Sites & Monuments a mis en place une pétition, adressée à M. Jean Castex, PDG de la RATP, demandant la protection des derniers décors anciens en faïence du métro parisien, systématiquement détruits pour être renouvelés sous la forme de pastiches.

Les touristes et les Parisiens, de retour de vacances, à la fin du mois d’août 2025, ont pu découvrir la station de métro Vaneau atrocement mutilée, comme tant d’autres précédemment. Selon la politique de rénovation systématique de la RATP, les carreaux et ornements de faïence originaux y sont en cours de destruction pour être remplacés par des carreaux neufs, afin de réaliser une copie approximative et sans âme du revêtement historique.

La station Vaneau a été ouverte au public le 6 janvier 1923, soit une semaine après la mise en service de la ligne 10. Possédant une entrée de style Art déco sur la rue de Sèvres, pendant de la fontaine du Fellah contiguë, la station n’avait pas changé, hormis une rénovation de ses couloirs et de l’éclairage de ses quais dans le cadre du programme « renouveau du métro » dans les années 2000.


Sa décoration est celle de la majorité des stations du métro : des carreaux blancs en céramique biseautés à fort relief de 7,5 cm par 15 cm (permettant de refléter la lumière), des cadres pour affiches en faïence de couleur miel à motifs végétaux, le nom de la station inscrit en blanc sur fond de céramique bleue, selon le style adopté par la Compagnie du chemin de fer métropolitain de Paris (CMP).
Ces carreaux, fournis par l’entreprise Boulenger et Cie ou, dans une moindre mesure, par la faïencerie de Gien, sont aujourd’hui l’un des emblèmes de Paris.
![]() Façade du siège social de la faïencerie Boulenger du 18 rue du Paradis Paris 10e arr. Inscrit au titre des monuments historiques par arrêté du 6 octobre 1981.
|
|
![]() Façade sur rue de la maison-catalogue de la faïencerie Boulenger à Auneuil (Oise). Classée au titre des monuments historiques par arrêté du 27 juin 1991.
|
La manufacture Boulenger, active à Choisy-le-Roi (Val-de-Marne) sous différentes appellations de 1804 à 1936, connut son heure de gloire avec le chantier du métro parisien dont elle obtint les deux tiers du marché relatif aux revêtements muraux. Pour l’occasion, l’entreprise déménage en 1889 son siège social au 18 rue de Paradis à Paris, aujourd’hui protégé au titre des monuments historiques, tout comme la maison-catalogue de l’entreprise à Auneuil (Oise). Sa façade montre notamment des échantillons des fameux carreaux du métro parisien ainsi que des autres productions de la manufacture, allant des vases monumentaux et panneaux ornementaux, dessinés par des artistes comme Albert-Ernest Carrier-Belleuse, aux simples services de table.
![]() Marque de la faïencerie Boulenger de Choisy-le-Roi, produisant des "articles sanitaires, faïences d’art et revêtements céramiques". Marque relevée sur le service ci-dessus.
|
![]() Marque de la faïencerie Boulenger de Choisy-le-Roi apparaissant dans certaines station du métro parisien.
|
Vers 1930, environ deux cent mille carreaux métro sont produits chaque semaine à Choisy-le-Roi, dans une dépendance de l’ancien château royal reconvertie en faïencerie sous l’Empire, l’argile nécessaire provenant, depuis 1906, d’une carrière située dans le Roumois, en Normandie. Combien de ces revêtements d’origine demeurent aujourd’hui sur les murs du métro parisien ?
Les copies pastichant les carreaux originaux ne font pas illusion. Leur relief atténué, leur blancheur excessive et le clinquant de leur émail en font des imitations défectueuses. L’encadrement des affiches et le lettrage du nom des stations sont, pour leur part, de véritables œuvres d’art, absolument inimitables, notamment par la finesse de leur émail appliqué sur un relief prononcé, sorti des moules originaux, la profondeur et le caractère nuancé des fonds bleus et le beau réseau de craquelures de l’émail (voir ci-dessus).

Certains carreaux sont craquelés, fragilisés ou patinés par les années ? Et alors ? Un nettoyage adapté et des éclairages plus performants peuvent compenser leur moindre luminosité. Les faïences actuelles s’intègrent mal aux carreaux anciens ? De meilleures copies destinées à la restauration sont possibles, éventuellement harmonisées dans leur teinte.
L’histoire et le charme du métro parisien - plébiscité par les touristes du monde entier comme par ses usagers quotidiens - mérite que l’on préserve les dernières stations ayant échappé aux rénovations drastiques. Les créations des années 60, dont certaines emblématiques de cette époque, doivent également être sauvegardées. Il n’y a pas de raison de limiter les protections aux seules bouches de métro, créations d’Hector Guimard notamment. L’esthétique d’une station doit être appréhendée globalement.

Nous demanderons, par conséquent, un moratoire sur la destruction des revêtements anciens du métro parisien et l’examen conjoint, par la RATP et le ministère de la Culture, d’une protection au titre des monuments historiques des dernières stations préservées du pastiche ainsi que l’élaboration d’un protocole de restauration approprié.
Une pétition est lancée avec le titre « sauvons les derniers décors anciens en faïence du métro parisien » et un rendez-vous a été demandé par Sites & Monuments aux dirigeants de la RATP.
Julien Lacaze, président de Sites & Monuments
Signer la pétition