Rochefort, ville créée en 1666 à partir de rien, le long de la Charente à 18 kilomètres de la mer, pour servir à la construction des navires du roi, nécessitait l’établissement d’un Site patrimonial remarquable doté d’un PSMV (Plan de Sauvegarde et de Mise en Valeur), degré de protection le plus haut compte tenu de son patrimoine remarquable.
Le projet de PSMV de Rochefort a été conduit par un cabinet nantais, AUP, qui a réalisé également ceux de Nantes et de La Rochelle. Il a été financé à 50 % par la DRAC (Direction Régionale des Affaires Culturelles).
L’appréhension du patrimoine bâti est correcte et n’appelle, à notre avis, qu’un seul point de contestation.
Il en est différemment du patrimoine naturel dont la protection légale a été démantelée. Les Rochefortais n’en ont pas pris conscience dans un premier temps, car elle est intervenue par le biais de la modification du PLU (Plan Local d’Urbanisme) de la ville en 2019, précédée de la consultation de la Commission Départementale de la Nature, des Paysages et des Sites (CDNPS) en amont, laquelle a donné son avis favorable sur le déclassement de tous les EBC (Espaces Boisés Classés) du centre-ville historique de la ville de Rochefort.
Dans le sillage de cette réunion, le préfet a même désavoué la CDNPS en déclassant un square que celle-ci voulait conserver sous ce statut. Il aurait été le seul vestige des classements en EBC avant la dernière modification du PLU.
En application de la "séquence ERC" (Éviter-Réduire-Compenser), la création de nouveaux EBC hors périmètre du PSMV, en périphérie de ville, a été décidée. De ce fait, le périmètre du PSMV a été intégré en totalité dans celui de la ville pour justifier de la compensation opérée. Ce n’est qu’au moment de la mise à disposition des documents du PSMV que le public a pu mesurer les effets de ce déclassement. Tant la DRAC que la DREAL ont martelé que le nouveau régime de protection des espaces verts déclassés à Rochefort (dix hectares) dénommés "jardins patrimoniaux" s’avérait bien supérieur à celui du Code de l’urbanisme.
Trois cônes de vues au travers des alignements d’arbres permettent d’intégrer le bâtiment emblématique de la Corderie Royale à la Charente. Malgré l’arbitraire possible des maires en matière d’abattage d’arbres, le nouveau dispositif ne cesse de vanter son caractère de protection améliorée. Or, c’est tout l’arsenal pénal du code de l’urbanisme qui disparaît de ce fait, remplacé par le règlement du PSMV. Il se conjugue avec une lecture en pied à coulisse des OAP (Orientations d’Aménagement et de Programmation).
Ce langage n’a pas été admis par le public car, dans les OAP, il est tout simplement prévu d’arraser la rangée d’arbres qui, avec trois cônes de vue, permettent à partir du bâtiment mythique de la Corderie Royale d’apercevoir le cours de la Charente, pour les remplacer par des éléments paysagers de 1,5 mètres de hauteur. Les arbres en alignement et en bordure du fleuve, qualifiés de bosquets dans le PSMV, seront remplacés par des arbustes.
Il est même admis que l’on en supprime : "Pour revenir à l’esprit du projet initial de Bernard Lassus, les bosquets doivent être maitrisés pour revenir à une masse d’arbustes qui ne dépasse pas 1,5 mètres de hauteur. La réduction des bosquets doit se faire tant en hauteur – tailles par recépage) qu’en densité (peut-être sera-t-il nécessaire d’en supprimer quelques-uns).
L’objectif est de retrouver un peu de transparence et la lisibilité des trois plans voulus initialement." OAP n° 5 "Jardin des Retours".
Les autres espaces verts pourront être ça et là aménagés. On parle d’une extension de parking pour l’un d’entre eux. "La limite de ce jardin peut être réduite pour accueillir une offre de stationnement", OAP n° 5 « Jardin de la Marine ».
Règlement du PSMV, pièce écrite, article 6 :
Traitement des espaces non bâtis & abords des constructions.
6.2c. Dispositions particulières sur les jardins patrimoniaux
Jardins historiques ou espaces verts particulièrement boisés, leur intérêt réside dans leur qualité patrimoniale intrinsèque, dans la mise en scène de l’architecture* et éventuellement dans un dispositif spatial spécifique (prolongement de perspective, séquence d’entrée…).
Cf. OAP par secteur, notamment pour les jardins publics.
Traitement et éventuel aménagement des jardins patrimoniaux
Ces espaces doivent être conservés en jardins et mis en valeur* en renforçant leur richesse paysagère et écologique.
L’état des lieux initial doit mettre en lumière toutes les composantes patrimoniales du lieu (historique, naturelle, paysagère et écologique) en s’appuyant sur l’éventuelle documentation historique et sur la qualité paysagère et environnementale actuelle du jardin. Le projet peut consister à restituer des dispositions d’origine sur la base d’éléments existants ou documentés, ou il peut aussi proposer un jardin inspiré de modèle historique ou un jardin contemporain*.
Dans tous les cas, le projet doit assurer :
- la conservation et la mise en valeur* du jardin en lui-même et des éléments d’intérêt patrimonial qui l’animent,
- la mise en valeur* des immeubles protégés et leur bonne conservation,
- une qualité paysagère particulièrement développée.
Pour le choix des plantations, il convient de se reporter aux Orientations d’Aménagement et de Programmation (OAP) et notamment la liste d’essences associée.
Ces espaces doivent rester en pleine terre*, l’imperméabilisation de leur surface est donc interdite. Le passage des réseaux enterrés est possible sous réserve de ne pas mettre en péril le développement des arbres et la perméabilité des sols.
Les éventuelles nouvelles plantations doivent s’appuyer sur la composition d’ensemble ou, dans le cas où la composition actuelle n’est pas remarquable, permettre de récréer une composition paysagère adaptée au lieu et aux façades qui aspectent l’espace.
Le dimensionnement et le positionnement d’éventuels points d’eau (fontaines, bassins, miroir d’eau) doivent être arrêtés en fonction de leur insertion dans la composition générale. La création de piscines est soumise à conditions. (cf. Constructibilité des jardins patrimoniaux ci-après).
Constructibilité des jardins patrimoniaux
Ces espaces ne doivent pas être construits, y compris en souterrain. La couverture totale de ces espaces est interdite, y compris par une verrière*. Quelques éléments bâtis peuvent toutefois être admis sous réserve de respect des dispositions de l’article 5 et sous réserve de ne pas perturber la lecture des éléments majeurs de la composition générale (espace unitaire, séquence d’entrée, dégagement des façades les plus remarquables notamment) ; ils sont limités aux éléments suivants :
- ELEMENT BATI PONCTUEL : Comme c’était le cas dans les jardins historiques, de petits édicules ouverts ou transparents (de type serres, orangeries ou kiosques) peuvent être intégrés à la composition paysagère. Les dimensions et le positionnement de ces édicules doivent être arrêtés en fonction de la capacité du projet à intégrer l’élément dans la composition générale du jardin, généralement soit en adossement à une façade ou un mur de clôture, soit sous forme de bâtiments isolés. (Cf. articles 5.1. pour le traitement architectural de ces constructions).
- EXTENSION : Limitée en emprise au sol à 20 m², une extension* d’immeuble existant peut être admise dans un jardin patrimonial, si les proportions et le positionnement permettent d’intégrer l’élément dans la composition à la fois architecturale et paysagère. (Cf. articles 4.2c. et 5.1e. pour l’implantation et le traitement architectural des extensions).
- ABRI UTILITAIRE : S’il est inférieur à 20 m², un petit abri utilitaire (type abri vélo ou poubelle) peut être admis ; il doit alors prendre une forme réversible ou s’apparenter à une serre ou à du mobilier."
On constate dans le règlement que le traitement des jardins patrimoniaux publics est renvoyé aux OAP, qu’il n’existe aucune disposition expresse de protection du patrimoine arboré existant, qu’à force de banaliser ce statut sui generis, des constructions en extension de bâtiments existants pourraient être édifiées. La construction de piscines y est même abordée…
A Nantes ou La Rochelle, des surfaces EBC subsistent (La Rochelle : parc Charruyer de 25 ha avec plan de gestion), tandis qu’ici à Rochefort l’acharnement à vouloir faire disparaître les EBC du PSMV se constate. Or, les jardins de la Corderie Royale sont d’abord un site naturel qui jouxte de l’autre côté du fleuve Charente un site Natura 2000.
Le second point de litige concerne la destination d’une ancienne barre d’hôpital qui défigure la ville de Rochefort. Elle est désaffectée depuis mars 2011, l’hôpital ayant été déplacé au nord de la cité. Cette barre est la propriété de la ville. On peut constater son état de délabrement avec les tags en bas de terrasse.
Ce bâtiment domine toute la ville dont il dégrade fortement des perspectives. La hauteur des hôtels particuliers ou maison d’habitation dont la plupart ont été construits fin XVIIe et XVIIIe ont tout au plus deux étages. La barre comporte sept étages. La perspective de la rue du Docteur Peltier s’achève par un parking, au pied de l’hôpital.
La mairie balançait entre destruction et rénovation. Le projet de PSMV soumis au public comportait cette alternative tout en s’orientant plutôt vers la disparition de ce bâtiment qui a fort mal vieilli. Mais le texte final laisse entrevoir la possibilité d’y rajouter encore un étage ainsi qu’un belvédère. Nous nous opposons à cette possibilité, laquelle intervient dans un cadre totalement illégal.
Christian Laporte et Marie-Thérèse Zimmer
Co-présidents de l’Association Pays Rochefortais Alert’