LOI ACCÉLÉRATION DES ENR - Propositions d’amendements Assemblée Nationale (séance)

À l’occasion de l’examen par l’Assemblée Nationale en séance du projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables, Sites & Monuments s’est adressée à l’ensemble des députés en recommandant :
1. la création d’un avis conforme de l’ABF dans les 10 km d’un Monument historique ou d’un Site patrimonial remarquable ;
2. la création d’une distance de principe de 40 km des côtes pour l’éolien en mer ;
3. le maintien de l’avis conforme de l’ABF en matière de panneaux solaires.
Conformément à notre politique de totale transparence, désormais inscrite à l’article 2 des statuts de l’association, nous en reproduisons la teneur ci-dessous.
JL

Avis conforme de l’ABF dans les 10 km d’un monument historique ou d’un SPR

AMENDEMENT EN SÉANCE
Présenté par

Article 1er CA

Rétablir un article 1er CA dans la rédaction suivante :

« La sous-section 2 de la section 6 du chapitre unique du titre VIII du livre Ier du code de l’environnement est complétée par un article L. 181-28-1 A ainsi rédigé :
« Art. L. 181-28-1 A. – Les installations terrestres de production d’électricité utilisant l’énergie mécanique du vent soumises à évaluation environnementale en application du II de l’article L. 122-1 du présent code ne peuvent être implantées que sur avis conforme de l’architecte des Bâtiments de France, dans les conditions prévues à l’article L. 621-32 du code du patrimoine lorsque :
« 1° Elles sont visibles depuis un immeuble protégé au titre des monuments historiques en application des articles L. 621-1 et L. 621-25 du même code, ou visibles en même temps que lui, et situées dans un périmètre de dix kilomètres autour de ce monument ;
« 2° Elles sont visibles depuis un site patrimonial remarquable mentionné à l’article L. 631-1 dudit code, ou visibles en même temps que lui, et situées dans un périmètre de dix kilomètres autour de ce site. »
« Ces périmètres peuvent être délimités dans les conditions de l’article L. 621-31 du même code. Les autorisations délivrées en leur sein font l’objet des recours hiérarchiques prévus à l’article L. 632-2 dudit code. »
 »

EXPOSÉ SOMMAIRE

Il s’agit d’introduire de la souplesse dans le dispositif voulu par le Sénat en permettant une redélimitation du périmètre de dix kilomètres afin de l’ajuster aux seules zones utiles (perspective monumentale ou vue particulièrement remarquable), tout en réaffirmant, concernant les autorisations délivrées en son sein, la possibilité pour l’autorité d’urbanisme ou le demandeur d’exercer un recours hiérarchique auprès du préfet de Région, qui arbitrera entre les impératifs de la protection du patrimoine et les autres politiques publiques. Une erreur de renvoi est en outre rectifiée.

Les périmètres de protection des monuments historiques, délimitant une zone de 500 mètres de rayon soumise à autorisation préalable de l’architecte des bâtiments de France (ABF), ont été créés par une loi du 25 février 1943. À cette date, il n’était nullement question de construire des structures comparables aux éoliennes qui se caractérisent autant par leur grande hauteur - pouvant dépasser aujourd’hui les 240 mètres (la Tour Montparnasse mesure 210 mètres) - que par leur simplicité d’édification. La loi doit, par conséquent, évoluer pour s’adapter à ces données nouvelles.

La possibilité d’accroitre le périmètre de protection d’un monument historique - qui existe depuis 2000 dans notre droit - est ici inappropriée, car chaque construction située dans cette zone serait soumise au contrôle de l’ABF, ce qui irait au-delà du but recherché et engorgerait les services de l’État. Un périmètre spécifiquement dédié aux éoliennes est par conséquent indiqué.

La jurisprudence prend en considération des éoliennes situées à plus de 10 kilomètres des monuments protégés, tandis qu’une circulaire n° 2008/007 de la ministre de la Culture du 15 septembre 2008 recommande une distance d’implantation des aérogénérateurs « pouvant aller jusqu’à 10 km, ou plus, lorsque la protection des cônes de vues remarquables le justifiera ». Cette distance est d’autant plus légitime que la hauteur de ces installations n’a cessé de croître, passant, en quelques années, de 130 à plus de 240 mètres de hauteur. Or, une éolienne est visible, sur un terrain plat, à plus de 30 kilomètres et sa perception dans le paysage est accentuée par les mouvements de ses pâles et un clignotement ininterrompu.

L’avis conforme de l’ABF ne sera cependant requis qu’en cas de visibilité des installations depuis le monument protégé ou en même temps que lui (covisibilité). L’ABF ne peut par conséquent contrôler l’édification de ces machines dans l’ensemble du périmètre. En cas de lien visuel avéré, il pourra prescrire l’installation d’aérogénérateurs de moindre hauteur ou la modification de leur implantation en vertu de l’article L. 621-32 al. 2 du code du patrimoine.

Prétendre qu’il sera presque inenvisageable d’édifier des éoliennes dans un rayon de 10 km des monuments historiques est aussi inexact que d’affirmer qu’il est impossible de construire dans les principales villes, bourgs ou villages français, généralement couverts quasi intégralement par un ou des périmètres de protection de monuments historiques de 500 m de rayon.

L’avis conforme de l’ABF au sein des périmètres éoliens sera, au demeurant, soumis à un recours hiérarchique dans les conditions de l’article L. 632-2 du code du patrimoine devant le préfet de Région - apte à départager des intérêts publics concurrents - et, en cas de confirmation, à recours contentieux du pétitionnaire.

Le périmètre des dix kilomètres cessera, en outre, d’être applicable en cas de redélimitation de la zone, notamment à la demande d’un conseil municipal, en vertu de l’article L. 621-31 du code du patrimoine. Ainsi, il sera possible de préciser le tracé de la zone de dix kilomètres, en l’ajustant à ses seules parties utiles (cônes de vues remarquables), ou en l’étendant très ponctuellement. Il sera alors intégré au document d’urbanisme, une mutualisation des enquêtes publiques étant possible (article L. 621-31 al. 3 du même code). Dans le cas d’un périmètre ainsi redélimité, la condition de visibilité ou de covisibilité n’a plus lieu d’être, ce qui est facteur de simplification pour les pétitionnaires, mais ne signifie nullement l’interdiction de tout projet en leur sein.

Les dispositifs de planification introduits dans notre droit ne peuvent se substituer à ce périmètre élargi puisqu’ils sont peu précis et non opposables juridiquement, tandis que les éventuels dispositifs d’urbanisme sont à la main des seules collectivités et donc non pérennes. D’où l’intérêt de la servitude d’utilité publique proposée.

Exemple d’abords des 500 m (cercle en pointillés où la construction n’est nullement empêchée) convertis en zone délimitée des abords (en rouge). Cette zone, où l’ABF est désormais compétent sans avoir à démontrer un lien visuel avec le monument, n’empêche pas plus la construction. Commune de Liffré (Ille-et-Vilaine)

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Distance de principe de 40 km des côtes pour l’éolien en mer

AMENDEMENT EN SÉANCE
Présenté par

Article 12

À l’alinéa 15, rétablir le II dans la rédaction suivante :

« II. – Pour les procédures de mise en concurrence prévues à l’article L. 311 10 du code de l’énergie relative à des projets éoliens en mer, sont privilégiées des zones d’implantation situées à une distance minimale de 40 kilomètres vis-à-vis des côtes, en tenant compte des contraintes techniques ou technologiques liées à l’implantation de parcs éoliens à cette distance sur les différentes façades maritimes. »

EXPOSÉ SOMMAIRE

La préservation du littoral français et de la ressource halieutique passe par un éloignement de l’implantation des parcs éoliens en mer par rapport au littoral afin d’éviter l’effet désastreux constaté par les élus et les riverains du parc de Saint-Nazaire, qui altère l’horizon marin de La Baule et des stations balnéaires voisines qui faisaient la richesse touristique de la région.

Cet amendement propose de privilégier une distance minimale d’éloignement de 40 km (soit 21,6 milles nautiques) entre les parcs éoliens en mer et les côtes (alors que la ligne d’horizon se situe à 50 km, soit 27 milles nautiques), de manière à limiter leur impact visuel, particulièrement sensible compte tenu de l’absence d’écrans végétaux ou de reliefs.

Un tel éloignement n’impacterait plus les artisans-pêcheurs pratiquant une pêche responsable et durable, à la journée, dans la bande côtière et préserverait la biodiversité, particulièrement riche dans ces 40 premiers kilomètres.

Cette distance d’éloignement la côte se fonde sur celle, moyenne, des parcs éoliens offshore en Europe (qui est de 41 kilomètres) et sur les recommandations formulées par la Commission supérieure des sites, perspectives et paysages dans son avis du 16 juin 2021 et par le Conseil national de protection de la nature dans son avis du 6 juillet 2021.

Sur un plan économique, une implantation à une distance minimale de 40 kilomètres des côtes permettrait de bénéficier de vents plus forts et plus réguliers.

L’argument de l’impossibilité de trouver des zones d’implantation au-delà de la bande des 40 km, tant dans la Manche qu’en Méditerranée, en raison notamment de l’immaturité de la technologie des éoliennes flottantes, n’est pas recevable. D’une part, le présent amendement fait une place aux contraintes techniques et technologique en ne fixant qu’une distance de principe, qu’autre part, le Gouvernement ayant lancé un appel d’offre industriel pour des éoliennes flottantes à 20 kilomètres des côtes de Bretagne Sud, pour un montant qui devrait être supérieur à deux milliards d’euros, il faut en conclure que la technologie de l’éolien flottant est bien mature.

Ce projet n’est d’ailleurs pas isolé en Europe puisque le parc éolien offshore flottant de MarramWind (3 GW), situé à 75 kilomètres au large de la côte nord-est de l’Écosse, doit être implanté à des profondeurs d’eau moyennes de 100 mètres.

Carte européenne des zones de développement de l’éolien en mer, avec une distance moyenne des parcs éoliens offshore à la côte de 41 km. Toise de 200 km (en bas à droite). Source 4 C Offshore.
Zones d’implantation à privilégier pour l’éolien en mer selon le Conseil national de la protection de la nature (CNPN). Autosaisine du CNPN sur le développement de l’énergie offshore en France et ses impacts sur la biodiversité, le patrimoine naturel et les paysages, juillet 2021, p. 8.

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Maintien de l’avis conforme de l’ABF en matière de panneaux solaires

AMENDEMENT EN SÉANCE
Présenté par

Article 1er quater A

Supprimer l’article 1er quater A (nouveau)

EXPOSÉ SOMMAIRE

La soustraction des dispositifs de production d’électricité et de chaleur par énergie solaire, sur les bâtiments, comme "en ombrière", au pouvoir d’autorisation des architectes des bâtiments de France (ABF), avait fait consensus contre elle au Sénat.

Les zones patrimoniales concernées, abords des monuments historiques et Sites patrimoniaux remarquables (SPR), sont en effet parmi les plus précieuses, mais ne représentent que 6 % de notre territoire. Le gisement d’énergie solaire concerné est par conséquent limité.

Compléter la liste des dérogations aux pouvoirs des ABF prévues à l’article L. 632-2-1 du code du patrimoine - introduit en 2018 par la loi ÉLAN - n’est pas souhaitable. Soustraire à l’autorisation de l’ABF tel ou tel immeuble insalubre, les antennes relais de la téléphonie mobile et, désormais, les panneaux solaires, revient à démembrer une compétence unitaire. Le patrimoine ne peut être ainsi morcelé au fil des politiques prioritaires de l’État.

Le pouvoir d’autorisation des ABF est d’abord un pouvoir de négociation avec les propriétaires et les maires, permettant de trouver des compromis, d’utiliser les meilleures techniques et les matériaux les plus adaptés. Cette autorisation avec prescriptions permettait d’habiller les antennes relais, comme elle doit permettre d’intégrer au mieux les panneaux solaires dans nos villes et villages patrimoniaux (choix du bâtiment, du positionnement des panneaux, de la technologie adaptée, etc).

Le rapport Botteghi, remis en juin 2022 au Premier Ministre, source du projet de loi discuté, est d’ailleurs dubitatif sur l’utilité d’une dérogation. Il considère que "Le taux d’échec des projets photovoltaïques dû à un avis conforme des ABF, avancé par la filière, est très difficile à objectiver". Il souligne, en outre, que les premières dérogations introduites par la loi ÉLAN font l’objet d’"un retour d’expérience mitigé". Il indique, en revanche, que la rédaction d’un "guide (ministère de la culture / ministère de la transition énergétique / ministère de la transition écologique) à destination des ABF afin de faciliter l’implantation de panneaux photovoltaïques et homogénéiser les pratiques" serait "satisfaisante si elle est mise en œuvre rapidement et de manière ambitieuse" (p. 14-15).