Ventes des collections du château de Dampierre (Yvelines) : nos échanges avec le ministère de la Culture

Le château de Dampierre, resté propriété des ducs de Luynes jusqu’en 2018, était l’une des dernières demeures de cette importance ayant franchi la Révolution française sans encombres, puis enrichie au fil des générations d’œuvres exceptionnelles. 

Cette stratification précieuse a été récemment bouleversée par 2 ventes aux enchères : la première, anonyme, du 14 septembre 2018, organisée avant l’aliénation du château, la deuxième, du 10 juillet 2019, organisée par son nouveau propriétaire à partir des œuvres cédées avec les murs.

Malgré notre signalement de ces 2 ventes au ministère de la Culture et la faiblesse des sommes à engager, celui-ci n’a pas daigné défendre l’un des fleurons de notre patrimoine, véritable musée contextuel. Nous reproduisons ici nos échanges écrits avec le ministère, avant la publication d’un article faisant le bilan des pertes pour notre patrimoine.

Julien Lacaze, vice-président de Sites & Monuments

Par ordre antéchronologique :

  • Vente du 9 juillet 2019

Vente Paris, Drouot, Baron Ribeyre & Associés, 9 juillet 2019, salle 14 et 15. Photo Sites & Monuments / J. Lacaze
Vente Paris, Drouot, Baron Ribeyre & Associés, 9 juillet 2019, salle 14 et 15. Photo Sites & Monuments / J. Lacaze

Réponse adressée par Sites & Monuments au ministère de la Culture (direction générale des patrimoines) le mercredi 10 juillet 2019 à 10h09

Je vous remercie de cette réponse et note que la DRAC Île-de-France était « parfaitement au courant de cette vente ».

Serait-il possible de savoir si les objets concernés ont été étudiés par les services du ministère avant leur dispersion afin de conseiller leur nouveau propriétaire sur l’opportunité de conserver certains d’entre eux ? Un inventaire scientifique assorti d’un relevé des marques qu’ils comportent a-t-il notamment été établi ? Des demandes de recherches dans les archives de la famille de Luynes ont-elles été formulées ? Une médiation auprès du nouveau propriétaire a-t-elle été organisée afin de le sensibiliser au patrimoine des XVIIIe et XIXe siècles, partie intégrante de l’histoire de cette demeure ?

Il est inutile, je pense, de souligner que l’administration des monuments historiques n’est nullement tenue dans ses protections mobilières par le critère de « l’intérêt majeur » et, qu’au demeurant, une demeure ducale ayant conservé une partie de son mobilier de l’Ancien Régime (oeuvres d’art, bibliothèque et ameublement) revêt effectivement, en France, une telle importance, justifiant une politique de préservation in situ ; tout comme les témoignages de la vie sociale et artistique des ducs de Luynes au XIXe siècle...

C’est pourquoi nous sommes surpris d’apprendre que le ministère reprend à son compte un « projet de mise en valeur » consistant à revenir à un hypothétique état du XVIIe siècle, par élimination de meubles et d’œuvres conservés au château depuis les XVIIIe et XIXe siècles, époques particulièrement importantes pour la famille de Luynes et l’histoire du château.

Nous vous confirmons que beaucoup des objets vendus hier, comme ces dernières années, figuraient dans le « circuit de la visite » du château, qui est d’ailleurs susceptible d’évoluer ou d’accueillir de nouvelles œuvres, au besoin après restauration, et n’est nullement une condition de l’exercice des prérogatives de votre ministère.

En outre, comme les estimations et le produit de la vente le montrent, celle-ci n’avait nullement pour objet de contribuer à la restauration des bâtiments, dont nous nous réjouissons, mais bien de faire place nette, sans véritable réflexion préalable, réflexion que les services du ministère de la Culture avaient le devoir de susciter.

Nous sollicitons enfin, par le présent courriel, la consultation des certificats d’exportation délivrés ces 10 dernières années à des œuvres provenant du château de Dampierre. L’usage de la base Hermès et des mots-clés « Dampierre » et « Luynes » vous permettra de nous éclairer facilement à ce propos.

Dans l’attente de votre réponse, je vous prie d’agréer l’expression de ma respectueuse considération.

Courriel S&M 3

Réponse reçue du ministère de la Culture (direction générale des patrimoines) le mardi 9 juillet 2019 à 16h26 (pendant la vente)

Je vous remercie pour votre demande d’information.

La DRAC IDF est parfaitement au courant de cette vente mise en œuvre par l’actuel propriétaire.

Peu d’objets mobiliers d’intérêt patrimonial majeur ont été laissés au château par la famille de Luynes et les biens mis en vente n’étaient plus, pour la plupart, dans le circuit de visite du fait de leur état de conservation ou ne correspondent pas au projet de mise en valeur du château.

Les efforts du propriétaire actuel sont concentrés sur la confortation du château et des communs actuellement sous étais en lien étroit avec la conservation régionale des monuments historiques qui a instruit les accords sur permis de construire de l’immeuble inscrit.

Un nouveau projet de parcours de visite est à l’étude prenant en compte tant l’histoire du château que l’histoire de l’attelage.

Réponse MCC 2

Courriel adressé par Sites & Monuments au ministère de la Culture (direction générale des patrimoines) le jeudi 4 juillet 2019 à 11h04

Je me permets de vous signaler cette nouvelle vente du mobilier du château de Dampierre (qui a été dûment notifiée au ministère par le commissaire-priseur) :
https://www.drouot.com/vente-aux-encheres-drouot/99871/chateau-de-dampierre?offset=0&query=&lotGroupTheme=

Une précédente vente - également signalée par nos soins au ministère - avait notamment abouti, le 14 septembre 2018, à la dispersion du patrimoine textile remarquable des ducs de Luynes (livrées, habits de vénerie, vêtements liturgiques...) : https://www.thierrydemaigret.com/html/index.jsp?id=93552&lng=fr&npp=150

Cette fois, un mobilier des XVIIIe et XIXe siècles, souvent de grande qualité, comportant des garnitures textiles anciennes ou des marques du château, sera dispersé. Ce mobilier est très souvent reconnaissable sur les photographies de la fin du XIXe siècle des intérieurs du château et contribue ainsi à son intégrité patrimoniale.

Comme pour la première vente, les sommes en jeu sont peu importantes et une intervention du ministère, en bonne intelligence avec le nouveau propriétaire, serait hautement souhaitable.

Par ailleurs, il nous semble urgent de donner une contrepartie fiscale aux dispositifs de protection des ensembles mobiliers et mixtes heureusement introduits en 2016 dans le code du patrimoine. Quelques suggestions figurent à ce propos sur notre site : http://www.sppef.fr/2017/09/29/comment-dynamiser-les-territoires-par-louverture-de-monuments-historiques-meubles-au-public/

Nous restons à votre disposition.

Courriel S&M 1
  • Vente du 14 septembre 2018

Vente Paris, Drouot, Thierry de Maigret, 14 septembre 2018, salle 1 et 7. Photo Sites & Monuments / J. Lacaze
Vente Paris, Drouot, Thierry de Maigret, 14 septembre 2018, salle 1 et 7. Photo Sites & Monuments / J. Lacaze

Courrier, demeuré sans réponse, adressé par Sites & Monuments à la ministre de la Culture le 5 septembre 2018

Lettre Dampierre Nyssen 5 septembre 2018 (1)
Lettre Dampierre Nyssen 5 septembre 2018 (2)