Sites & Monuments, association agréée pour la protection de l’environnement dans le cadre national, obtient, avec deux associations héraultaises, la première condamnation pénale d’un exploitant d’éoliennes pour destruction d’espèces protégées.
JL

La SARL Energie renouvelable du Languedoc (ERL) a été condamnée le 7 avril 2025 pour un délit de destruction d’espèce protégée sur le site éolien de Bernagues, à Lunas (Hérault), au sein du massif de l’Escandorgue (Parc Naturel Régional du Haut-Languedoc). Il s’agit de la première condamnation pénale d’un exploitant d’éoliennes pour destruction d’espèces protégées.
L’éolien détruit la biodiversité (et les paysages)
Le suivi environnemental de ce parc pour l’année 2020 montrait en effet des résultats de mortalité exorbitants de 147 oiseaux et 10 chiroptères par éolienne et par an, soit 1099 mortalités pour l’ensemble du parc en une année ! L’éolien détruit indubitablement notre biodiversité. On se souvient d’ailleurs qu’un Aigle Royal avait été retrouvé mort le 16 janvier 2023 au pied de l’une des sept éoliennes de Bernagues, malgré le ralentissement de ses pales par un système de détection de l’avifaune (SDA) parfaitement fonctionnel.

La plainte avait été déposée par les associations Sites & Monuments, agréée pour la protection de l’environnement dans le cadre national, Vigilance Patrimoine Paysager et Naturel (VPPN) et Protection des Paysages et Ressources de l’Escandorgue et du Lodévois (APPREL), qui avaient, par ailleurs, fait constater par les juridictions administratives, puis civiles, l’illégalité du permis de construire, puis fait condamner le promoteur à démonter ses éoliennes sous astreinte (affaire pendante pour la seconde fois devant la cour de cassation, le délibéré étant fixé au 30 avril 2025). Bien que n’ayant jamais été parties à cette phase contentieuse, entamée vingt ans plus tôt, les associations FNE et LPO avaient déposé plainte de leur côté pour les mêmes faits.

Le tribunal correctionnel de Montpellier, qui a joint l’instruction de ces différentes plaintes, poursuivait notamment la société Energie Renouvelable du Languedoc et son gérant, pour la mort d’un Aigle Royal, espèce protégée au titre de l’article L. 411-1 du code de l’Environnement :
Des sanction pénales inédites
Au terme de l’instruction, le Tribunal les a reconnus coupables des faits reprochés et condamnés aux peines suivantes :
- Sur le plan pénal :
Pour la société ERL : 200 000 € d’amende, dont 100 000 € avec sursis (cette somme sera due si des faits similaires se reproduisent dans les cinq ans) ;
Pour son gérant : 40 000 € d’amende, dont 20 000 € avec sursis ;
Le tribunal correctionnel de Montpellier a ajouté à ces condamnations pécuniaires une peine complémentaire de suspension de l’activité de la centrale éolienne pendant une année, cette peine étant assortie de l’exécution provisoire (cette obligation s’applique par conséquent même après appel de la décision).
- Sur le plan civil :
La société ERL est condamnée à verser à chacune des cinq associations ayant déposé plainte la somme de 6000 euros de dommages et intérêts, outre 1000 euros au titre des frais de justice.
Enfin, cette condamnation est assortie d’une obligation pour la société ERL de publier, à ses frais, dans un délai d’un mois sous astreinte de 100 € par jour de retard, sa condamnation dans les journaux Le Monde, Reporterre et Le Midi Libre.
Cette décision est une victoire en particulier en ce qu’elle ordonne - avec exécution provisoire - la suspension de l’activité du Parc pour une année.
FNE et LPO en quête de cohérence

Il est particulièrement malvenu pour FNE de crier victoire dans un communiqué, tout en expliquant dans son cahier d’acteur de la Programmation pluriannuelle de l’énergie 2025-2035 (PPE3) que "l’objectif [de doublement de la production d’électricité éolienne] est insuffisant alors que l’éolien est une ENR majeure du mix de demain" (voir ci-dessus). Or, les éoliennes sont toutes nuisibles à la biodiversité, sans pouvoir raisonnablement distinguer entre les "bonnes" et les "mauvaises" (elles tuent en moyenne sept oiseaux par an, ce qui peut être dramatique pour certaines espèces). Cette position, qui sacrifie selon nous l’essentiel (voir notre cahier d’acteur), est induite par un antinucléarisme de principe, désaccord entre nos associations que souligne la CNDP dans sa synthèse des cahiers d’acteurs de la PPE3.

La LPO, qui a également déposé plainte et communique sur le sujet, partage ce rejet de principe du nucléaire dans son cahier d’acteur de la PPE3, où elle ne se prononce curieusement pas sur l’éolien terrestre, en se contentant de demander une meilleure évaluation de la puissance retenue pour l’éolien en mer (voir ci-dessus).
Au-delà de cette action ponctuelle et médiatisée, il serait temps que ces deux associations respectées trouvent une véritable cohérence de discours. L’industrialisation à marche forcée de la nature par les EnR, pour un bénéfice climatique hypothétique ou minime, n’est pas admissible, alors que les dégâts sur la biodiversité et les paysages sont, eux, majeurs et certains.
Rendez-vous en appel
La société ERL vient de frapper ce jugement inédit d’appel. Celui-ci a pour effet de suspendre la décision rendue par le Tribunal et donc toutes les condamnations (pénales et civiles), à l’exception de la peine complémentaire d’obligation de suspendre l’activité de la centrale éolienne pendant une année, puisque celle-ci est assortie de l’exécution provisoire. Sites & Monuments vient naturellement de frapper le même jugement d’un appel incident afin de pouvoir formuler des demandes complémentaires devant la Cour d’appel.
Julien Lacaze, président de Sites & Monuments
Consulter notre contribution à la PPE3 (2025-2035)