Depuis de nombreuses années, sous la pression des opérateurs, nous voyons évoluer les procédures en matière éolienne. Toujours dans la même direction : moins de respect de l’environnement, moins de droits pour les citoyens et en particulier pour les riverains. Ces nouvelles procédures sont souvent dérogatoires au droit commun : droit de l’urbanisme, droit des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE), code de la santé publique…
Sites & Monuments formule auprès des pouvoirs publics quatre demandes concrètes, dont la dernière peut être appliquée immédiatement :
- Éolien terrestre et photovoltaïque : préserver les paysages et la biodiversité ;
- Éolien terrestre : protéger les riverains ;
- Privilégier les énergies les plus efficaces ;
- Délimiter a minima des zones où, en tout état de cause, il ne peut être implanté d’éoliennes.
Éolien terrestre et photovoltaïque : préserver les paysages et la biodiversité
Il convient de :
- renoncer aux dispositions prévues par l’article 4 du projet de loi énergie climat qui remplace de fait de l’Autorité environnementale actuelle par une « autorité au cas par cas » et de mettre en œuvre la recommandation de la Commission européenne qui prône une autorité environnementale indépendante ;
- adapter la réglementation en rendant les bureaux d’études indépendants et élargir le champ de mise en œuvre des expertises tierces ; en rééquilibrant la composition des CDNPS : les représentants des opérateurs ne devraient plus en faire partie ; en rendant accessibles au public les études de suivi d’impact des installations en phase d’exploitation ; en abrogeant le décret du 29 novembre 2018 relatif notamment à la « cristallisation des moyens ». Cette contrainte juridique empêche de présenter devant la justice des faits nouveaux que l’étude d’impact ou l’évaluation environnementale initiales ne pouvaient prendre en compte alors qu’il est justement fréquent que des éléments nouveaux se révèlent au dernier moment.
- se donner des moyens de prévenir les risques en amont des projets en détectant les installations inacceptables au regard de monuments, de paysages, ou de sites remarquables (voir ci-dessous). À cette fin, il convient de publier une circulaire destinée aux services déconcentrés de l’État leur demandant d’apprécier, dès la phase amont, les effets cumulés des projets et de refuser tout mitage ou saturation visuelle.
- détecter les implantations menaçant la préservation des espèces protégées et veiller à éviter plutôt que compenser.
- réaliser des évaluations environnementales préalables à toute planification locale (SRADDET, SCoT, PLUI …) sous le contrôle d‘une autorité environnementale indépendante.
Éolien terrestre, protéger les riverains
Ce sujet est porté avant tout par des associations de riverains regroupées en fédérations nationales. Pour autant, Sites & Monuments s’y associe.
Il s’agit de :
- décider d’un éloignement minimal des habitations et des élevages de 10 fois la hauteur de l’éolienne pale comprise et de réviser l’instruction « repowering » du 11 juillet 2018 ;
- mettre en œuvre les recommandations de l’Académie de Médecine (avis du 9 mai 2017) : ramener le seuil de déclenchement des mesures d’émergence à 30 dB A à l’extérieur des habitations et 25 dB A à l’intérieur ;
- diligenter une étude épidémiologique sur les nuisances sanitaires incluant les infrasons, demande également formulée par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) le 30 mars 2017 ;
- admettre que certains territoires sont saturés, et que d’autres sont déjà « à énergie positive à plus de 85%, autrement dit, qu’ils produisent presque autant d’énergie renouvelable qu’ils en consomment. Pour eux, la reconnaissance d’un droit au libre choix de leur production d’énergie, sans acharnement éolien, nous paraît équitable ;
- associer les citoyens et leurs associations à l’élaboration des documents de planification (régionaux, locaux) et prendre en compte leurs propositions de programmes alternatifs ;
- adapter la réglementation, tant en phase amont des projets que lors des enquêtes publiques, et rétablir les deux niveaux de recours juridiques : première instance et appel ;
- abroger l’article 4 du décret du 29 novembre 2018, qui constitue une atteinte au principe de non-régression du droit de l’environnement.
Privilégier les énergies les plus efficaces
Il nous apparaît nécessaire de faire réaliser un audit complet des effets de l’éolien terrestre sur les plans économique, financier, patrimonial, touristique et d’attractivité des territoires ruraux par un cabinet indépendant. Ses conclusions permettraient de disposer de tous les éléments de choix des projets les plus efficaces au plan technique, économique et environnemental.
Remarquons que, pour une évaluation correcte du coût de l’éolien, le montant du cautionnement pour le démantèlement des éoliennes, notoirement sous-estimé aujourd’hui, devrait être porté à la réalité constatée des coûts. Cela éviterait tout risque de création de friches industrielles au cœur de nos paysages et du cadre de vie des citoyens ruraux.
Délimiter de zones d’exclusion définitive de l’éolien
Sites & Monuments constate que les opérateurs éoliens proposent des implantations de plus en plus proches de sites exceptionnels : biens Unesco, Grands Sites de France, zones de biodiversité exceptionnelle, ou au large de paysages littoraux ou montagnards précieux. Ces sites font partie du patrimoine commun que nous devons impérativement léguer aux générations futures.
De même, de nombreux paysages remarquables du quotidien bénéficiant d’une reconnaissance locale en raison de leur beauté et de leur attractivité touristique sont, malgré la présence de monuments protégés au titre des monuments historiques, retenus pour l’implantation de nouveaux projets éoliens, créant une forme de conflit d’usage.
Pour défendre ces lieux, qui participent au bien commun, d’interminables recours judiciaires sont engagés alors qu’il serait judicieux de les protéger clairement en amont, de façon opposable.
Sites & Monuments propose donc des zones d’exclusion définitive de l’éolien. Nous donnons ci-dessous les mesures à prendre en fonction des caractéristiques des sites :
- Biens Unesco : faire évoluer le droit en créant, s’il y a lieu, des zones d’influence paysagère, en complément des zones tampon existantes, et rendre opposables les règles qui les régissent ;
- Grands Sites de France : élaborer une réglementation complémentaire de même nature, portant sur les zones disposant de cônes de vue remarquables sur le Grand Site lui-même, même lorsqu’elles ne font pas partie du périmètre « grand site de France » ;
- Zones ressortissant de la loi Montagne : compléter les articles L. 122-3 et L. 122-9 du code de l’urbanisme applicable aux zones de montagne en spécifiant que, sur ces territoires, qui souvent disposent déjà d’autres moyens de production tels des barrages hydro-électriques, on doit rejeter l’installation de production énergétique complémentaire portant atteinte à la préservation des espaces, des paysages et des milieux caractéristiques du patrimoine naturel et culturel local ;
- Zones de biodiversité exceptionnelle à préserver (zones Natura 2000, ZPS, ZICO, secteurs déconseillés pour l’éolien par le Conseil national de la protection de la nature) : prendre des dispositions de même nature que pour les zones ressortissant de la loi Montagne ;
- PNR : adopter une réglementation rendant leur charte opposable, à l’issue d’une évaluation environnementale établie par un organisme indépendant ;
- Zones paysagères locales : les faire prendre en compte par le conseil départemental, au titre de sa connaissance des paysages et du tourisme local, au travers d’une charte des sensibilités départementales à l’éolien terrestre qui serait rendue opposable.
Concernant l’éolien offshore, Sites & Monuments observe que les projets « posés au sol » affectent fortement les paysages côtiers, tout en agressant la biodiversité marine. L’éolien « flottant » présente des caractéristiques plus acceptables à quelques conditions de bon sens : respecter des distances significatives avec la côte permises par cette technique - d’où une faible visibilité compte tenu de la courbure de la mer, concertation avec les professionnels de la mer (pêcheurs), compatibilité environnementale (arrêt lors des migrations des oiseaux).
Autres sources d’énergie
Sites & Monuments est favorable à l’énergie photovoltaïque au sol, lorsque les projets sont de taille raisonnable et de préférence lorsqu’ils sont implantés dans des zones déjà artificialisées comme des friches industrielles, délaissés routiers[1], anciennes carrières à l’abandon… Elle s’oppose toutefois aux mégaprojets apparus çà et là, ces derniers temps, tel le projet Solarzac d’une surface de 400 hectares sur le plateau du Larzac au cœur du bien Unesco « Causses et Cévennes ».
Concernant les usines de méthanation qui produisent du méthane en vue de le transformer en carburant, Sites & Monuments considère que leur place est avant tout dans des zones industrielles, notamment portuaires.
Quant aux unités de méthanisation fonctionnant à partir de déchets organiques, elles sont situées à la campagne et généralement utilisées pour produire de la chaleur. Sites & Monuments préconise des installations de dimensions raisonnables, bien intégrées aux paysages et s’appuyant sur des technologies sans nuisances.
Enfin, Sites & Monuments regrette, qu’au lieu de favoriser l’énergie hydraulique, l’État s’attache à la suppression systématique des chaussées et même des moulins de rivières alors que ces patrimoines centenaires sont source d’énergie propre et pilotable.