Pour une instance de classement de l’ancien plongeoir de la piscine du Touquet

L’ancien plongeoir de la piscine du Touquet Paris-Plage, cet emblème de la modernité touquettoise mérite de toute urgence une instance de classement et donc sa protection au titre des Monuments Historiques. L’inventaire de l’architecture du Touquet Paris-Plage, réalisé à la demande du ministère de la culture dès 1994 avait déjà signalé l’intérêt du plongeoir de la piscine du Touquet [1]. À la suite de cet inventaire, la campagne de protection commencée à partir de 1997 avec l’inscription du Marché couvert s’est poursuivie par une série de villas significatives de la villégiature de la côte d’Opale. Le plongeoir de cette piscine maritime avait échappé à cette campagne de protection en raison de l’activité de l’Aqualud, l’ensemble de loisirs qui avait remplacé la piscine marine initiale.

La construction de la piscine du Touquet est influencée par la mode des sports de plein air qui se développent notamment dans de nombreuses stations balnéaires européennes, dans les années 1920. Cette tendance se retrouve dans les Volksparks allemands, dédiés aux activités de plein air, jugées saines et hygiéniques. Les piscines en plein air ou lidos sont particulièrement à la mode le long du littoral. Les lidos offraient aux communautés côtières un lieu de baignade convivial, à l’abri des rigueurs de la mer. Dans les années 1930, la Grande-Bretagne comptait plus de 300 piscines extérieures dont une centaine sont encore en usage.

Au Touquet, l’Aqualud n’est plus en activité aujourd’hui.

Vue aérienne actuelle avec situation de l’Aqualud.

Le terrain municipal d’assise de cet équipement est l’objet d’un projet hôtelier dont les dessins de présentation exposés dans le hall de l’hôtel de ville ne figurent même pas le plongeoir toujours en place [2] . Manifestement l’idée de maintenir cet édifice n’a pas été retenue par les promoteurs.

Elévation de l’Aqualud, état existant.
Elévation du projet hôtelier The Dune, à l’emplacement de l’Aqualud.

La municipalité n’a pas cru bon de souligner à ces investisseurs la nécessité de tenir compte de ce symbole de la renaissance du Touquet après la seconde guerre mondiale.

« L’architecte André Bérard dessine en 1929 un équipement discret et ingénieux qui, dès son inauguration le 28 mai 1931, est intronisée “la plus belle piscine d’Europe”.

Vue cavalière, projet par l’architecte André Bérard, vers 1929. Le Touquet, musée municipal E. Champion.
Vue aérienne. Carte postale, s.d., années 1930.

Cet écrin bleu pâle, protégeant une eau de mer domestiquée s’adosse à la digue promenade jusqu’à disparaître sur le sable afin de laisser le panorama et l’horizon visibles aux promeneurs. Le promenoir, les 300 cabines, les gradins de 1800 places s’ouvrent sur un très long bassin qui s’étale sur 66 mètres de long et 25 mètres de large et si les dimensions fantaisistes de son bassin l’écarte de toute compétition sportive, plus de trois mille plaisanciers peuvent assister aux manifestations nautiques et aux défilés qui animent la structure de béton dont les rambardes et le solarium prolongent la ville jusque la plage. Le plongeoir dessiné par André Bérard émergeant du bassin, cadre, aux heures favorables, le soleil couchant au sortir de la rue Saint-Jean et relie les deux cheminées de la chaufferie en une composition symétrique très inspirée de l’esthétique de l’architecte lyonnais Tony Garnier. Ce premier plongeoir conçu par André Bérard associait des fonctions différentes en une composition symétrique constituée de trois arcs, dans sa partie inférieure, surmontée d’un grand arc formant promontoire reliant les deux cheminées de la chaufferie. [3]

Plongeoir de la piscine. Concours de saut. C.P, vers 1935. Porte la mention « André Bérard, arch. Clavier, entr. ».

Après la seconde guerre mondiale, Louis Quételart imagine un nouveau plongeoir sur la base d’un programme identique. Seule construction haute admise sur la digue ce plongeoir est composé, en 1949, autour de la cheminée, des horloges, des escaliers et des trois niveaux de saut de trois, cinq et dix mètres. Louis Quételart transforme les composants du programme en un nouveau signal urbain qui sera l’emblème de la modernité touquettoise d’après la seconde guerre mondiale. Autour de la cheminée stable et pérenne surmontée de ses horloges, les escaliers s’enroulent et s’élancent dans le vide jusqu’au plus haut plongeoir de dix mètres. Le porte-à-faux prend alors tout son sens, ainsi que le profil de l’escalier que les rambardes semblent retenir de la chute.

Piscine avec le nouveau plongeoir de Louis Quételart, édifié en 1949. A gauche : Vue générale. C.P. , Ed. Mage. A droite : Détail de la construction du plongeoir.
Plongeoir avec les cabines sur la plage.

Quelques longueurs de rambardes ont subsisté après la destruction de la piscine dans les années 1980. Le plongeoir conçu par Louis Quételart, malgré des transformations hasardeuses, reste le principal symbole de la station du Touquet Paris-Plage : un monument qui mérite d’être restitué dans ses fonctions matérielle et mémorielle, emblème d’une station qui s’engageait alors dans le renouveau et la modernité.

Plongeoir. Etat actuel. Cl. R. Klein.

Richard Klein
Président de Docomomo France