ 2% du territoire français). Dans ce cas, la déconcentration est en outre opérée au niveau régional et non départemental. Par ailleurs, la possibilité - très ponctuelle - d’« évocation » d’un dossier par le ministre est généralement inopérante. Nous avions ainsi notamment suggéré - sans succès - à la ministre de la Culture d’évoquer les travaux d’installation de la Grande Roue sur la place classée monument historique de la Concorde (voir ici)...
A défaut de rédaction d’un texte personnel - toujours préférable - il est possible d’utiliser cette contribution type, pouvant bien évidemment être adaptée ou enrichie :
« Je suis opposé(e) à l’abandon d’une politique nationale des sites classés, placée sous la responsabilité directe du ministre chargé de l’Ecologie.
J’estime que les préfets de département ne sont pas en situation d’assumer cette nouvelle responsabilité, alors que nos trésors paysagers font l’objet de pressions immobilières accrues, dans un contexte d’artificialisation croissante des sols. Je considère en effet qu’ils ne disposent ni de la stabilité, ni de la hauteur de vue nécessaires dans cette matière particulièrement sensible aux pressions locales, économiques ou politiques.
La prise de conscience récente d’une érosion considérable de la biodiversité rend d’autant plus incontournable le maintien d’une politique nationale dans ce domaine.
Je demande par conséquent que l’autorisation des travaux les plus significatifs (découlant notamment d’un permis de construire, d’aménager ou de démolir) soit maintenue, après instruction locale, sous la responsabilité directe du ministère chargé de l’Ecologie, comme c’est le cas depuis 1906. »
Participer à la consultation publique
Julien Lacaze, vice-président de Sites & Monuments