Les rejets de moules non commercialisables sur l’estran de la Baie du Mont Saint-Michel sont à nouveau autorisés par le nouvel arrêté préfectoral publié le 8 juillet 2022 au RAA 35 qui définit les conditions d’application au sol de l’épandage de ces moules sous taille dans la baie.
Cet arrêté « sur mesure » s’appuie, en particulier sur :
- Le règlement (CE) numéro 1069/2009 du Parlement Européen et du Conseil du 21 octobre 2009 établissant des règles sanitaires applicables aux sous-produits animaux et produits dérivés non destinés à la consommation humaine et abrogeant le règlement (CE) numéro 1774/2002 (règlement relatif aux sous-produits animaux),
- Un arrêté préfectoral du 12 mai 2022 portant décision après examen au cas par cas en application de l’article R.122-3-1 du code de l’environnement,
- Et bien sûr, sur la décision du juge des référés du 17/12/2021 qui oblige la réalisation d’une étude d’Impact car ces rejets de déchets s’effectuent en zone Natura 2000.
Pour épandre à nouveau des moules sous taille sur l’estran, l’administration a mobilisé trois Directions :
- La DREAL Bretagne qui est en charge de l’arrêté du 12 mai ;
- La DDPP (Direction départementale de la protection des populations) en charge de l’arrêté du 8 juillet ;
- La DDTM/ DML de Saint-Malo en charge d’un très éphémère arrêté de circulation de véhicules sur l’estran (en réalité le hersage de tas de moules sur l’estran), arrêté publié le 5 juillet pour une validité du 29 juin au 15 juillet.
Ces trois directions ont fait montre de beaucoup d’ingéniosité pour que la population et les associations ne soient pas informées :
- L’arrêté du 12 mai n’a pas été publié aux RAA préfectures 35 et Bretagne mais sur le site de la DREAL ;
- Les deux arrêtés de « hersage » et d’application (sic) des moules non commercialisables n’ont fait l’objet d’aucune consultation publique, ni de présentation en CDNPS.
L’APEME35 a demandé la communication des documents visés par ces arrêtés (étude d’impact, délibérations du CRC BN, avis Ifremer, ARS...). Nous n’avons reçu que quelques documents (EI essentiellement) et nous avons relancé l’administration sans succès.
L’étude d’impact indique bien entendu que le projet d’application des moules non commercialisables sur trois chemins conchylicoles n’a que peu/ou pas d’impact négatif, et qu’un suivi du benthos et de la population aviaire (goélands) doit confirmer, en quelque sorte ce constat.
Cependant, la lecture de ladite étude recèle bien des manquements et des informations qui disent le contraire.
Tout d’abord, cette étude est basée sur des données climatiques (température, pluviométrie, insolation, vents), qui sont antérieures à 2010 et issues de la station météo de Dinard située à quelques 50 km du site en question, alors qu’il existe deux stations de Météo France dans la baie (Avranches et Granville).
Les études faites en 2021/2022 (comptages oiseaux, échantillonnage du benthos) ont été réalisées en dehors des périodes de très fort épandage et des fortes températures.
- Concernant l’impact sur les paysages, il est estimé négligeable car affectant une très faible partie de l’estran, et de plus éloigné du rivage. Pourtant l’EI signale que lors des périodes d’épandage La Maison de la Baie modifie l’itinéraire de ses deux véhicules emmenant les touristes en évitant de prendre les chemins d’épandage. Ajoutons que les moules déversées sur les chemins de la Laronnière sont transportées par le flot vers le rivage en haut de l’estran en longs paquets de plusieurs centaines de mètres où elles pourrissent à l’air libre lors des marées de faible coefficient ;
- Concernant les odeurs dues aux moules en putréfaction, fait cité dans l’arrêté du préfet du 12 mai, aucune mesure de gaz (H2S, ammoniac) n’a été faite ;
- Concernant les trois projets de valorisation, une description très sommaire des différents procédés a été faite sans indication de mise en service industrielle opérationnelle, sans indication de montant d’investissement ni de coûts d’exploitation.
Cependant, les rédacteurs de l’EI indiquent que ces trois techniques requièrent beaucoup d’énergie et sont créatrices de polluants.
Extrait page 52 :
« Elles présentent chacune leurs avantages distincts mais elles visent globalement à s’intégrer dans une démarche au maximum locale, respectueuse de l’environnement et en minimisant les déchets produits. Toutefois, ces solutions présentent certains inconvénients comme l’utilisation d’énergie pour la valorisation et la production d’extrants potentiellement polluants ou à retraiter. »
Il est aussi bien précisé que les épandages, dépôts ou application perdureront car les mytiliculteurs veulent fixer les goélands sur l’estran afin qu’ils n’aillent pas se nourrir sur leurs pieux.
Extrait page 52 :
« À terme, il est envisageable de conserver un volume minimal de moules sous-taille à épandre sur l’estran afin de rediriger la prédation par les goélands, et de valoriser le volume excédentaire via les circuits de valorisation en cours de développement. »
En conclusion, par ces trois arrêtés, l’administration et le Comité Régional Conchylicole ont conçu un dispositif réglementaire afin de ne pas informer la population et les associations, allant jusqu’à ne pas soumettre au public l’étude d’impact alors que c’est réglementairement obligatoire.
Les mytiliculteurs affirment, dans cette étude qu’il n’est pas « concevable » (sic) d’élever leurs moules autrement qu’en ensemençant tous les pieux en même temps et en les récoltant en une seule fois avec la pêcheuse.
Ils n’envisagent aucune mesure pour éviter/réduire les quantités de déchets de moules sous taille produites.
Au moment où les pouvoirs publics incitent (voire vont prendre des mesures coercitives) à réduire les consommations d’énergie et à réduire la production de déchets, les mytiliculteurs choisissent, avec le soutien des mêmes pouvoirs publics, de continuer à produire des déchets en grande quantité qu’ils traiteront par des techniques de valorisation coûteuses, énergivores, créatrices de polluants, faisant perdurer une pression très importante sur le milieu naturel et une dégradation du paysage dans un site classé au Patrimoine de l’UNESCO.
Le Bureau de l’APEME a décidé, le 2 août, d’agir contre cet arrêté du 8 juillet 2022 en déposant un recours et un référé suspension (cf. délibération ci-jointe). L’APEME souhaite que Sites & Monuments agisse à ses côtés selon les modalités de l’action commune des deux associations contre l’arrêté du 21 juillet 2021 qui a conduit à sa suspension par le Tribunal administratif de Rennes le 17 décembre 2021, et que L’APEME et Sites & Monuments signent un avenant à la convention en cours pour intégrer ce nouvel arrêté.
Merci de soutenir le combat de l’APEME et Sites & Monuments en faisant un don ICI.
Marie Feuvrier, présidente d’APEME et déléguée Sites & Monuments pour l’Ille-et-Vilaine
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