Protéger le patrimoine funéraire, entre esthétique et devoir de mémoire : la tombe de Quatremère de Quincy

Le cimetière Sud de Paris, dit du Montparnasse, abrite les dépouilles de nombreuses personnalités des arts accompagnées le plus souvent de tombeaux aux décors et sculptures remarquables.

Au détour de la division 7, le passant curieux remarque une tombe à l’architecture peu conventionnelle : la représentation du sarcophage est surmontée d’une tour couverte avec une toiture à deux pentes égales (illustration 1). Outre son aspect d’ensemble peu coutumier, le tombeau comprend une série de gravures et d’inscriptions, en creux et en relief, dont certaines ne sont guère plus lisibles aujourd’hui, seul le nom auquel le monument est dédié est toujours bien visible : il s’agit de Antoine Chrysostome Quatremère de Quincy.

Ill. 1. Une tombe verticale survivante au milieu de la banalité des tombes contemporaines
Ill. 3. Le monument tel que publié dans le Paris moderne en 1853

Homme politique né en 1755 et mort en 1849, esthète, parfois qualifié d’archéologue, entre autre celui qui transforme à Paris l’église de Sainte Geneviève en Panthéon national, Quatremère (illustration 2) est l’un des initiateurs de l’histoire de l’art en France et un précurseur de la sauvegarde du patrimoine tant par ses écrits que par ses actions. C’est ainsi qu’il a contesté les saisies d’œuvres opérées lors de la Campagne d’Italie comme il l’explique dans les Lettres à Miranda parues en 1796, puis le prélèvement des tableaux des églises parisiennes au profit des musées. Quatremère de Quincy, très isolé à l’origine, est ainsi l’inventeur de la notion de contexte patrimonial, question brûlante d’actualité, à laquelle la SPPEF est particulièrement sensible.

Membre de l’Académie des Inscriptions et Belles Lettres, Secrétaire Perpétuel de l’Académie des Beaux-arts, il est de son vivant reconnu comme une des personnalités de premier plan du monde des arts et s’il est aujourd’hui quelque peu tombé dans l’oubli, c’est grâce à la publication du Paris Moderne en 1853 (1er Vol. 4e partie), que nous en savons un peu plus sur sa tombe (illustration 3).

Ill. 2. Antoine Chrysostome Quatremère de Quincy (1755 - 1849),
gravure d’Adrien Simonet.

Elle fut dessinée en 1850 par l’architecte Godeboeuf et sculptée par Toussaint et Désiré. Cette publication est aussi intéressante en ce qu’elle permet de compléter ou de mieux expliciter le décor du tombeau en partie manquant aujourd’hui. Il est gravé sur la face avant du monument une citation de Raoul Rochette, successeur de Quatremère à l’Académie des Beaux-arts : « la France s’honorera de son nom au même titre que l’Allemagne et l’Italie s’enorgueillissent de leur Winckelmann et de leur Visconti ».

Les monuments antiques gravés sur les faces latérales du monument, qui à première vue faisaient penser à certaines des merveilles de l’Antiquité classique, sont en fait la mise en relief des principaux écrits archéologiques de Quatremère portant notamment sur la Minerve du Parthénon, le bûcher d’Hephestion, le trône d’Apollon à Amyclée ou encore la statue chryséléphantine du Jupiter Olympien (illustration 4), sujet de l’un des ouvrages de référence de Quatremère publié en 1815.

Ill. 4. Le Jupiter olympien vu par Quatremère de Quincy

Aujourd’hui, sans entretien et malgré le travail de sensibilisation auprès des instances publiques de l’association des Amis de Quatremère de Quincy, le tombeau est de jour en jour plus abîmé. La dégradation de la couverture du monument (illustration 5) favorise la destruction inéluctable de la partie supérieure de la tombe et les bas-reliefs sont toujours plus estompés (illustration 6). Alors que trop encore de monuments funéraires sont voués à la destruction, faire connaître et protéger ce patrimoine est un devoir tant patrimonial que d’intérêt général : la mémoire des grands noms du passé et le savoir-faire des artistes et artisans trouvent ici pleinement son expression.

Ill. 5. La fissure du sommet de la tombe accélère sa dégradation
Ill. 6. Des gravures qui s’estompent…

La SPPEF soutient le travail remarquable des Amis de Quatremère de Quincy pour la sauvegarde de ce monument funéraire, quintessence patrimoniale.

William Pesson, président de l’association des Amis de Quatremère de Quincy et Julien Lacaze, vice-président de la SPPEF (fin du 3e et dernier paragraphe)

Lien utile : association des Amis de Quatremère de Quincy