Le combat se poursuit pour sauvegarder le refuge des Évettes

En quelques mois, plus de deux mille personnes ont signé la pétition pour la sauvegarde du refuge des Évettes. N’hésitez pas à la faire connaître autour de vous.

À la suite de la publication, le 11 avril 2023, de l’article « Le refuge, une expérience de déconnexion, de sobriété, de vivre-ensemble » sur le site d’informations de la revue « Montagnes Magazine », sont reproduits ci-dessous des extraits de la note adressée à la publication afin de compléter l’information sur le refuge des Évettes dont il est fait état.

1. Une absence de solution à la rénovation du refuge maintenant la construction existante ?

« Aucune solution technique satisfaisante n’a été trouvée pour conserver le bâtiment original et le rénover dans l’existant » [1]

À ce jour, aucun projet de « conservation » du bâtiment n’a été étudié, ni présenté par la FFCAM. La démolition du refuge est l’unique solution proposée. Elle serait suivie d’un nouveau bâtiment de deux niveaux : le rez-de-chaussée construit en totalité en béton armé masqué sur les parois extérieures par la pose d’un parement de pierres qui devraient être prises autour du refuge dans le périmètre du site classé.

La mise en œuvre d’un tel projet nécessite plus de 200m3 de béton, soit 550 tonnes à transporter, une quarantaine de trajets de camions entre la centrale à béton de Termignon au site de l’Écot (30km), plus de 620 rotations d’hélicoptères entre le parking de l’Écot et le site du refuge, nécessitant au final plus de 30 000 litres de kérosène pour acheminer les bétons, selon un avant-projet présenté par la FFCAM, le 23 décembre 2021.

On est loin d’atteindre l’objectif d’une construction « frugale » en énergie, bâtie dans un site classé.

2. La demande de protection aux monuments historiques empêcherait-elle la modernisation du refuge ?

« S’il est classé, le bâtiment ne bougera pas, et l’exploitation se fera jusqu’à ce qu’elle ne soit plus autorisée. »

Le classement du refuge aux monuments historiques a été demandé par l’association Sites & Monuments avec le soutien de l’association Docomomo France, les services de la DRAC Auvergne Rhône-Alpes (Direction régionale des affaires culturelles) encourageant l’initiative, et plusieurs milliers de personnes désireuses de voir le refuge maintenu en soutenant la demande de protection via une pétition en ligne destinée à appuyer la demande de maintien du refuge.

Pour éviter de se méprendre sur les effets du classement qui pourraient ne pas permettre « au bâtiment, au refuge de bouger » (selon les propos rapportés dans l’article), il semble utile de rappeler que le classement aux monuments historiques n’a jamais interdit la réhabilitation et / ou l’entretien de l’édifice. Il a pour effets de soumettre les travaux à autorisation des services du ministère de la Culture et à des règles particulières comme faire appel à des professionnels qualifiés de l’architecture et de la construction. Mais pas d’empêcher le propriétaire d’entretenir son bâtiment classé aux monuments historiques.

Le classement des Évettes aux monuments historiques n’implique pas immobilisme et renoncement à l’entretien, sauf au propriétaire à en décider.

Sinon, comment comprendre le nombre d’édifices classés monuments historiques ouverts à la visite et accueillant un public toujours plus important ?

Les réponses à la modernisation des Évettes et aux objectifs du CAF, notamment la mise aux normes thermiques, sanitaires, techniques et de sécurité incendie existent. Elles sont connues de la FFCAM comme des services de la DRAC et des collectivités publiques.

Et quoi de plus positif que de conserver et développer — « faire vivre » — une construction qui répond, depuis plus de cinquante ans, aux objectifs de sobriété, et permettre ainsi à la FFCAM de « rester dans un accueil qui fasse vivre une expérience de sobriété parce que c’est aussi le rôle social de refuge ».

3. Les matériaux amiantés, un rapport « accablant » ?

« La construction utilise des matériaux amiantés, et le rapport d’expertise amiante accablant nous enjoint d’agir. »

La présence d’amiante a été diagnostiquée sur des parties habituelles de la construction de cette époque : enduit appliqué sur les parois extérieures de l’extension maçonnée adossée à la façade Nord (réalisée en 1992), mastics pour les vitrages des menuiseries, dalles en linoléum couvrant le sol du refuge et la colle utilisée pour leur pose.

Les panneaux de façade « Matra 2 » ont cependant soulevé des inquiétudes. Fabriqués sous presse en usine, ils sont composés de deux plaques de fibrociment enserrant un isolant ininflammable. Toutes les faces du panneau (parois et tranches) sont recouvertes par un stratifié de verre polyester imprégné de résine et d’une couche de gel-coat, peinture étanche adoptée pour les bateaux. Ce qui assure l’« encapsulage » complet des matériaux composant chaque panneau.

Malgré cela, des fibres d’amiante ont été relevées à l’extérieur du refuge au pied de certains panneaux :
— ceux dégradés par endroits, en nombre très réduit (voir fig.1).
— ceux sur lesquels la recherche d’amiante a donné lieu à un sondage destructif (ouverture dans le panneau, voir fig.2).
— ceux dont les plaques ont été percées dernièrement (2021) pour faire passer le tuyau d’alimentation en eau du refuge, en remplacement de la conduite qui passait jusque-là par le sous-sol (voir fig.3).

4. La protection et la préservation du refuge des Évettes est un projet contemporain.

La connaissance acquise du procédé de fabrication des panneaux « Matra 2 » et de leur composition permet aujourd’hui de réaliser des panneaux identiques à ceux de 1970 en recourant à des matériaux agréés (plaques de fibrociment avec fibres de bois ou de résine par exemple) et en conformité avec les exigences énergétiques actuelles. Ce qui sera un chantier passionnant et novateur.

Comme on peut le relever, la restauration et la modernisation du refuge des Évettes sont tout à fait possible en prenant en compte les singularités de l’édifice au regard de ses caractéristiques patrimoniales. Cette restauration permettra de poursuivre le travail d’invention et de recherche architecturale et constructive dont le refuge actuel demeure un exemple significatif.

Et on peut raisonnablement prévoir que ce projet sera accueilli favorablement, voire compris comme un formidable chalenge architectural par les professionnels de l’architecture et de la conservation / protection des monuments historiques.

Le chantier sera aussi l’occasion de s’adresser aux promeneurs, randonneurs et alpinistes sur les ambitions architecturales et constructives des abris de haute altitude. Ces montagnards avides de nature, de plein air et d’efforts, sont soucieux aussi du respect de l’héritage transmis par les générations précédentes, notamment vis-à-vis de la simplicité des refuges.

5. Précisions sur la conception et la construction du refuge

« Le bâtiment actuel a été conçu par l’ingénieur Jean Prouvé et l’architecte Guy Rey-Millet... Ils ont inventé le bâtiment modulaire en 1971 avec une structure novatrice qui a été construite par trois hommes en un été. »

Le refuge des Évettes a bien été conçu en 1969 par Guy Rey-Millet, architecte urbaniste établi à Chambéry à la demande de Claude Maillard alors président du Club alpin français.

Travaillant à cette époque au projet d’Arc 1600 auquel Jean Prouvé ingénieur et industriel collaborait, ce dernier a recommandé à Guy Rey-Millet de recourir aux composants de structure qu’il venait, avec l’ingénieur Léon Pétroff, de mettre au point pour réaliser des constructions modulaires.

Les éléments étaient de faible poids (25 tonnes de matériaux pour couvrir 240 m², soit 1T/m²), composés de pièces manipulables et assemblables aisément sans moyen de levage mécanique. Démarche constructive garantissant un coût très compétitif. L’assemblage de la structure a été réalisé par quatre personnes qui ont travaillé pendant quatre semaines.

Le refuge des Évettes est ainsi issu d’un projet de Guy Rey-Millet qui a choisi de recourir aux procédés constructifs inventés par Jean Prouvé et son équipe, en particulier Léon Pétroff.

Le résultat témoigne non seulement du développement de l’architecture modulaire et de l’industrialisation de la construction mais aussi de la résistance des structures tridimensionnelles en montrant qu’elles pouvaient être employées durablement à haute altitude (2 594m).

À la remise du refuge au CAF, la satisfaction du travail accompli par Guy Rey-Millet était telle que le maître d’ouvrage a décidé, d’emblée, de poursuivre sa collaboration avec l’architecte en lui confiant l’agrandissement du refuge du col de la Vanoise (2 547m d’altitude). Le projet est réalisé en 1972 dans des conditions similaires à celles réunies pour construire les Évettes, tout en ajoutant au nouveau refuge du CAF une construction pour les gardes du parc national de la Vanoise.

Jean-François Lyon-Caen, architecte, fondateur du master recherche architecture-paysage-montagne à l’École nationale supérieure d’architecture de Grenoble.

Fig.1 : Certains panneaux "Matra 2 ", en nombre très réduits, sont dégradés par endroit.
Fig.2 : Sondage destructif pour recherche d’amiante sur panneau "Matra 2"
Fig.3 : Plaque percée pour le passage d’un tuyau d’alimentation en eau.

Prendre connaissance des informations sur le site des associations ci-dessous :
Sites & Monuments et Docomomo-France

Pour découvrir l’évolution des refuges de montagne, consulter un extrait du dossier « quatre murs et un toit » de Solène Roge paru dans la revue "Les Others" n° 16 de juin 2023 consacré à leur architecture."

Notes

[1Les parties en italique sont des extraits de l’article.