Refuge des Évettes, 2590m d’altitude : un « monument » du patrimoine architectural du XXème siècle menacé de destruction

La construction la plus haute au monde réalisée avec une charpente tridimensionnelle (procédé Prouvé-Pétroff).

Le cirque glaciaire des Évettes avec au premier plan le refuge adossé au Nord. Photo Franck Trabouillet© Région Auvergne-Rhône-Alpes, Inventaire général du patrimoine culturel, 2018

1969, Une innovation architecturale et technique

Le refuge actuel des Évettes a pour origine la politique de renouvellement des équipements d’altitude engagée par le Club Alpin français (CAF) au début des années soixante.

Situé au fond de la vallée de la Maurienne, il s’agissait en 1969 de reconstruire un refuge édifié initialement en 1907 par le CAF avec le Touring Club de France, qui avait été remplacé en 1948 par une baraque provisoire en bois, après sa destruction volontaire par l’armée française en juin 1940, pour qu’il ne puisse pas servir aux armées italiennes.

Le « chalet refuge » des Évettes édifié en 1907 (©Reproduction d’une carte postale, collection particulière JF Lyon-Caen)

Le refuge est implanté sur un site orienté au Sud dominant de petits lacs bordés de rochers, face au spectaculaire cirque glaciaire entouré par les séracs du glacier des Évettes et les sommets de l’Albaron (3637m d’altitude) et de la Grande Ciamarella (3676m d’altitude).

En 1968, le CAF décide la construction d’un nouveau refuge d’une capacité de 70 personnes au même emplacement. Il fait appel à l’Atelier d’Architecture en Montagne (AAM) de Chambéry réputé pour ses réalisations en montagne, notamment la construction de Courchevel 1850 et la station des Arcs dans le massif de la Vanoise.

L’architecte Guy Rey-Millet [1], également alpiniste et skieur, sollicite les conseils de l’ingénieur Jean Prouvé [2] avec qui il étudie alors un projet d’habitat de haute altitude à la station d’Arc 2000, fondé sur une structure métallique qui serait couverte par des panneaux composite de faible inertie fabriqués par la société Matra [3]

Plans et détails d’assemblage d’un module de charpente 1200x500 (©Léon Pétroff, 12 mars 1968, extrait de Peter Sulzer, Jean Prouvé, œuvre complète, volume4 :1954-1984, Birkhaüser éditeur 2008, p228)

A cette occasion, Jean Prouvé fait connaître la structure métallique mise au point par Léon Pétroff [4], son collaborateur, à partir de caissons en barres triangulées. Système autoportant, les points d’appuis nécessaires sont reportés à la périphérie de la construction, dégageant ainsi une surface libre de tout porteur.

En1969, Guy Rey-Millet propose au CAF un projet développé sur un niveau, de 225m² de surface pour les 70 places du programme, en recourant aux composants conçus par Jean Prouvé et Léon Pétroff.

Plan du refuge des Évettes (© Catherine Salomon-Pelen, équipe architecture-paysage-montagne, ENSAG, 2018)
Coupe longitudinale du refuge des Évettes (© Catherine Salomon-Pelen, équipe architecture-paysage-montagne, ENSAG, 2018)

Les éléments de l’ossature sont préparés en atelier. Leur acheminement sur le site par hélicoptère est facilité par leurs petites dimensions et leur faible poids. Ce qui permet également de prévoir le chantier en une seule saison.

Acheminement par hélicoptère des modules tridimensionnels sur le chantier. (©Jean Masson, extrait de Peter Sulzer, Jean Prouvé, œuvre complète, volume4 :1954-1984, Birkhaüser éditeur 2008, p243)

La structure métallique est couverte d’une résille en nappe d’éléments parallélépipédiques en acier assemblés par boulonnage [5] fixés sur des poteaux en acier galvanisé disposés sur la périphérie du bâtiment [6].

Charpente aluminium en cours d’assemblage sur le chantier du refuge des Évettes (© AAM-Guy Rey-Millet).

Les façades sont composées de panneaux Matra [7], constitués d’un cadre bois rempli de mousse phénolique ininflammable injectée dans un réseau en forme de nid d’abeilles, fermés par une plaque de ciment.

Montage des panneaux « Matra » sur l’ossature en aluminium (© Jean Masson, extrait de Peter Sulzer, Jean Prouvé, œuvre complète, volume4 :1954-1984, Birkhaüser éditeur 2008, p243)

Chaque face du panneau est couverte d’une couche de polyester stratifié, sur laquelle est appliquée une résine résistante (un « gel-coat ») utilisée dans la marine. Le panneau est à haute isolation thermique. Il est imperméable et étanche à l’eau sur tous les champs. Les angles de la construction sont arrondis et traités avec des panneaux en plaques moulées. Les panneaux sont fixés aux poteaux périphériques par des plaques de serrage boulonnées avec interposition de joints d’étanchéité en néoprène, d’un mastic silicone à la jonction entre panneaux et d’un joint en butyl entre les panneaux et la toiture.
La couverture est horizontale de type « porte neige » [8] pour éviter la décharge de la neige et son accumulation le long des façades. Épargnant aux alpinistes et skieurs d’avoir à dégager la porte et les fenêtres, après une journée d’efforts.

Charpente aluminium composée de modules tridimensionnels assemblés à chaque angle, couverte par une toiture porte-neige. Photo Franck Trabouillet© Région Auvergne-Rhône-Alpes, Inventaire général du patrimoine culturel, 2018

Les cloisons sont en panneaux de bois contrecollés fabriqués par la société Rousseau dans lesquels les portes, arrondies aux angles, ont été découpées en atelier. L’absence d’élément porteur à l’intérieur donne toute liberté au plan : les cloisons sont fixées aux poteaux placés en périphérie. Le mobilier en bois (bat-flanc, étagères, tables, bancs…) est dessiné et conçu par l’architecte en fonction du plan.

Dortoirs équipés de 10 couchettes disposées en bat-flanc, cloisonnés par des panneaux de bois contrecollés « Rousseau » dans lesquels les portes ont été découpées et fixées sans huisserie. Photo Franck Trabouillet© Région Auvergne-Rhône-Alpes, Inventaire général du patrimoine culturel, 2018
Salle commune du refuge ouverte sur trois côtés permettant un ensoleillement du matin au soir et une vue panoramique ; on notera l’absence de points porteurs. Photo Franck Trabouillet© Région Auvergne-Rhône-Alpes, Inventaire général du patrimoine culturel, 2018

Le déplacement des composants ne nécessite pas d’engins de levage, simplifiant le chantier qui se déroule en huit semaines durant l’été 1970.

L’assemblage de la charpente et la pose des panneaux mobilisent trois hommes équipés d’un escabeau et de clefs de serrage. Les pierres de l’ancien refuge sont réemployées pour le soubassement.

Mise en place des modules tridimensionnels par boulonnage sur l’ossature en aluminium et assemblages des éléments par les angles (© AAM-Guy Rey-Millet, refuge de la Vanoise)

Une construction « légère » à faible inertie sera ainsi expérimentée en haute altitude où le climat est particulièrement contraint par l’importance des charges de neige et les écarts importants de température. La dimension expérimentale de la construction fut soulignée par le maître d’ouvrage en 1971 lors de son inauguration en replaçant le refuge dans le développement de l’architecture contemporaine : « Le Club Alpin a fait sienne […] les idées contemporaines : le fonctionnalisme humain d’un Le Corbusier […] servi par une industrialisation de la technique de Jean Prouvé, reconnu comme le grand penseur de l’architecture contemporaine, nouveau maître à penser d’une génération de jeunes architectes. Simplifions ; fonction + technique = efficacité, impliquant l’esthétique. » [9]

1971, Le refuge du col de la Vanoise

L’expérience du refuge des Évettes est renouvelée en 1971, avec l’agrandissement par le CAF du refuge du col de la Vanoise (2547m d’altitude). Devenu une étape très fréquentée par les randonneurs du chemin de Grande Randonnée n°5, promu la même année « Grande Traversée des Alpes », comme par les alpinistes qui gravissent le sommet de la Grande Casse (3855m d’altitude) ou traversent les glaciers de la Vanoise et le dôme de Chasseforêt (3586m d’altitude).

Le programme du refuge (170m²) comprend aussi un bâtiment (77m²) destiné aux gardes du parc national de la Vanoise.

Le projet est confié à l’équipe du refuge des Évettes qui adopte le même procédé constructif. Les deux bâtiments sont construits en deux mois au cours de la saison 1972. Ils sont mis en service l’année suivante.

Une architecture « modulaire » pour la haute altitude, témoin de l’architecture des années soixante.

Le refuge des Évettes témoigne du développement de la construction modulaire en haute altitude et de son adaptation à des réalisations de plain-pied. L’assemblage des composants fabriqués en atelier, aisément transportables, simplifie les tâches sur le chantier, réduit sa durée et les équipes d’ouvriers. C’est la transposition aux bâtiments d’altitude des procédés constructifs élaborés par des équipes de concepteurs et de constructeurs et protégés par des brevets afin de permettre leur reproduction pour d’autres programmes (habitations, bureaux, ateliers, équipements public).

Les maîtres d’ouvrage des refuges de montagne s’intéresseront à cette architecture modulaire lorsque, dans les années 60-70, ils seront confrontés à la demande croissante d’hébergements d’altitude liés à l’essor de la randonnée pédestre et l’ouverture d’espaces jusque-là délaissés.

Préoccupés de bâtir simplement en altitude, les maîtres d’ouvrage se tournent vers la mise en œuvre de modèles conçus pour la vallée qui s’avéreront tout à fait adaptés aux contraintes climatiques et d’éloignement propres aux sites de haute montagne :

 Le refuge de Chabournéou (CAF, massif du Valgaudemar, 2020m d’altitude) réalisé en 1970 par François Lederlin [10], architecte et Michel Georges [11], charpentier menuisier, avec des fermes en bois composées de pièces de 25mm d’épaisseur, réduisant ainsi le poids des charges et les efforts de levage.

 Les refuges bâtis à partir de 1968 sur les itinéraires de randonnée de la zone centrale du parc national de la Vanoise (PNV) à partir d’une adaptation de chalets de vacances dessinés par André Lepesant [12] architecte associé au charpentier Chaloin (Saint-Vérand, Isère) ; conçus comme des cabines de bateau, ils sont construits avec des fermettes nécessitant que quelques jours d’assemblage. Quinze exemplaires seront édifiés en haute altitude par le PNV et le CAF [13]

 Les abris refuges édifiés à partir de 1970 pour accompagner la traversée des hauts-plateaux du Vercors à l’initiative de Jean-Pierre Feuvrier [14], ingénieur des Eaux et Forêts, responsable du Parc naturel régional du Vercors. Jean-Marie Barnier [15], architecte conçoit une construction compacte organisée sur un plan hexagonal bâtie avec six panneaux d’ossature bois et six demi fermes assemblées au centre de la construction [16]

La reconnaissance patrimoniale, un projet à construire ?

Trente ans plus tard, ces constructions sont reconnues suffisamment dignes d’intérêt sur le plan architectural par le ministère de la Culture pour décider, en 2003, de labelliser « patrimoine du XXème siècle » le refuge du Col de la Vanoise [17], en associant le CAF et les collectivités locales.

C’est la reconnaissance de la simplicité constructive adoptée pour des chantiers d’altitude, pourtant soumis à des aléas climatiques rudes, et du très bon entretien des deux refuges par le CAF, édifiés chacun selon les procédés de J. Prouvé et L. Pétroff. Reconnaissance également d’une intégration discrète de l’architecture au site, en toutes saisons, en raison de la faible hauteur et de la neutralité de l’aspect et des couleurs du bâtiment.

Découverte du refuge des Évettes. Photo Franck Trabouillet© Région Auvergne-Rhône-Alpes, Inventaire général du patrimoine culturel, 2018

Des parentés ont pu d’ailleurs être faites avec l’architecture des monastères bouddhistes édifiés dans les montagnes du Tibet, caractérisée par des volumétries simples et la régularité des géométries.

Cependant, malgré le label « Architecture contemporaine remarquable » (ACR), le refuge du Col de la Vanoise a été démoli en 2017 cinq ans après l’édification [18] d’un nouveau refuge destiné à répondre aux attentes de la Fédération Française des Clubs Alpins de Montagne (FFCAM) [19]. Les deux constructions labellisées ACR ont été démontées, les composants stockés dans un hangar à Alpespaces (Savoie), puis donnés en 2021 par la FFCAM [20].

Aujourd’hui, c’est le refuge des Évettes qui est menacé de disparaître. Au titre d’un « plan de rénovation des refuges » lancé en 2017 [21], un programme de « reconstruction du refuge des Évettes » a été adopté en avril 2021 qui prévoit la démolition du refuge et la construction de 354m² pour une capacité de 54 couchettes [22].
Aucun diagnostic, ni architectural, ni technique, n’a été engagé malgré une reconnaissance patrimoniale de fait, et largement partagée, un très bon état de conservation et un entretien parfait assuré par le maître d’ouvrage lui-même.

Façade : soubassement en maçonnerie de béton et pierres surmonté de la charpente en aluminium sur laquelle sont fixés les panneaux « Matra ». Photo Franck Trabouillet© Région Auvergne-Rhône-Alpes, Inventaire général du patrimoine culturel, 2018
La cuisine équipée pour servir jusqu’à 80 couverts par repas. Photo Franck Trabouillet© Région Auvergne-Rhône-Alpes, Inventaire général du patrimoine culturel, 2018
Partie du refuge équipée d’un poêle laissée en libre accès lorsque le refuge n’est pas gardé. Photo Franck Trabouillet© Région Auvergne-Rhône-Alpes, Inventaire général du patrimoine culturel, 2018
Un dortoir de 10 couchettes. Photo Franck Trabouillet© Région Auvergne-Rhône-Alpes, Inventaire général du patrimoine culturel, 2018

D’ailleurs, la reconstruction des refuges est généralement décidée à la suite de dégradations consécutives à des catastrophes naturelles (avalanches, éboulements, effondrement du sol…). Les refuges font très rarement l’objet d’une démolition, en dehors des situations nées d’un entretien difficile ou volontairement négligent.

La démolition du refuge des Évettes signifierait la disparition de l’une des rares constructions encore en place témoignant de l’emploi des procédés constructifs des ingénieurs Prouvé et Pétroff, très largement reconnus, à une altitude telle qu’il serait le refuge à charpente tridimensionnelle le plus haut au monde.

Le refuge des Évettes domine des petits lacs glaciaires. Photo Franck Trabouillet© Région Auvergne-Rhône-Alpes, Inventaire général du patrimoine culturel, 2018

Cette approche, de type « table rase », est regrettable. Alors que la construction d’un nouvel édifice associée au maintien et à la valorisation patrimoniale du refuge actuel paraît tout à fait possible [23].

Ce qui permettrait de maintenir et valoriser les constructions anciennes témoignant de l’ingéniosité développée alors et de favoriser les approches innovantes pour les nouveaux bâtiments. Comme cela se fait déjà en montagne : « […] L’objectif de la construction de cabanes est aujourd’hui de reconnaître, de préserver et d’adapter aux besoins actuels ainsi qu’aux exigences légales le précieux patrimoine architectural des cabanes existantes, afin qu’elles remplissent leur fonction principale de point d’appui pour les sports de montagne. […] Leur « caractère d’hébergement de montagne simple » doit demeurer le « signe distinctif » [24]

Jean-François Lyon-Caen, architecte, fondateur du master et de l’équipe de recherche architecture-paysage-montagne à l’École nationale supérieure d’architecture de Grenoble.

Notes

[1Guy Rey-Millet (1929-2017), architecte diplômé de l’École spéciale d’architecture en 1956 rejoint Denys Pradelle (1913-1999) architecte urbaniste engagé dans la création de la station de sports d’hiver de Courchevel 1850. Puis avec les architectes Philippe Quinquet (né en 1932) et Gaston Regairaz (1930-2013), ils fondent en 1960 à Chambéry l’Atelier d’Architecture en Montagne qui réalisera pendant plus de 40 ans de très nombreux projets en montagne parmi lesquels la station des Arcs avec Charlotte Perriand (1903-1999) et la station des Karellis avec l’association Renouveau. À l’AAM, Guy Rey-Millet conçoit plusieurs refuges d’altitude, dont ceux des Évettes en 1969, du Col de la Vanoise en 1971, d’Argentière en 1972, Robert Blanc en 1981.

[2Jean Prouvé (1901-1984), formé à la ferronnerie traditionnelle par son père, se tournera vers la conception et la fabrication de mobiliers, maisons, immeubles ou équipements à partir d’innombrables expérimentations sur les structures et les matériaux, qui le conduiront à étudier des projets en association avec un grand nombre d’architectes, industriels et entrepreneurs.

[3En 1969, l’A.A.M. étudie avec Jean Prouvé et les architectes Reiko Hayama et Serge Binotto le projet de la station d’Arc 2000, composé de « corolles » circulaires en charpentes métalliques revêtues de panneaux de façade dits « panneaux Matra » (projet non réalisé) : panneaux mis au point par Jean Prouvé avec la société Matra, après avoir tenté de fabriquer des composants en polyester armé de fibres de verre avec la société Saint-Gobain, dans lesquels est injectée de la mousse phénolique (couverture, panneaux de façades, poteaux).

[4Léon Pétroff (1925-2016), dessinateur industriel devenu ingénieur à la Compagnie Industrielle de Matériel de Transport (CIMT), collabore avec Jean Prouvé à partir de 1962 sur de nombreux projets parmi lesquels : Alpexpo à Grenoble en 1967, bureaux de l’Établissement Public d’Aménagement des Rives de l’Étang de Berre (EPAREB) à Vitrolles (Bouches-du-Rhône) en 1970. En 1967, il met au point la charpente en résille faite de petits caissons de faible poids permettant la « toiture à surface variable », expérimentée en 1969 avec la construction de la maison Jaoul au hameau de Mainguérin à Ablis (Yvelines) qui associe charpente en résille et panneaux Matra. Réalisation préfigurant le refuge des Évettes.

[5162 éléments de 120cm de côté, 55cm de hauteur, de 33kg.

[666 poteaux de 340cm de hauteur, de section 7x7, 28kg chaque pièce.

[755 pièces de 120cm de largeur x 350cm de hauteur équipées pour certaines de menuiseries ouvrantes.

[8Couverture réalisée par l’entreprise Jean Chedal (1925-2015), située à La Perrière (Savoie) avec laquelle l’AAM met au point la « double toiture ventilée » pour les premières constructions de Courchevel 1850 au milieu des années 50. Technique de construction immédiatement adoptée par les professionnels de la construction en altitude.

[9Claude Maillard, président du C.A.F. Le nouveau refuge des Évettes. Le CAF et la construction des refuges. La Montagne & Alpinisme, n°1-2, 1972, p.256.

[10François Lederlin (1922-2002), architecte diplômé de l’école régionale d’architecture de Grenoble en 1952 (atelier Jean Benoît et Fernand Kaminski), installé à Grenoble, réalise de 1952 à 1974 de nombreux refuges pour le CAF. La construction en charpente bois du refuge de Font Turbat en1963 le conduit à travailler avec Michel Georges, charpentier menuisier ; ils expérimentent ensemble des charpentes assemblées en bois menus ; en 1969, la maison Poncet, bâtie à 1000m d’altitude à Saint-Sigismond (Haute-Savoie), préfigure le refuge de Chabournéou.

[11Michel Georges (né en 1937), charpentier menuisier adepte de la varappe, crée en 1963 à Grenoble son entreprise, après avoir travaillé à la Société des Menuiseries Industrielles du Bâtiment (SMIB) à Voreppe (Isère) où il réalise plusieurs refuges du CAF dessinés par François Lederlin. Ensemble, ils construiront notamment les refuges de Font Turbat en 1963 et du Promontoire en 1965. S’inspirant de la démarche de Jean Prouvé en l’appliquant au bois, il cherchera à préfabriquer en atelier la plupart des pièces de faible poids qu’il assemblera sur le chantier avec un matériel minimum : un marteau et un tournevis.

[12André Lepesant (1923-1978), maître d’œuvre en bâtiment à Grenoble, agréé en architecture en 1978, met au point en 1965 avec le charpentier Chaloin des « maisons de week-end » conçues sur plan compact avec des composants bois préfabriqués et acheminés sur place en un seul voyage. Le montage s’effectue comme un mécano dans un temps record. Ce modèle de construction a connu pendant de nombreuses années une diffusion importante dans les massifs montagneux de moyenne altitude (Vercors, Chartreuse, Belledonne, Matheysine, Corse notamment). Le système est adopté par le CAF et le PNV qui, en 1967 lancent la réalisation de refuges dont les pièces seront acheminées sur site par hélicoptère et par mulets.

[13Refuges « Lepesant-Chaloin » construits par le PNV : La Femma 2352m, la Leisse 2487m, Plaisance 2170m, Turia 2427m, La Valette 2590m, Le Mollard 2236m, Le Grand Vallon 2350m, Labby 2511m, Plaisance 2170m, Lacs Merlet 2417m, Cuchet 2160m, Fond des Fours 2537m. Refuges construits par le CAF : Bostan (1763m, Haut-Giffre), Dent Parrachée (2511m, Vanoise), Chalance (2570m, Valgaudemar). Refuge communal du Chardonnet (2223m, Clarée).

[14Jean-Pierre Feuvrier (1936-2019), chargé de mission pour la création du parc naturel régional du Vercors de 1970 à 1972, puis auprès du Comité National des Sentiers de Grande Randonnée (CNSGR) devenu la Fédération Française de la Randonnée Pédestre (FFRP), puis directeur adjoint du parc national des Écrins, directeur du CEMAGREF Grenoble, puis du service Restauration des Terrains en Montagne de Savoie.

[15Jean-Marie Barnier (1925-2020), architecte installé à Grenoble, a réalisé de nombreux équipements touristiques et centres de vacances dans les Alpes dauphinoises (refuge-bivouac du Parc naturel régional du Vercors, centre de vacances Le Piroulet à Vassieux-en-Vercors…).

[16Refuges de Chaumailloux au Pas de l’Aiguille, Pot du Play, Pré-Peyret, Serrons, Tiolache, Col de Vassieux.

[17Arrêté préfectoral du 10 mars 2003, label « Patrimoine du XXème siècle » devenu en 2016 label « Architecture contemporaine remarquable » (ACR).

[18Projet conçu en 2006 par Philippe Caire, architecte (Francin, Savoie), retenu à l’issue d’un concours d’architecture ; le programme repose sur la création de 100 couchettes avec 600m² de plancher et vise une construction de type HQE (Haute qualité environnementale). Le projet architectural prévoit la démolition des deux constructions édifiées en 1972 par l’architecte Guy Rey-Millet avec la collaboration des ingénieurs Jean Prouvé et Léon Pétroff.

[19En 2005, le CAF devient FFCAM (Fédération Française des Clubs Alpins de Montagne) qui regroupe les « clubs alpins » constitués en France, à la suite d’un changement de statut.

[20Le refuge du CAF a été donné au Syndicat intercommunal de Flaine (Haute-Savoie) et le refuge des gardes du PNV à un amateur d’architecture.

[21« Plan de rénovation décennal 2017-2026 », FFCAM, brochure 2017.

[22Projet confié en avril 2021 à Philippe Caire, architecte.

[23Projets de requalification du refuge des Évettes, Haute-Maurienne, commune de Bonneval-sur-Arc, Savoie. Compte rendu de projets d’un atelier d’étudiants. ENSAG master architecture-paysage-montagne. Avec FFCAM, janvier 2019.

[24Ulrich Delang, « Construction de cabanes Club Alpin Suisse, 2000-2020 ». Février 2019, p4.