
À l’ouest de Boulogne-Billancourt, dans le département des Hauts-de-Seine, sur la place Bernard Palissy, se trouve une imposante bâtisse, construite en 1896 par l’architecte Alexandre Barret (1863-1921), qui fit office d’abord de salle des fêtes puis devint à partir de 2002 le théâtre de l’Ouest parisien, pour finalement être fermé en 2015 par la commune qui le transforma à nouveau en salle des fêtes, dénommée Espace Bernard Palissy.
Illustration de l’architecture de la seconde moitié du XIXe siècle, ce bâtiment, auquel les boulonnais sont très attachés, fait partie de l’histoire du patrimoine de la ville et a fait l’objet d’une fiche de l’inventaire général avec la mention "à signaler". Son architecte est en effet notamment l’auteur de beaux immeubles et hôtels particuliers à Paris et à Boulogne, dont une maquette est conservée au Musée des Années 30 - Espace Landowsk.
Propriétaire du lieu, la municipalité a présenté en 2024 un projet de rénovation de l’ensemble du bâtiment avec notamment une transformation de sa façade.
Dans le cadre d’un bail emphytéotique administratif conclu avec la mairie, la fondation Perce-Neige – créée en 1966 par Lino Ventura – conduira ce projet visant à créer un espace inclusif dans le lieu. On peut lire sur le site de la Ville que ce « projet baptisé Perce-Neige Live ! permettra de former des personnes atteintes de handicap mental aux métiers de la culture, notamment du cinéma et du spectacle vivant ». Concrètement, il est envisagé d’installer « quatre salles de cinéma Art & Essai, un espace de spectacle vivant, un restaurant, un café, une boutique à dominante culturelle et une offre d’événements pour les entreprises » (site de la fondation). Pour ce faire, une rénovation totale du bâtiment est nécessaire, comme le souligne la mairie.

Si nous saluons la vocation inclusive du projet de la fondation, c’est le projet de modification de la façade de l’ancien théâtre qui inquiète. En effet, il est envisagé de transformer la façade actuelle par un ensemble vitré encadré de quatre grandes arches métalliques.
Afin de réaliser ces travaux d’extension, la mairie a engagé une procédure de déclassement du domaine public d’une partie de la place (notamment une emprise située devant la façade). Il ressort de l’enquête publique que, si l’installation de ce projet inclusif est majoritairement acceptée, de nombreuses voix – dont l’association boulonnaise ASBNO – ont exprimé leur inquiétude et surtout leur opposition quant à cette transformation de la façade sachant que la surface de cette avancée serait de 164m² pour une profondeur de 4,9 mètres.
Si l’absence de cohérence entre l’architecture du bâtiment et cette structure nous semble évidente, ce n’est pas l’avis de la fondation Perce-Neige. On peut ainsi lire sur son site que « la rénovation sera respectueuse de l’architecture existante et les extensions contemporaines (largement vitrées et entourées d’une bande paysagée) sont conçues en symbiose avec l’architecture IIIe République, pour ne faire qu’un »...

Il est ainsi légitime de s’interroger sur l’utilité de cette extension. La fondation donne un début de réponse : « Les arches permettent la création de nombreuses terrasses protégées du soleil et de la pluie tout en offrant une ventilation naturelle des espaces intérieurs, dites bioclimatiques. Ces extensions rendent possibles une plus grande végétalisation du bâtiment grâce à des résilles servant de support à des plantes grimpantes, plantes contribuant à améliorer la qualité de l’air et à réduire le bruit avoisinant ». L’argument "bioclimatique", que l’on connait bien à Paris, nous semble peu convaincant.
Rien ne justifie, en réalité - mis à part le désir d’un geste architectural gratuit - de défigurer un bâtiment du XIXe siècle, de surcroît situé à proximité d’une basilique classée au titre des Monuments Historiques. Il nous semble plus pertinent et plus économique de procéder à une restauration de la façade actuelle lui rendant sa physionomie d’origine, appauvrie au fil du temps (menuiseries dénaturées, faitage simplifié, etc). Ce qui n’empêcherait évidemment nullement d’accueillir le nouveau centre de la fondation Perce-Neige.
La mobilisation contre cette défiguration programmée d’un élément patrimonial est forte à Boulogne. Une pétition intitulée « Sauver le cœur historique de Boulogne », lancée en décembre 2024 sur le site Change.org, a déjà recueilli plus de 2000 signatures.
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