
Observations de Sites & Monuments sur le traitement de l’îlot Rossel/Leclerc, fondateur de l’identité du Kremlin-Bicêtre
Sites et Monuments – SPPEF, association nationale fondée en 1901, reconnue d’utilité publique en 1936 et agréée pour la protection de l’environnement dans le cadre national depuis 1978, constate que le règlement du projet de PLU, comme l’OAP Rossel / Leclerc, ignorent l’importance de cet îlot fondateur de l’identité du Kremlin-Bicêtre.
Il a été prouvé que l’îlot Rossel/Leclerc n’est autre que le hameau originel qui a donné la première partie de son nom à la commune (Kremlin) (voir notre synthèse historique).
Il se compose, non seulement, de petits immeubles (R+4 tout au plus), dont certains témoignent de l’architecture rurale des alentours de Paris, mais surtout de maisons d’un ou deux étages (R+1 ou R+2), disposées dans un lacis de passages, de cours et de jardins avec une faune et une flore vivace (arbres en pleine terre, mais aussi des animaux, hérissons, fouines, mésanges, martinets, pies, chauve-souris...) Le pavement d’au moins trois cours ou passages en pavés anciens (18 x 23 cm) constitue un témoignage patrimonial du revêtement ancien de ce quartier, qui commence à se constituer au cours des années 1810 et surtout de la décennie 1820.
Au cœur de l’îlot Rossel / Leclerc subsiste le bâtiment d’un des cabarets originels du Kremlin. L’historienne de la commune, Madeleine Leveau-Fernandez, a en effet établi que :
« [Alors que le] plan cadastral de 1785 révélait un hameau couvert de terres cultivées et de pépinières sur lesquelles seule une maison était construite […], à côté de Bicêtre, dont le nom évoque l’hospice, apparaissent successivement sur les plans, au lieu-dit les Périchets, les mots « Hameau » [sur le plan géométrique dressé par la ville de Gentilly en 1826], attestant de la présence de plusieurs constructions, puis « le Kremlin » [sur le plan cadastral de 1845], noté comme le nom du lieu-dit, enfin « Kremlin (hameau) » [dans l’Atlas Lefèvre, dressé en 1854 et révisé en 1864]. D’où provient cette appellation ? Le Kremlin était la forteresse principale défendant Moscou et à laquelle l’armée française donna l’assaut pendant la campagne de Russie, en 1812. Après le désastre qui s’ensuivit, de nombreux grognards de l’Empereur sont admis à l’hospice de Bicêtre. […] Dans le quartier, des bâtiments s’élèvent et plusieurs marchands de vin ouvrent boutique. Nul ne sait lequel de ces cafés prend pour enseigne Au Kremlin ou Au Sergent du Kremlin, mais il se constitue à cet endroit l’ébauche d’un hameau qui deviendra celui du Kremlin. On a ainsi retrouvé le parcours d’un cabaretier-marchand de vin, Pierre-Joseph Créé, qui installe son commerce dans la rue voisine de l’hospice. [L’ancien] domestique construit au cours des années 1820 ce qui deviendra un lieu convivial, fréquenté par les grognards de Bicêtre […] ainsi que les parents et les amis venus leur rendre visite. L’emprise occupée par [ce] commerce existe toujours et correspond aux actuels n° 68 et 70 de la rue du Général Leclerc » (in Histoire du Kremlin-Bicêtre : l’identité d’une ville, Paris, Editions de l’Atelier, 2e éd. 2013, p. 70-72).
Ainsi, le règlement du PLU, comme l’OAP Rossel/Leclerc, ne sont pas à la hauteur de l’importance de cet îlot fondateur de la commune.
Ainsi, la zone Kb2 du règlement (sous-zone UM) permet la construction d’immeubles de « 27 mètres de hauteur plafond », soit de constructions en R+8, là où l’essentiel du bâti actuel est édifié en R+1 ou R+2.
L’orientation d’aménagement et de programmation (OAP) Rossel / Leclerc n’est pas plus satisfaisante. Elle est destinée à « encadrer le renouvellement urbain du secteur aujourd’hui peu qualitatif et dessué [sic pour désuet]. » Ce constat n’est absolument pas à la hauteur des caractéristiques urbaines et de l’histoire des lieux.
Il s’agirait d’y opérer une « refonte de l’espace public », de « développer une nouvelle offre de logements », de « développer une nouvelle offre de commerces et de services », de « développer une nouvelle offre d’équipements » et de « végétaliser le secteur »
Ainsi, l’« OAP îlot Rossel Leclerc » prévoit la « création d’un cœur d’îlot paysager offrant des espaces de respiration plantés », « avec 80 cm minimum de terre pour les espaces végétalisés sur dalle » et, sur la rue du Général Leclerc, une « localisation préférentielle des constructions » d’une « hauteur graduée » (dans la limite des 27 mètres précités). Il est, par ailleurs, prévu une « continuité bâtie le long de la rue du Général Leclerc et une redéfinition d’un nouvel alignement au regard des limites parcellaires actuelles / Implantation des constructions à l’alignement », là où les constructions actuelles ne sont justement pas à l’alignement.
C’est, en réalité, un remodelage total de l’îlot que permettraient les dispositions du PLU (règlement et OAP confondus) si elles étaient adoptées. Ce que confirment les documents diffusés hors PLU relatifs à l’OAP Rossel / Leclerc (voir ci-dessous).

L’article L. 151-19 du code de l’urbanisme prévoit pourtant que « Le règlement [du PLU] peut identifier et localiser les éléments de paysage et identifier, localiser et délimiter les quartiers, îlots, immeubles bâtis ou non bâtis, espaces publics, monuments, sites et secteurs à protéger, à conserver, à mettre en valeur ou à requalifier pour des motifs d’ordre culturel, historique ou architectural et définir, le cas échéant, les prescriptions de nature à assurer leur préservation leur conservation ou leur restauration. »
Pour sa part, l’article R. 151-7 du même code dispose que « Les orientations d’aménagement et de programmation [OAP] peuvent comprendre des dispositions portant sur la conservation, la mise en valeur ou la requalification des éléments de paysage, quartiers, îlots, immeubles, espaces publics, monuments, sites et secteurs qu’elles ont identifiés et localisés pour des motifs d’ordre culturel, historique, architectural ou écologique »
Les particularités « culturelles, historiques, architecturales et écologiques » de l’îlot Rossel / Leclerc, ancien hameau du Kremlin, justifient pleinement l’application de ces dispositions, mises au service de sa réhabilitation intégrale après réouverture des circulations internes et maintien de la végétation en son sein.
Rendre sa vocation première à l’îlot, celle d’interface entre la ville et l’hôpital, par sa réhabilitation en lieu de restauration et de détente pour les patients, leur famille et les habitants du Kremlin-Bicêtre, semble le projet le plus cohérent compte tenu de sa morphologie et de son histoire fondatrice de l’identité communale.
Julien Lacaze, président de Sites & Monuments